Emmaüs : peines avec sursis pour trois dirigeants jugés pour harcèlement et travail dissimulé auprès des sans-papiers
Sur le banc des accusés du tribunal judiciaire de Lille, jeudi 13 juin, se trouvaient les deux dirigeants de la communauté Emmaüs de la Halte Saint-Jean (Saint-André-Lez-Lille) et l’ancien directeur de celle de Nieppe, tous trois accusés aggravés. travail caché et harcèlement moral.
Après presque un an de grève des travailleurs sans papiers des deux communautés Emmaüs du Nord, c’est une victoire de les voir assis sur ce banc. En juillet 2023, à la Halte Saint-Jean, 21 travailleurs ont entamé une grève pour dénoncer des salaires très bas (parfois 150 euros par mois pour 40 heures travaillées par semaine), le racisme ambiant, des conditions de travail déplorables, et pour exiger la régularisation de leur statut.
Quelques mois après avoir porté plainte pour « travail caché » Et « traite des êtres humains » contre leur direction, et l’ouverture d’une enquête de l’Office central de lutte contre le travail illégal qui a suivi, plus d’une cinquantaine de travailleurs se battaient sur trois sites Emmaüs du Nord de la France.
Un accueil par l’exploitation, loin des « idéaux de l’abbé Pierre »
Le tribunal de Lille s’est penché sur la zone grise dans laquelle évolue le fonctionnement d’Emmaüs, entre travail et bénévolat. Les compagnons accueillis dans les communautés Emmaüs sont censés être hébergés, nourris et bénéficier d’un accompagnement social. En échange, les compagnons doivent contribuer au fonctionnement des communautés, c’est-à-dire à la vente d’objets donnés ou récupérés.
Or, pour le procureur Sébastien Piève, « on vous présente des compagnons ou des bénévoles, lorsqu’il s’agit de travail caché et donc de travailleurs exploités », a-t-il déclaré devant le tribunal, précisant que « camaraderie, bénévolatt » est « pas d’esclavage « . Des camarades grévistes font état de frais pour leur logement, d’une obligation de travailler même en cas de maladie et d’horaires très stricts.
Le procureur a estimé que « les idéaux de l’abbé Pierre (fondateur d’Emmaüs NDLR) ont été trahis » par la direction des communautés ciblées. Il a ainsi requis un an de prison avec sursis et 2 000 euros d’amende pour Pierre Duponchelet, deux ans de prison avec sursis et 3 000 euros d’amende pour Anne Saingier ; et six mois de prison avec sursis contre Alexis Kotowski. Le procureur a également requis une interdiction d’exercer toute activité liée à l’infraction pendant cinq ans.
Un procès pour la dignité
Pour Ibrahima Yattara, qui accuse la Halte Saint-Jean où il est hébergé depuis fin 2018, d’avoir « exploité, humilié » ce jeudi 13 juin c’était « notre journée de liberté.
«Cette grève, c’est notre dignité que nous défendons », a-t-il déclaré à l’AFP. Un compagnon, Happy Patrick, également présent devant le tribunal de Lille, a souligné que « il n’y a pas de congé de maternité » possible dans la communauté Emmaüs« il faut travailler jusqu’à l’accouchement et quand on accouche, il faut retourner travailler juste après « .
Malgré cette première victoire, les compagnons regrettent que la qualification de « traite des êtres humains », pour laquelle l’enquête a été ouverte, n’ait finalement pas été retenue. Ils espèrent également bénéficier d’une possibilité de régularisation. Cet acte significatif est la promesse de quelque 120 communautés Emmaüs françaises : en 2008, la création du statut d’Organismes communautaires d’accueil et d’activités solidaires (OACAS), reconnaît les accompagnateurs comme travailleurs solidaires et donne la possibilité, depuis 2018, à un étranger titulaire de trois années d’activité ininterrompue dans un OACAS pour obtenir un permis de séjour. Toutefois, Nieppe et Saint-André-Lez-Lille ont renoncé à ce statut en 2015.
Alors que les communautés Emmaüs de Nieppe et Dunkerque sont toujours en grève, Emmaüs France a annoncé début juin un important « plan d’action », comprenant le lancement de « 140 audits sociaux » et notamment un système d’alerte destiné aux personnes accueillies en communautés.
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