En accueillant Vladimir Poutine, le Vietnam assume sa « diplomatie du bambou »
Après les scènes de marée populaires en Corée du Nord en début de semaine, Vladimir Poutine a reçu un accueil plus formel et martial lors de son séjour jeudi et vendredi au Vietnam. Isolée et sous sanctions internationales, la Corée du Nord a pu s’enorgueillir de recevoir Vladimir Poutine mais le Vietnam a déjà vu se succéder ces derniers mois (septembre 2023) les deux dirigeants des deux premières puissances mondiales, l’Américain Joe Biden et le Chinois. Xi Jinping (décembre 2023). En accueillant pendant deux jours Vladimir Poutine, Hanoï a voulu montrer à tous ses partenaires qu’elle assumait pleinement sa « diplomatie du bambou »flexible et équilibré, qui refuse de choisir un camp plutôt qu’un autre.
« Depuis plusieurs années, le Vietnam a parfaitement joué cet équilibre entre ces trois puissances différentes pour en tirer profit. » assure Nguyen Khac Giang, chercheur à l’Institut Iseas-Yusof Ishak de Singapour. Lancé au lendemain de la guerre froide par Nguyen Phu Trong, vétéran du Parti communiste vietnamien (PCV), ce projet « diplomatie du bambou » permet aujourd’hui au Vietnam de renforcer toutes ses relations avec les États-Unis et leurs alliés comme l’Australie, le Japon et la Corée du Sud, avec lesquels des accords ont été signés « des partenariats stratégiques renforcés ».
Coopération économique
«La Russie attache une grande importance au renforcement des relations avec le Vietnam», a déclaré le président russe, qui a rencontré les principaux dirigeants de cet État communiste. Les deux parties ont signé une dizaine de partenariats, notamment dans les domaines de l’énergie, de l’éducation et du nucléaire civil. Hanoï espère aussi de son côté « pousser la coopération en matière de défense et de sécurité » avec Moscou, a souligné le président vietnamien To Lam.
La proximité entre Hanoï et Moscou trouve ses racines à l’époque soviétique. Pendant des décennies, l’URSS a formé des cadres du Parti communiste vietnamien (PCV), dont Hô Chi Minh, le père de l’indépendance, qui s’est rendu dans le pays pour la première fois en 1923. Durant la guerre du Vietnam, le pouvoir soviétique a fourni des armes, des avions de combat, des chars et des milliers de soldats à son allié du Nord, en réponse à l’intervention directe de Washington qui soutenait le Sud capitaliste. Depuis, le monde a changé et le Vietnam s’est rapproché des États-Unis (visite historique de Bill Clinton en 2000) mais aussi de la Chine avec laquelle les relations ont longtemps été tendues.
Armes russes pour le Vietnam
Pour preuve, le volume des échanges commerciaux entre le Vietnam et la Russie (3,5 milliards de dollars en 2022) reste bien inférieur aux niveaux observés entre le Vietnam et la Chine (175 milliards de dollars) ou les États-Unis (123 milliards de dollars). $). Mais le Vietnam est un client de longue date des équipements militaires russes : les importations d’armes en provenance de Russie ont atteint 7,6 milliards de dollars entre 1995 et 2023, soit plus de 80 % du total des armes achetées par le Vietnam à l’étranger, selon les chiffres de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm ( Sipri).
En accueillant Vladimir Poutine, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), Hanoï _qui ne reconnaît pas la CPI_, risque la désapprobation de ses partenaires occidentaux que le régime communiste cherche aussi à chouchouter. Les États-Unis ne voient pas d’un bon œil la visite de Poutine au Vietnam, mais ils entendent surtout avancer leurs propres pions et ne font pas de la rupture des relations entre la Russie et le Vietnam une condition de leur soutien.
Un Vietnam en pleine explosion économique
Et le secrétaire d’État adjoint américain pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, Daniel Kritenbrink, se rend ce vendredi 21 juin à Hanoï pour deux jours pour rencontrer de hauts responsables du gouvernement vietnamien et « soulignant le fort engagement des États-Unis à mettre en œuvre le partenariat stratégique entre les États-Unis et le Vietnam ». Il y a « réaffirmera le soutien des États-Unis à un Vietnam fort, indépendant, résilient et prospère. » Évidemment« diplomatie du bambou » fonctionne à pleine capacité et sert les intérêts du Vietnam qui, en pleine explosion économique, veut gagner sur tous les fronts.