Emmanuel Macron a affirmé, lundi 14 octobre, que le gouvernement avait «les instruments pour garantir la protection de la France» face à l’arrivée anticipée d’un nouvel actionnaire américain dans une entité du groupe Sanofi commercialisant le Doliprane, relançant le débat sur les risques pour l’approvisionnement du pays en médicaments.
« Nous nous sommes battus pour que le Doliprane soit reproduit en France et que nous reproduisions des molécules et des médicaments indispensables »a déclaré le chef de l’Etat en marge d’un déplacement au Mondial de l’Automobile de Paris. « Et puis il y a la propriété du capital. Et là, le gouvernement a les instruments pour garantir que la France soit protégée »a-t-il assuré.
Le groupe pharmaceutique français a annoncé vendredi 11 octobre avoir choisi le fonds d’investissement américain CD&R pour potentiellement céder le contrôle de son entité de santé Opella, qui commercialise le médicament grand public Doliprane. Depuis, les syndicats et une grande partie de la classe politique ont exprimé leurs inquiétudes quant aux conséquences d’une telle vente sur la souveraineté sanitaire et les 250 emplois du site.
« Des engagements extrêmement précis »
Lundi, le ministre de l’Économie, Antoine Armand, et le ministre délégué chargé de l’Industrie, ainsi que Marc Ferraci, en déplacement à l’usine de Lisieux (Calvados) où est produit le médicament, ont déclaré que le gouvernement français attendait le » des engagements extrêmement précis » dans le cadre de ce projet de transfert.
« Nous avons entamé des discussions avec Sanofi et avec Opella » à propos « des conditions qui seraient indispensables et un accord formalisé qui doit avoir lieu et aura lieu si le projet de transfert arrive sur la table »a prévenu M. Armand lors d’un micro tendu à la presse.
« Ces garanties doivent être respectées et nous veillerons à ce qu’elles le soient en mobilisant tous les outils législatifs et réglementaires à notre disposition, y compris des pénalités et sanctions en cas de non-respect de l’accord »il a ajouté. Il a également mentionné « la possibilité d’un actionnariat public et d’une participation à la gouvernance dans le cadre de cet accord ».
Parmi les obligations exigées par le gouvernement, le ministre délégué chargé de l’industrie a cité « maintenir l’empreinte industrielle et l’emploi industriel » sur les sites de production français de Lisieux et Compiègne (Oise). Il s’agit aussi, selon lui, de« des engagements sur les volumes de production » Et « sur la recherche et le développement », ainsi que sur la préservation de « l’écosystème de la sous-traitance ».
« Une trahison »
Les syndicalistes n’ont pas hésité à critiquer cette démarche. « On est surpris de voir deux ministres venir assurer le service après-vente de Sanofi », a taclé sur Franceinfo le coordinateur de la Confédération générale du travail (CGT) du groupe pharmaceutique, Fabien Mallet. Il a ainsi déploré « encore une fois » l’existence d’un « Lien assez important et assez incestueux entre la macronie et la direction de Sanofi ».
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De son côté, le délégué syndical CGT Lisieux, Johann Nicolas, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que l’option d’un repreneur américain était perçue « un peu comme une trahison de la France et de tous les salariés.» « Notre première demande est de rester Sanofi ! »dit-il, avant d’ajouter : « Si le gouvernement ne met pas la main dans cette affaire, je ne sais pas comment nous allons nous en sortir. »
« Nous sommes entièrement d’accord avec les positions prises par les politiques qui parlent de souveraineté sanitaire »a détaillé à l’AFP le syndicaliste CFDT Humberto de Sousa, qui attend désormais « ces engagements se traduisent en actions ». Mais « on ne sait pas si les engagements tiendront si le conseil d’administration bascule du côté américain »il se méfie, se montre soucieux de l’emploi face à « la recherche de rentabilité de ce fonds » acheteur.
« Projet de croissance »
Sanofi a cherché à plusieurs reprises à dissiper les doutes, insistant sur le fait que ce projet scindé permettrait « la création d’un nouveau champion mondial, le seul basé en France, dans le secteur de la santé grand public ». Le groupe pharmaceutique, dans une déclaration à l’AFP, a expliqué que le choix du CD&R » est notamment dû au fait qu’il offre une solidité et des garanties financières suffisantes pour maintenir et développer les activités d’Opella en France et dans le monde..
Opella emploie 1 700 personnes en France. Doliprane est sa deuxième marque en termes de chiffre d’affaires, la France ne représentant qu’environ 10% des ventes de cette entité qui a réalisé 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023.
Il s’agit de« un projet de croissance qui donnera toute sa place au Doliprane, tant dans nos pharmacies que dans nos usines »a répété, à Lisieux, le président du conseil d’administration de Sanofi, Frédéric Oudéa. « Nous ne serons pas dans une logique myope. Nous regarderons loin et nous protégerons le site de Lisieux comme celui de Compiègne »dit-il.
« Sanofi souhaite s’associer à ce projet, puisque nous conservons 50 % du capital. Ce n’est pas une vente sèche »il a ajouté. Dans la bataille pour le Doliprane, le fonds CD&R était en concurrence avec une offre menée par le fonds d’investissement français PAI Partners soutenu par des investisseurs internationaux.