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En Argentine, la tronçonneuse du « Général Ancap » commence à porter ses fruits

Une sorte de gros cafard noir et jaune armé d’un sceptre digne des chevaliers du zodiaque : c’est ainsi qu’est apparu lors de sa campagne Javier Milei sous les traits du « Général Ancap » (pour l’anarcho-capitalisme), une sorte de Batman libéral qui est venu libérer le contribuable de la mauvaise gestion des gouvernements successifs. Armé de sa tronçonneuse et connu pour sa célèbre interjection « Afuera ! » (à l’extérieur), le nouveau président a entamé, il y a 150 jours, une thérapie de choc libérale consistant en un plan de réduction drastique des dépenses de l’État.

Juste après son investiture, le 10 décembre, Javier Milei a promis l’abolition du déficit public et a lancé un programme d’austérité entraînant une réduction de 35 % du budget de l’État. Au menu, la réduction des subventions allouées à l’énergie (-77%), les retraites des retraités (-38%), le coût de la masse salariale publique (-27%), ainsi que l’arrêt de l’émission d’argent par la centrale. banque (la célèbre imprimerie), la dévaluation du peso de 50%, de 350 à 850 pesos pour un dollar américain ou encore l’annulation des contrats de travaux publics en cours.

Le nombre de ministères a également été réduit de dix-huit à huit. Toutefois, certains programmes sociaux favorisant l’emploi ou la distribution de cartes alimentaires aux plus pauvres ont été maintenus ou augmentés, et le salaire minimum a été augmenté de 30 %.

Conséquence majeure, début janvier, le FMI (Fonds monétaire international) avait accepté d’octroyer une tranche de prêt de 4,7 milliards de dollars, dans le cadre d’un programme d’emprunt plus large (44 milliards de dollars), conclu en 2022. L’objectif numéro un est la lutte contre une inflation élevée qui a pris des tournures dignes de la République de Weimar. En raison notamment d’un déficit de 5,2% du PIB l’an dernier, il avait atteint 211% en 2023, et même 288% en mars, sur une année glissante.

La politique d’ajustement des comptes, qui conduit inévitablement à une récession pour l’année en cours, a déclenché la colère des syndicats d’enseignants et d’étudiants qui ont organisé mardi dernier une manifestation d’un demi-million de personnes pour protester contre le gel des budgets des universités publiques.

Le reste après cette annonce

Selon David Copello, maître de conférences en sociologie politique à l’Institut catholique de Paris et spécialiste de l’Argentine, « le solde budgétaire présenté est en partie artificiel, certaines subventions énergétiques et transferts financiers vers les Etats fédérés ont été retardés mais devront être payés plus tard, ce qui pourrait nuancer la reprise budgétaire ».

Un pays laissé en ruines par le kirchnérisme

Mesurée par la richesse des pays d’Amérique latine, l’Argentine est un pays riche et développé : ses 632 milliards de dollars de PIB nominal enregistré en 2022 en font la 21e économie mondiale et son IDH (indice de développement humain) de 0,842 la rapproche du moyenne des pays de l’OCDE (0,901). Il reste troisième sur le podium des pays sud-américains en termes de revenu par habitant, juste derrière le Chili et l’Uruguay.

Selon une source locale, « Milei hérite d’une situation catastrophique, liée à 20 ans de kichnérisme, avec une inflation galopante, des importations bloquées et – 11 milliards d’euros de réserves nettes pour la banque centrale. Les gouvernements successifs n’ont pas réussi à juguler le problème de la dette publique, qui est passée de 88,7% du PIB en 2019 à 154,5% l’an dernier. Cristina Kirchner a imprimé de l’argent, distribué de l’argent public et fixé un taux de change officiel artificiellement élevé, 350 pesos pour un dollar en décembre 2023, tandis que le taux de change officieux (le fameux dollars bleus auquel ont accès les Argentins, qui ne peuvent cependant pas échanger leurs pesos au taux officiel, ndlr) a atteint 1 000 pesos pour un dollar..

La source détaille les effets pervers de cette rupture du taux de change qui revient à subventionner les importations. Les entreprises, en partie grâce à leurs relations au sein de l’État, ont accès au marché officiel des changes, obtiennent leurs dollars à 350 pesos et peuvent les recycler à 1 000 pesos sur le marché non officiel.

Puisque les exportations sont également taxées (le soja, par exemple, est taxé à 30 %), on se retrouve avec un système favorisant la fuite des capitaux du pays. C’est la raison pour laquelle les taxes à l’importation ont été augmentées de 7,5 à 17,5% et une dévaluation a été organisée pour rapprocher le peso du taux officieux, afin de mettre fin à un système néfaste.

La politique de Milei a donc logiquement commencé à produire ses effets et l’inflation est tombée à 25% en décembre, 20% en janvier, 13% en février et 11% en mars. Mais il ne dispose pas de majorité au Congrès et devra se battre avec acharnement pour graver ses réformes dans le marbre.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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