En campagne dans le Tarn, Guilhem Carayon, président des jeunes LR, assume sans complexe l’alliance avec le RN
En position favorable dans la 3e circonscription du Tarn, Guilhem Carayon souhaitait « bâtir une alliance de patriotes », quitte à décevoir une partie de sa famille politique. Face à lui, le député de la majorité sortant Jean Terlier et le candidat du Nouveau Front populaire Julien Lassalle tentent de lui barrer la route.
« Nous gagnerons grâce à une grande coalition de la droite ! A 25 ans, Guilhem Carayon a déjà la confiance des habitués de la politique. Sur le marché d’Aussillon, dans la 3e circonscription du Tarn, le jeune homme ambitieux fait campagne, jeudi 20 juin, pour tenter d’être élu député lors des élections législatives anticipées dont le premier tour a lieu le 30 juin. LR, qui n’était pas exclu de son mouvement, a choisi de suivre Eric Ciotti dans sa volonté d’alliance avec le Rassemblement national. « Cet accord aurait dû être conclu avant, car si cela continue, ce sera la guerre civile dans le pays »», se réjouit une électrice historique du RN en récupérant le tract du candidat. Pendant qu’un activiste s’énerve : « Je ne vous serre pas la main parce que je bloque l’extrême droite. »
Au centre du prospectus, le large sourire de Guilhem Carayon est entouré d’Eric Ciotti et Jordan Bardella, avec la mention « candidat républicain soutenu par le Rassemblement national », sans le logo LR. « Je ne veux pas dépendre d’un litige. Nous avons réfléchi à une formulation avec Eric Ciotti et nous avons vérifié auprès des avocats »explique-t-il, pensant déjà à la victoire. « Je ne me bats pas pour obtenir les 6 % à chaque élection et pour que nous sauvions six sièges au Parlement européen. Je veux que nous obtenions le pouvoir pour changer le pays.
« LR était tombé dans l’indifférence et n’intéressait plus personne. Nous avons obtenu 7% aux élections européennes, même si nous avons fait une belle campagne.»
Guilhem Carayon, candidat LR/RN dans le Tarnsur franceinfo
Le fils de Bernard Carayon, ancien député et toujours patron de LR dans le département, n’aura pas face à lui un autre candidat de droite, contrairement à plusieurs de ses camarades. « Personnellement, j’aurais aimé mettre quelqu’un devant lui, mais nous avons été surpris. Mais cela ne vaut ni soutien ni nomination. », précise Michèle Tabarot, présidente de la commission nationale d’investiture LR branche « chaîne historique », qui a investi près de 400 candidats. La décision arrange également le député sortant Jean Terlier (Renaissance), qui reconnaît avoir téléphoné à Michèle Tabarot pour éviter une autre candidature. Objectif ? Donnez-vous une chance de récupérer des voix à droite et d’accéder au second tour.
Le vote s’annonce donc incertain, mais Guilhem Carayon sait qu’il a une longueur d’avance. « Il faut gagner maintenant »dit avec impatience un sympathisant du marché. « Si nous ne gagnons pas là-bas, nous ne gagnerons jamais »» répond avec enthousiasme le candidat de l’Union de l’extrême droite, selon l’étiquette choisie par le ministère de l’Intérieur. « Si on prend les projections européennes, on devrait sortir largement en tête et se retrouver face à la LFI », calcule son adjoint, Alexandre Pujol. Aux élections européennes, le Rassemblement national est arrivé loin devant, avec 35,6 % des voix dans cette circonscription qui s’étend de Lavaur à Mazamet en passant par Castres. Le score monte à 43,1% avec l’ajout des voix LR et permet à Guilhem Carayon d’espérer mieux que sa quatrième place et ses 16,28% obtenus en 2022.
Entre les stands de fruits et légumes, les trois principaux candidats se retrouvent sur le marché d’Aussillon. Julien Lassalle, candidat LFI du Nouveau Front populaire, est tout aussi ferme : « Nous avons déjà fait campagne les uns contre les autres, mais à l’époque il était candidat républicain. Il a choisi de s’allier à l’extrême droite, qui porte un projet raciste et xénophobe pour le pays. Je ferai tout pour qu’il soit battu. »
« En tant que fils d’immigré espagnol, je peux dire ce qu’est l’extrême droite à ceux qui disent ‘nous ne les avons pas essayés’. »
Julien Lassalle, candidat Nouveau Front Populaire aux législatives dans le Tarnsur franceinfo
Face à l’alliance de gauche, Guilhem Carayon a choisi sa cible et détourne volontiers la notion de front républicain. « Si nous sommes au second tour, nous ferons un ‘front républicain’ contre l’extrême gauche », répète le candidat en distribuant ses tracts. Il appelle déjà les électeurs centristes à « bloquer ». «Je ne veux pas avoir Jean-Luc Mélenchon comme Premier ministre, ni même le fameux S Raphaël Arnault comme ministre de la Jeunesse» dit-il, même si l’alliance de gauche n’a pas encore désigné de leader. « Je ne veux pas jouer sur les peurs, mais j’ai peur pour mon pays »il explique.
Guilhem Carayon se moque aussi du programme économique de la gauche, avec un SMIC à 1 600 euros net « ce qui ferait couler toutes les entreprises ». Mais il est moins à l’aise quant aux différences de programme économique entre LR et RN. « Il y a beaucoup de nos propositions, issues de notre contre-budget, qui se retrouvent dans le projet de coalition que nous défendons »assure-t-il, avant de rappeler les priorités de l’alliance qui sont « Pouvoir d’achat, sécurité et immigration ». Il sera d’ailleurs aux côtés de Jordan Bardella lundi à Paris pour détailler ce programme qui n’a cessé d’évoluer ces derniers jours.
« Macron a brûlé la banque. Nous l’avons vendu comme le Mozart de la finance et sa gestion a été désastreuse. Notre défi est de rassurer.
Guilhem Carayonsur franceinfo
Dans la circonscription, c’est aussi un dossier local qui cristallise les débats : le chantier de l’autoroute A69, qui reliera Castres à Toulouse. Le candidat de la majorité, Jean Terlier, le sait et affiche en couleur sur ses tracts les mots « pour l’A69 ». « L’autoroute, il faut la faire, bon sang ! »un électeur d’Eric Zemmour s’emporte en interrogeant les candidats. « Si je gagne, nous terminerons le projet, nous rétablirons l’ordre public et nous expulserons les zadistes ».promet Guilhem Carayon. Mon adversaire de gauche veut un moratoire, il veut suspendre le projet ». Le candidat LFI Julien Lassalle prend cette mesure pour « apaiser » Et « ouvrir un dialogue » : « Je pense que le moratoire est la possibilité d’une sortie par le haut. »
Un peu plus tard dans la matinée, dans le petit marché couvert de Labastide-Rouairoux, à l’autre bout du département, Guilhem Carayon se rend compte que son alliance avec le RN n’est pas approuvée par tout le monde. « Je pense qu’il y a un peu d’opportunisme »juge un traiteur qui ne votera pas « pour les extrêmes ». « Il cherche à se faire élire d’une manière ou d’une autre en faisant des alliances contre nature », estime aussi Yannick, maraîcher bio. Ali, habitant de Mazamet, avait voté pour le candidat en 2022 et regrette désormais son choix. « Il a critiqué à fond le RN et maintenant il est avec eux ? C’est traître »il s’énerve.
Mais le président des jeunes LR n’en démord pas. « Je suis d’accord avec mes convictions. J’ai toujours dit que j’étais à droite de LR, d’une droite populaire »estime celui qui souhaite désormais « construire une alliance de patriotes ».
« J’ai plus de similitudes avec le RN qu’avec Macron. »
Guilhem Carayonsur franceinfo
Le jeune étudiant avocat, qui mène sa campagne tout en finissant d’écrire ses mémoires, tente de rassurer sur la préservation de l’État de droit, ainsi que sur la mise à l’écart des éléments les plus radicaux au sein du RN. «Je ne veux pas qu’il y ait dans les rangs des gens qui ne soient pas républicains, violents ou agressifs. Mais je crois qu’objectivement, le Rassemblement National a fait le travail », il assure. Concernant le passé sulfureux du Front National, il relativise : « Jordan Bardella a 28 ans et on lui parle encore de Jean-Marie Le Pen. On pourrait aussi parler du PS de Mitterrand et de René Bousquet. Chaque parti a une histoire complexe. »
Dans les rues de la petite ville de Mazamet aussi, une page de l’histoire semble aussi se tourner sur les excès du passé. « Cette alliance ne me dérange pas. Je crois que nous devons évoluer avec le temps”déclare Dany, 71 ans, inquiet du pouvoir d’achat des retraités. « Je ne comprends pas pourquoi on reproche à la droite de s’allier avec l’extrême droite, alors que la gauche et l’extrême gauche ne posent aucun problème »s’exclame un chef d’entreprise en vidant un pastis dans un bar de la ville. « Je n’ai pas peur du Rassemblement national. Regardez Meloni en Italie, elle fait venir des étrangers.» explique aussi Amy, originaire de Djibouti et qui vit en France depuis vingt-neuf ans.
« Au sein de l’électorat, le débat est plus divisé que parmi les dirigeants politiques, analyse le maire divers-droite de Mazamet, Olivier Fabre. Certains se demandent pourquoi nous n’avons pas pu nous allier à un parti qui s’est débarrassé des excès de Jean-Marie Le Pen et avec lequel nous partageons beaucoup de choses sur le gouvernement, sur la sécurité.
« Je ne donnerai qu’une seule instruction de vote lors de ces élections, celle de bloquer l’extrême gauche. »
Olivier Fabre, maire de Mazametsur franceinfo
« Il y a des gens qui hésitaient, qui se demandaient si cette alliance était la bonne solution » reconnaît Guilhem Carayon, tout en assurant qu’il a fait « travail pédagogique ». Cependant, certains cadres LR restent critiques. Richard Amalvy, militant historique de la droite républicaine, affirme « peine » du choix de son jeune ami. « Je l’ai vu grandir, c’est troublant. Je pense qu’il nuit à son talent avec une alliance contre nature.tranche l’ancien élu, qui a toujours sa carte républicaine. « L’extrême droite est une caricature de la droite. Elle a fait le rapprochement sur les questions de sécurité, d’identité. Si je peux être d’accord sur les symptômes, je ne suis pas d’accord sur l’analyse des causes et sur les solutions. » Et l’ancien chef local du RPR de conclure en citant les mots de Jacques Chirac, « Ne vous occupez jamais de l’extrémisme »puis ceux de François Mitterrand : « Le nationalisme est la guerre. »
Liste des candidats pour le premier tour :
- Julien LASSALLE (Union de la Gauche)
- Chantal TRESSENS (extrême gauche)
- Alban AZAIS (Droite souverainiste)
- Jean TERLIER (Ensemble ! (Majorité présidentielle))
- Guilhem CARAYON (Union d’extrême droite)
- Claire DAUGÉ (Régionaliste)