En cas de motion de censure LR, la gauche votera, mais…
Et là, on parle encore de la « motion de censure LR », la seule réputée pouvoir faire tomber le gouvernement… Depuis le début de la législature, dans cette Assemblée nationale sans majorité, c’est un peu le Monstre du Loch Ness : tout le monde en parle, ça fait peur, mais personne ne l’a encore vu. Beaucoup de gens doutent même de son existence.
Pourtant, Éric Ciotti soulève à nouveau la menace depuis ce week-end sur la question du déficit. La droite veut un plan d’économie à grande échelle, mais sans hausse d’impôts ni baisse de la santé et des retraites, sinon : coin-coin !
On n’en est pas encore là, car parmi les 61 députés LR, il y a au moins autant de lignes politiques. Or, pour déposer une motion de censure, il faut 58 signatures. Jusque-là, le groupe LR n’a jamais décidé d’en déposer un, ni même d’en voter un. Seuls quelques individus ont déjà signé une ou deux fois puis voté des motions de censure, dont celle qui a vu le gouvernement tomber à 9 voix il y a tout juste un an.
Ambiguïté stratégique
Si un jour la mythique motion de censure LR arrive à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, il faudra encore que la gauche la vote. Sur une question d’austérité budgétaire, est-ce si évident ? A LFI, la question se pose à peine : s’il existe un moyen de faire tomber le gouvernement, ils seront là. Depuis deux ans, il n’y a que quelques motions déposées par le RN pour lesquelles ils n’ont pas voté. Le communiste Fabien Roussel semblait également sur la même ligne.
C’est un peu différent chez les socialistes et les écologistes. Nul doute qu’ils voteraient sans sourciller une LFI ou une motion de censure plus large sur la question. Quant à la motion LR, le PS préfère maintenir une légère ambiguïté stratégique. D’abord parce qu’ils ne veulent pas donner un « brevet d’opposition » au parti qui n’a cessé de sauver les fesses du gouvernement depuis deux ans. Et puis « nous ne voulons pas devenir les idiots utiles de LR », annonce le patron des députés socialistes, Boris Vallaud.
Pas besoin d’être d’accord ?
Bref : être utile à la menace de chute du gouvernement par LR pour obtenir encore plus d’économies budgétaires, à l’opposé de ce que souhaite la gauche. De quoi donner un peu d’eau au moulin de ceux qui considèrent que la gauche n’est pas obligée de mélanger ses voix avec d’autres oppositions qui disposent du même vote… mais pour des raisons diamétralement opposées. Pour éviter les critiques, Boris Vallaud le rappelle : « Le meilleur allié du gouvernement pour faire plus d’économies, c’est déjà LR. »
Son homologue LFI Mathilde Panot rappelle néanmoins qu’on n’est pas obligé d’être d’accord avec ceux qui déposent une motion de censure pour voter pour. Il est vrai qu’en France, contrairement à l’Espagne ou à l’Allemagne, pour faire tomber le gouvernement, on ne vote pas un gouvernement et un programme alternatifs. On vote « équitablement » pour faire tomber le gouvernement, puis la balle est dans le camp du président de la République.
C’est bien d’être intelligent
Pour Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe écologiste, qui semble être sur une ligne comparable à celle des socialistes, il n’est pas interdit d’être un peu malin : « Nous sommes en train d’élaborer le prochain budget, pour le moment. tout cela est un jeu de pression et nous ne voulons pas y participer car si nous pouvons nous mettre d’accord sur les coupes dans les soins de santé et les retraites, nous ne pouvons pas nous mettre d’accord sur les impôts. »
Autrement dit, il y a toutes les chances que la gauche vote le jour venu pour la censure de LR. Mais en attendant ce jour, Eric Ciotti fera pression sur le gouvernement sans pouvoir affirmer qu’il peut renverser le gouvernement à tout moment.
Chez les écologistes, certains ont encore plus de fourmis dans les pattes. « J’entends l’argument, mais sur le budget, rien ne va depuis le début ! », estime Sandrine Rousseau, députée de Paris, qui pointe le problème démocratique de voir le gouvernement ne pas revenir devant le Parlement pour modifier son budget. « Si nous perdons sur le fond, eh bien nous perdons : c’est la démocratie. Mais à un moment donné, il faudra un débat et un vote sur le budget ! Si non, à quoi sert-on ? »