En Angleterre, des villages entiers entrent en guerre contre les touristes (et les fêtes orgiaques)

Le charme indéniable des petits villages anglais fait souvent le bonheur des vacanciers. Mais pas toujours des résidents. Dans un article publié le 18 septembre, le quotidien britannique The Telegraph revient sur le bras de fer qui s’est engagé entre les propriétaires de locations, les agences touristiques et les habitants de plusieurs villages d’Angleterre.

Dans le collimateur des habitants mécontents : les maisons ou domaines loués à la journée pour célébrer des mariages, des anniversaires, des enterrements de vie de jeune fille ou de garçon ou toutes autres fêtes rassemblant un grand nombre de personnes et perturbant la tranquillité de la région.

396 discothèques fermées entre 2020 et 2023

« Les maisons louées pour faire la fête sont devenues un véritable monstre. » C’est ce qu’affirmait l’an dernier John Cook, élu au conseil du comté de South Norfolk, dans l’est de l’Angleterre. Selon lui, les locations de vacances qui se multiplient dans le comté perturbent le quotidien des habitants : « Les résidents vivant à proximité de ces propriétés souffrent de bruit, d’anxiété, de dépression, de manque de sommeil et de stress, mais les autorités locales n’ont ni les pouvoirs ni les ressources pour y faire face. (au problème, ndlr)« .

Alors que les discothèques ferment en masse dans tout le pays, la pratique consistant à louer une maison à la campagne pour faire la fête est en hausse, rapporte The Telegraph. Selon les chiffres de la Night Time Industries Association (NTIA), 396 discothèques ont fermé au Royaume-Uni entre mars 2020 et décembre 2023, ce qui représente 31 % du nombre total de lieux de divertissement du pays.

Au contraire, les entreprises spécialisées dans la location de maisons pour fêtes à la campagne prennent de l’ampleur. En plus de répertorier des maisons pouvant accueillir des mariages, des enterrements de vie de garçon et de jeune fille ou toute autre grande fête, ces entreprises proposent aussi parfois des services supplémentaires, comme l’organisation de jeux immersifs, de spas ou encore de traiteurs et mixologues.

Bien que cette pratique permette d’organiser de grandes fêtes à moindre coût, elle n’est pas universellement populaire parmi les habitants des villages concernés. À Saxlingham Nethergate, un groupe d’activistes locaux s’est formé pour protester contre Maison de la collineune résidence pouvant accueillir jusqu’à 25 personnes et offrant à ses vacanciers un four à pizza, un court de tennis, une table de ping-pong et une terrasse ensoleillée avec jacuzzi.

La maison, louée depuis 2012 comme lieu de fête, a suscité de nombreuses plaintes de la part des voisins et fait désormais l’objet de divers litiges d’urbanisme. Selon les militants, les fêtes « Style d’Ibiza » avec « musique forte » s’organisent régulièrement dans la maison et débordent parfois même ailleurs dans le village.

« Plus de mariages. On en a assez. »

La même histoire est vraie dans la New Forest, dans le sud de l’Angleterre, où les plaintes des résidents contre les maisons de fête et aussi le site de glamping de luxe de New Forest ont conduit à la fermeture de l’établissement en février 2024.

Le lieu « parfait pour les escapades romantiques et les aventures en famille », qui a assuré à ses visiteurs « paix et tranquillité absolues » a suscité la colère de certains résidents qui se sont plaints auprès du Conseil de New Forest d’avoir été dérangés par « fêtes bruyantes » et de « karaoké ». Mais ce n’est pas tout. Un habitant de New Forest a déclaré à l’époque : « À plusieurs reprises, nous avons dû fermer la fenêtre pour faire taire le bruit d’un couple en train de se livrer à des actes sexuels, que les parois en toile d’une tente n’empêchaient visiblement pas de se propager. »

En octobre 2022, des panneaux « Les mariés ne sont pas les bienvenus à Oxnead » et « Plus de mariages. Nous en avons assez » étaient basés à Brampton, près de l’Oxnead Hall du XIXe siècle, qui est souvent loué pour les mariages. « Les mariages ont vraiment un impact important sur la vie de nos résidents, et c’est pourquoi nous sommes en colère à ce sujet », a expliqué la propriétaire d’une ferme autour d’Oxnead Hall. Elle a déclaré à l’époque que les villageois étaient « constamment dérangé par la musique forte jusque tard dans la nuit, même au lit. »

Repenser la législation sur la location

D’autres résidents sont moins loquaces au sujet des locations de vacances. L’un d’eux, qui vit près de Hill House, considère qu’il s’agit d’une « une chasse aux sorcières par pure jalousie » et défend l’idée de « vivre et laisser vivre ».

Le conseiller municipal John Cook admet également que les vacanciers ne sont souvent pas conscients des perturbations qu’ils causent aux habitants des campagnes qu’ils visitent. « Dans notre région, le son voyage sur des kilomètres et vous pouvez entendre les hiboux hululer, mais vous ne le sauriez pas si vous étiez ici pour un week-end », il explique.

« Si une maison est commercialisée comme une maison de fête, nous recommandons toujours aux propriétaires de prendre des mesures pour minimiser l’impact sur leur communauté locale », explique Ed Maughan, PDG de GroupAccommodation.com. « Cela pourrait inclure des couvre-feux clairs pour les invités (qui devraient être inclus dans les conditions générales de réservation, avec un dépôt de garantie en cas de non-respect), l’insonorisation de tous les espaces événementiels et la garantie que la propriété dispose de toutes les licences nécessaires pour de tels événements. »

Pour Cook, il est urgent de repenser la législation afin de l’adapter aux problèmes actuels que ce type de location génère : « Ces maisons de fête deviennent un gros problème (…) Cette industrie non réglementée génère d’énormes sommes d’argent tout en ruinant la vie des résidents » conclut-il.