Emmanuel Macron a-t-il dit espérer que «les Français sont capables de lui pardonner» ? – Libération

Serait-ce une des formules maladroites dont le président de la République semble avoir le secret ? Depuis samedi 28 décembre, les publications se multiplient sur les réseaux sociaux reprochant à Emmanuel Macron d’avoir déclaré espérer que «les Français sont capables de lui pardonner». «Il n’espère pas que “les Français lui pardonneront”, il espère “qu’ils sont CAPABLES de lui pardonner”, grosse nuance ! Si les Français ne lui pardonne pas (sic) ce n’est pas de sa faute, c’est qu’on est INCAPABLES», écrit ainsi le compte Babar le Rhinocéros, dans un post vu des dizaines de milliers de fois. «Je n’y crois pas une seule seconde mais par contre il est assez tordu et vicieux pour le laisser croire», commente un autre internaute, partisan revendiqué du très contesté professeur Didier Raoult. «Non à cette nouvelle provocation macroniste !» a également réagi Florian Philippot, relais majeur de théories complotistes depuis son départ du Rassemblement national.

Pourtant, la déclaration prêtée à Emmanuel Macron ne semble pas émaner du chef de l’Etat… mais d’un de ses proches, selon la source de l’«information», un article publié sur le site de franceinfo. Celui-ci relate comment le Président prépare, depuis le fort de Brégançon où il séjourne, ses traditionnels vœux aux Français du 31 décembre. On lit en effet, à son propos : «Sa dernière allocution remonte au 5 décembre, au lendemain du vote de la motion de censure, une première depuis 1962, reconnaissant alors que sa décision de dissoudre n’a pas toujours été comprise. “Les Français sont capables de lui pardonner”, se persuade un proche.» Outre ce «proche», l’article cite d’autres anonymes, présentés comme «fidèle visiteur» ou «conseiller du pouvoir», tenant parfois des propos critiques à l’endroit du Président.

Le raccourci résulte du fait que la petite phrase sur les «Français capables de pardonner» a été remontée dans le titre : «Emmanuel Macron prépare son allocution au fort de Brégançon, avec l’espoir que “les Français sont capables de lui pardonner”». Une tournure qui suggère que les mots sont ceux de l’intéressé. D’ailleurs, le journal régional la Dépêche laisse entendre la même chose, en écrivant que «comme le révèle franceinfo, le président de la République espère que “les Français sont capables de lui pardonner”».

Contacté par CheckNews, le journaliste ayant écrit l’article confirme que, contrairement à ce que peut faire comprendre le titre, il ne s’agit pas de propos tenus par Macron. Et écarte donc la thèse d’un «off» (paroles rapportées anonymement) qui déguiserait une déclaration du chef de l’Etat.

Ce genre de pratique, formellement infirmée par l’auteur de l’article dans le cas qui nous intéresse, se présente parfois. Il y a deux ans, un article du Monde consacré à l’usage du «off» en politique relatait de manière détaillée comment le chef de l’Etat usait de ce type de communication, à travers l’exemple d’un échange avec des journalistes en septembre 2022. Ce jour-là, selon le Monde, Emmanuel Macron avait répondu aux questions de la presse, mais en imposant cette contrainte : «Rien, hormis un passage prudent sur la fin de vie, ne doit faire l’objet de citations entre guillemets.» Résultat, rapportait le journal, «à l’issue de la rencontre, les journalistes développent un art de la contorsion pour saisir le fond sans griller la forme. Certains enlèvent tout simplement les guillemets. D’autres attribuent le propos présidentiel à son entourage».