En Argentine, Javier Milei remporte un premier tour pour ses réformes
L’histoire retiendra peut-être ironiquement que c’est la veille de la fête des travailleurs, le 30 avril, que Javier Milei a « liquidé » l’État argentin où l’inflation frôlait les 300 % sur un an. Le président ultralibéral a enregistré mardi matin son premier grand succès au Congrès devant la Chambre des députés en faisant voter cette loi fondamentale de 232 articles. Une version édulcorée de la loi dite « Omnibus » – qui en comptait 664 dans sa version initiale. Cela devrait amener l’Argentine dans une ère d’ultralibéralisation et de privatisations tous azimuts.
« Un coup politique majeur »
Il aura fallu plus de vingt heures de débat avant que les députés ne votent le texte par 142 voix pour, 106 contre et 5 abstentions. En effet, le parti présidentiel, La Liberté Avance (LLA), ne compte que 38 députés sur les 257 que compte le Parlement. Il a pu compter sur le soutien de la droite, notamment du parti allié PRO (de l’ancien président Mauricio Macri), ainsi que des radicaux de l’UCR et des péronistes conservateurs.
« Milei a réalisé un coup politique majeur »commente le politologue David Copello. « Il montre qu’il intègre rapidement les codes de la politique argentine en adoptant cette loi radicale avec une force politique mineure après avoir échoué en février »il ajoute.
Si la loi est votée par le Sénat la semaine prochaine, elle déclenchera l’état d’urgence dans les domaines économique, administratif, financier et énergétique. L’exécutif pourra alors se réformer comme il le souhaite pendant un an, sans en référer au Parlement, via une délégation de pouvoirs. Avec une réforme du travail qui permet d’allonger la période d’essai de trois à six mois (extensible), un fonds de départ complété par des cotisations en lieu et place des indemnités de départ ou un âge de départ à la retraite qui peut être repoussé à 65 ans (sous conditions), « la vie des Argentins va changer »prévient encore David Copello.
En pleine crise économique, l’Argentine est plus divisée que jamais. D’un côté, Javier Milei, bravade, a tweeté : « Soyons libres !, le reste n’a pas d’importance », suite au vote des députés ; de l’autre, dans les milieux proches de la culture et de la science, trois mots revenaient sans cesse : ! » C’est une catastrophe. «
La dynamique est du côté du président Milei
« Le gouvernement aura le droit de réorganiser, fusionner ou dissoudre tout organisme ou institution publique », précise Marianne Gonzalez Aleman, historienne et chercheuse au Conseil national argentin de la recherche scientifique et technique (Conicet). Avec ses 12 000 chercheurs et 11 000 boursiers, le Conicet est justement dans le viseur du gouvernement, comme de nombreuses autres institutions publiques en matière de cinéma, de propriété intellectuelle, de laboratoires, de médecine ou de régulation nucléaire… Si ces institutions ne peuvent être dissoutes, elles risquent surtout d’être dissoutes. étant réduit à néant. « C’est un démantèlement de l’État ! »estime Marianne Gonzalez Aleman.
Seules les universités nationales, les autorités judiciaires et législatives ainsi que les ministères – déjà réduits de 23 à 8 en décembre dernier – pourront échapper à cette réforme en tronçons des institutions publiques. Cette loi permettra la privatisation totale ou partielle de neuf entreprises publiques, dont la compagnie aérienne Aerolíneas Argentinas, la compagnie d’électricité Energia Argentina et Radio y Televisión Argentina.
La semaine prochaine, en votant à tour de rôle, c’est le Sénat qui décidera de l’avenir de l’Argentine. Même si Javier Milei ne dispose que d’une relative minorité, la dynamique est cette fois clairement du côté du président argentin.