Nouvelles locales

En Australie, l’idée d’acquérir des bombardiers stratégiques américains B-21 Raider revient dans le débat

En Australie, l’idée d’acquérir des bombardiers stratégiques américains B-21 Raider revient dans le débat

En vertu du pacte AUKUS, signé par l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis en septembre 2021, la Royal Australian Navy (RAN) doit recevoir trois sous-marins nucléaires d’attaque (SSN) de classe Virginia entre 2032 et 2038. Les cinq autres qu’elle prévoit d’acquérir proviendront du programme SSN-AUKUS, lancé par Londres pour remplacer les SSN de classe Astute de la Royal Navy.

Ce calendrier ne pourra toutefois être respecté que si les chantiers américains parviennent à surmonter leurs difficultés (capacités industrielles insuffisantes, chaînes d’approvisionnement déficientes, manque de main d’oeuvre qualifiée, etc.). Actuellement, la cadence de production des SNA de type Virginia (un par an au lieu de deux, ndlr) est insuffisante pour répondre aux besoins de l’US Navy et de la RAN.

Canberra veut toutefois croire que cette situation va s’améliorer. En tout cas, le gouvernement australien y met les moyens, avec une subvention de 3 milliards de dollars qui sera débloquée au cours des cinq prochaines années pour aider l’industrie navale américaine à étendre ses capacités de production. Par ailleurs, trois milliards de dollars supplémentaires ont été engagés pour financer les études conceptuelles du programme SSN-AUKUS.

Précisément, le 5 août dernier, les trois pays du pacte AUKUS ont signé un accord autorisant l’échange d’informations et d’équipements dans le domaine de la propulsion nucléaire navale. « Les sous-marins constituent un maillon essentiel de la capacité navale australienne, offrant un avantage stratégique en termes de surveillance et de protection de nos approches maritimes », a rappelé ce texte qui, selon Richard Marles, le ministre australien de la Défense, « répondra aux plus hauts standards en matière de non-prolifération nucléaire ».

Pour rappel, les SNA américains et britanniques sont équipés de réacteurs nucléaires fonctionnant avec de l’uranium hautement enrichi à plus de 90% (et donc de qualité militaire), contrairement aux SNA français… D’où le commentaire du ministre australien au sujet de la non-prolifération.

Il n’en demeure pas moins que le projet d’équiper la RAN de sous-marins nucléaires d’attaque est encore incertain. Il finira probablement par se concrétiser… mais sans doute pas dans les délais prévus. D’où l’idée d’un « Plan B », avancé dans un rapport intitulé « Sécurité nationale et défense du nord de l’Australie » et récemment publié par l’Institute for Public Affairs (IPA), un centre de recherche australien à but non lucratif.

Ainsi, l’IPA recommande l’achat du nouveau bombardier stratégique B-21 Raider, développé par Northrop Grumman… et d’accueillir un escadron de l’US Air Force équipé de cet appareil en Australie afin de « renforcer la dissuasion dans les années 2020 et de gérer le risque de retards dans le programme de sous-marins AUKUS ».

« L’achat du B-21 Raider fournirait à l’Australie une dissuasion non nucléaire et une capacité de frappe à longue portée significative plus rapidement qu’avec les SSN AUKUS », soutient l’IPA, notant que le futur bombardier américain pourrait entrer en service d’ici 2027.

« Notre première recommandation politique est que le gouvernement a besoin d’un Plan B, qui fournirait une capacité militaire plus tôt et fournirait une solution de secours au cas où les circonstances empêcheraient la livraison de sous-marins nucléaires », insiste l’institut australien.

En réalité, l’IPA ne fait que reprendre une idée évoquée par Frank Kendall, le secrétaire de l’US Air Force, en août 2022. Interrogé par The Strategist, une publication affiliée à l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), il a déclaré, à propos du B-21 Raider, que les États-Unis seraient prêts à en discuter avec l’Australie si cette dernière exprimait le besoin d’une capacité de frappe à longue portée.

À l’époque, la Royal Australian Air Force (RAAF) n’avait pas totalement écarté cette idée. « Si nous devions investir dans une capacité de frappe à longue portée, il faudrait le faire de manière équilibrée. Nous devrions être capables de protéger et de maintenir ces plateformes (…). Ainsi, même si nous pouvons travailler avec les États-Unis sur le B-21, ce ne sera qu’une petite partie de la capacité de frappe globale dont nous avons besoin », expliquait le maréchal de l’air Robert Chipman, alors chef d’état-major de la Royal Australian Air Force.

Cela étant dit, Canberra doit encore se donner les moyens d’acquérir des B-21 Raiders, dont le prix unitaire est actuellement estimé à 700 millions de dollars (frais de recherche et développement inclus).

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page