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En abandonnant le moteur 2026, Renault se prive de renouer avec ses années glorieuses de motoriste

Une Alpine rose pour les trois derniers Grands Prix de la saison, dont Las Vegas ce week-end, après une Alpine bleue tout au long de l’année. Mais surtout une Alpine sans moteur Renault dès 2026. L’écurie Alpine de Formule 1 se voulait la « Ferrari française », mais elle sera équipée dès 2026 d’un moteur et d’une boîte de vitesses… Mercedes. Ce qui paraissait totalement improbable est devenu réalité mardi 12 novembre, avec l’officialisation par Alpine de la fourniture du moteur et de la boîte de vitesses par le constructeur allemand dès l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, en 2026.

« Dans le cadre de cet accord pluriannuel, Mercedes-Benz fournira à BWT Alpine Formula One Team des groupes motopropulseurs pour la durée de la nouvelle ère réglementaire, de 2026 à au moins 2030. En plus du groupe motopropulseur, BWT Alpine Formula One L’équipe recevra également des boîtes de vitesses Mercedes à partir de la saison 2026 », indique le communiqué.

Deux ans de travail jetés à la poubelle

Cette nouvelle officialise encore une fois l’arrêt de la production du moteur Renault destiné à la Formule 1 sur le site historique de Viry-Châtillon, annoncé par le PDG du groupe Renault, Luca de Meo, le 30 septembre. « C’est navrant. Cette décision est le résultat de mois et de mois d’observations. Ça fait mal de les voir si déçus par cette décision, mais malheureusement dans mon travail, je ne peux pas penser comme un fan. Et je dois repenser le projet F1, pour enfin gagner. Je cherche donc des raccourcis pour y parvenir », a expliqué le PDG.‘Équipe quelques jours après cette annonce.

A la poubelle donc, les deux années de travail, dont la dernière a été très intense, sur le développement du moteur pour la réglementation 2026, par les 250 personnes de l’usine Renault affectées à la F1. Acheter un moteur chez Mercedes coûte 20 millions par an, tandis que « conserver une telle activité chez Renault coûte entre 200 à 250 millions », selon Luca De Meo.

Un moteur très prometteur

Des économies, mais surtout un énorme gâchis pour Patrick Gabaud et Clément Gamberoni, deux membres du CSE de l’usine de Viry-Châtillon, d’abandonner un moteur qui avait déjà démarré une première fois, en juin dernier. « Il fait partie des meilleurs. Nous avons discuté avec les autres constructeurs et ils ne sont pas aussi avancés que nous, à part peut-être Mercedes. Nous avions opéré un changement de paradigme dans notre stratégie, avec des concepts qui s’écartaient de ce que nous avions l’habitude de faire. Et les résultats ont été très prometteurs, avec un niveau de combustion inégalé », expliquent-ils.

Sauf qu’avec cette décision d’arrêter la production du moteur Renault, on ne saura jamais si ce RE26A, nom d’usine donné au moteur du règlement 2026, a été capable de redonner ses lettres de noblesse à Renault dans l’histoire de la Formule 1 après le tournant raté de l’ère hybride en 2014.

Innovations majeures

Car Renault est un monument de la discipline reine du sport automobile depuis ses débuts en 1977. Le constructeur a remporté 12 titres, dont deux en tant que motoriste, et dix en tant que motoriste pour Williams, Benetton et Red Bull Racing. . Et il est à l’origine de quelques innovations majeures.

« L’introduction du turbo en 1977 avec la Renault-Elf RS01 a complètement révolutionné l’industrie automobile », rappelle Patrick Gabaud. Bien qu’elle ait été introduite en 1977, il faudra attendre 1979 pour voir Renault et sa « Théière Jaune », comme aimaient se moquer ses concurrents, remporter son premier Grand Prix sur le circuit de Dijon-Prenois. Et la technologie turbo va progressivement s’imposer à toutes les écuries, les voitures de Formule 1 pouvant développer jusqu’à 1 500 chevaux (!) lors des qualifications.

Le pilote français Jean-Pierre Jabouille au volant de la Renault RS10 équipée d’un V6 turbo, sur le circuit de Dijon-Prenois pour la première victoire de Renault en Formule 1, en juin 1979.-AFP

Le moteur V8 fourni à Red Bull au début des années 2010 fut autant une prouesse qu’une réussite puisqu’il permit à la jeune équipe de taureaux ailés de dominer la Formule 1 pendant quatre ans. « Ce n’était pas le plus puissant, mais celui avec la plus grande plage d’utilisation. Il était économe en carburant et le travail de soufflage des échappements contribuait également à l’aérodynamisme des voitures dans les virages », détaille l’ingénieur moteur Clément Gamberoni.

Le V10 le plus impressionnant de tous les temps ?

Mais le plus impressionnant de tous reste le V10 qui a permis à Renault et Fernando Alonso de remporter les deux seuls titres par équipe moteur en 2005 et 2006. Il suffit d’entendre la réaction de Lewis Hamilton, le pilote au plus grand nombre de victoires en Formule 1, lorsqu’en 2021, il a été interrompu en pleine interview par le rugissement strident du moteur vintage de la Renault R25 Alonso de Fernando : « Oh, ce son est tellement bon… C’est le meilleur son J’ai déjà entendu parler d’une voiture de course.

Les deux pilotes Renault, Fernando Alonso et Giancarlo Fisichella, avec le moteur Renault V10 lors de la présentation de la R25 Championne du Monde de Formule 1 en 2005.
Les deux pilotes Renault, Fernando Alonso et Giancarlo Fisichella, avec le moteur Renault V10 lors de la présentation de la R25 Championne du Monde de Formule 1 en 2005.-BÉBERT BRUNO

« Normalement, nous utilisons le même moteur pour deux GP, sauf qu’il y avait un nombre impair de courses, nous avons donc utilisé un nouveau moteur pour le GP du Brésil uniquement. On a tout laissé tomber, on a mis tous les éléments de performance au maximum et ça a marché. Le moteur développait plus de 22 000 tours par minute. Quand nous avons mis la voiture en piste, tous nos concurrents se demandaient ce qui se passait », se souviennent Patrick Gabaud et Clément Gamberoni.

Et selon lui, le moteur 2026 aurait pu produire les mêmes effets. Mais on ne le saura jamais car si le développement du RE26A ira jusqu’au bout en usine, avant que les salariés de Viry-Châtillon ne soient affectés à d’autres projets, il n’équipera jamais réellement une Formule 1.

Jeoffro René

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