En Arménie, attaques et désinformation contre la France
Encore une sonnerie. La guerre d’influence menée, à de multiples niveaux, par la Russie contre la France connaît une nouvelle déclinaison, cette fois en Arménie. Les autorités françaises s’inquiètent de l’intensification des campagnes de désinformation contre les intérêts français dans ce pays depuis que Paris y a effectué un pivot stratégique fin 2023.
La cible privilégiée de ces attaques n’est autre que l’ambassadeur de France en Arménie, Olivier Decottignies, qui, depuis sa prise de fonction l’été dernier, a fait sienne la conduite de cette politique de rapprochement avec Erevan. La signature de contrats d’armement fin février est perçue d’un œil négatif tant à Moscou, ancien allié de l’Arménie, qu’en Azerbaïdjan. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a qualifié la présence française à la mi-mars de « une tentative de recueillir des informations, de surveiller les États de la région et d’empêcher la mise en œuvre des accords de paix conclus entre les pays« .
Des « deepfakes » pornographiques
Tout a commencé fin septembre, à la suite d’une visite de courtoisie de l’ambassadeur de France à son homologue iranien en Arménie. Une photo de l’échange est publiée sur le compte X de ce dernier. Nous sommes au lendemain de l’attaque azerbaïdjanaise contre l’enclave séparatiste du Haut-Karabakh le 19 septembre, que la France condamne fermement. En réponse, un faux profond Un film pornographique censé montrer Olivier Decottignies en plein acte de pédophilie est publié. La vidéo originale est extraite d’un site pornographique commercial russe, avant sa grossière modification.
Depuis, de nombreuses accusations ont été portées contre le diplomate : trafic de cocaïne, antisémitisme, soutien au Hamas, au PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan)… Derrière ces attentats, l’obsession d’un homme : Léo Nicolian, un amateur vidéaste proche des gilets jaunes et des milieux anti-vax, qui s’est fait connaître en interpellant Emmanuel Macron dans la rue. En 2022, il a été invité dans la région ukrainienne occupée du Donbass lors des référendums d’annexion à la Russie et a même demandé sur le plateau d’une émission de télévision russe qu’on lui accorde le statut de » réfugié politique « .
Selon nos informations, Olivier Decottignies a porté plainte pour diffamation contre Léo Nicolian devant la 17e chambre criminelle du tribunal de grande instance de Paris. En l’état, impossible de savoir si l’offensive menée par Léo Nicolian s’inscrit dans une action téléguidée par Moscou dont il serait une courroie de transmission. Les autorités françaises constatent que, sur les réseaux sociaux, ses publications sont immédiatement reprises par des comptes liés à la Russie ou à l’Azerbaïdjan.
Des attaques tous azimuts
La directrice générale en Arménie du groupe Veolia, Marianna Shahinyan, a également porté plainte pour diffamation. Tout comme le prédécesseur d’Olivier Decottignies, Anne Louyot, ambassadrice entre 2021 et 2023, la rectrice de l’Université française d’Arménie (Ufar), Salwa Nacouzi, ainsi que deux hommes d’affaires français dont La Croix je n’ai pas eu les noms. Ce regain d’activité est visible jusque dans les rues d’Erevan où, le mois dernier, des affiches appelant la France à » partir « L’Arménie a été soudée avant d’être déchirée par les pro-occidentaux, comme le souligne le journal spécialisé Intelligence Online.
Cette rhétorique s’inscrit dans un climat d’attaques tous azimuts venant de l’Azerbaïdjan. La France ne répond pas à chaque fois, pour éviter toute publicité. L’effet recherché de ces fake news est, selon Paris, non pas de convaincre, mais de semer la confusion. Le service de vigilance et de protection contre les interférences numériques étrangères (Viginum) a par exemple pu découvrir, dans un rapport consulté par La Croixune campagne appelant au boycott des Jeux olympiques à partir de l’été 2023 et poussée par Bakou.