« Emmanuel Macron a accentué la dégradation » du secteur de la petite enfance, selon ce syndicat
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Le livre enquête « Les Ogres » de Victor Castanet dénonce les dérives des crèches privées.
CRÈCHES – Deux ans après Les fossoyeursoù il ciblait les maisons de retraite et le groupe privé des Ehpad Orpéa, le journaliste Victor Castanet épingle, dans Les Ogres (éd. Flammarion), autre secteur où la rentabilité prime sur l’intérêt et le bien-être des plus vulnérables : celui des crèches.
Et en particulier les pépinières appartenant à de grands groupes privés, où les « comportements inappropriés » et le « abus » envers les tout-petits. C’est notamment le cas de People & Baby, pointé du doigt dans plusieurs affaires impliquant des professionnels de la petite enfance, dont l’une a causé le décès d’un enfant.
Le HuffPost a demandé Véronique Escames, assistante maternelle et co-secrétaire générale du Syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE), pour commenter pour nous les répercussions de cette nouvelle enquête accablante.
Le HuffPost. La sortie du livre d’enquête du journaliste Victor Castanet sur les dérives des garderies privées a fait grand bruit. Qu’espérez-vous obtenir d’une telle couverture médiatique ?
Véronique Escames. Comme pour tout rapport ou enquête, nous espérons que cela changera les choses. Victor Castanet a réussi à en changer certaines avec Les fossoyeurs dans le secteur des maisons de retraite, même si tout n’a pas été fait.
Ce n’est pas un livre qui va résoudre le problème de la petite enfance, en claquant des doigts. Mais s’il peut y avoir une prise de conscience du futur gouvernement et de l’opinion publique, cela fera avancer les choses. C’est l’occasion de remédiationner une fois de plus, de dire et de répéter que oui, il y a une forme de maltraitance dans les structures, mais que ce ne sont pas les professionnels qui sont en faute. Qu’il s’agit de maltraitance institutionnelle. Que nos valeurs sont piétinées à longueur de journée.
Certains points de l’ouvrage sont évidents et ont été rappelés par divers rapports parlementaires, sept au total depuis 2016. Ils font tous le même constat. Par exemple, il faut revenir au Cifam (Note de l’éditeur : le crédit d’impôt famille, qui permet aux entreprises de réserver des places aux enfants de leurs salariés, grâce à une incitation fiscale). Nous le disons depuis des années.
Quel bilan faites-vous des actions menées sous les mandats d’Emmanuel Macron concernant la petite enfance ?
Emmanuel Macron a accéléré la dérégulation du secteur de la petite enfance et a clairement accentué sa dégradation. Il a promis un service public de la petite enfance et un certain nombre de places en crèche, mais pour l’instant il n’a pas dit quels professionnels il trouverait pour les encadrer, ni avec quelle formation. Sur la création d’un service public de la petite enfance, les choses avancent très, très lentement, car c’est un chantier immense.
Le livre de Victor Castanet montre que la commercialisation n’a pas sa place dans la petite enfance. Les collectivités locales et les associations doivent reprendre leur rôle. Nos enfants ne sont pas là pour qu’on gagne de l’argent sur leur dos, au détriment de leur accueil, en plus. Si la qualité était là, pourquoi pas, mais ce n’est pas le cas.
De nombreuses recherches ont été menées ces dernières années sur le développement de l’enfant. Mais dans le même temps, les conditions de garde des enfants ont été détruites. Lorsque vous lisez le rapport sur « Les 1 000 premiers jours d’un enfant », par exemple, tout ce qui a été appris est ignoré.
En fait, c’est l’inverse. Le rapport de l’Igas (en avril 2023) disait qu’il fallait réduire la taille des groupes, mais on n’y est pas encore. Qu’il fallait augmenter le taux d’encadrement, mais on n’y est pas encore. Il recommande de recruter des personnes qualifiées et on nous donne un décret qui dit qu’on peut embaucher n’importe qui… Depuis, on nous promet une évaluation de ce décret, pour savoir combien de structures y ont eu recours. Mais pour l’instant, on n’a pas eu de suite.
Accusations de collusion entre Aurore Bergé et les lobbys des crèches privées, publiées dans le livre de Victor Castanet – et nié par la partie intéressée –Est-ce que cela a été une surprise pour vous ?
Disons qu’on l’a senti. Il y a eu des discours de la Fédération française des entreprises de crèches qui ont été parfois repris, de manière un peu différente, par les différents ministres et par Aurore Bergé… Ce sont des questions qui ont été posées lors de la commission d’enquête. Ce qui est différent maintenant, c’est qu’on sait que Victor Castanet a les documents qui prouvent ce qu’il dit, que ce n’est pas du vent.
Le fait que Matignon fasse appel à une crèche privée low cost, quel message cela vous envoie-t-il ?
C’est un très mauvais signal. Cela signifie que pour eux, n’importe qui peut s’occuper des enfants des autres et qu’en fin de compte, la qualité et le nombre de professionnels présents n’ont aucune importance.
Et tout ce qui touche à l’éveil des enfants, à leur développement, au constat qu’on peut faire quand on est dans de bonnes conditions, de pouvoir potentiellement déceler des petits ou des gros soucis, à la sécurité affective des enfants, tout ça, on s’en fiche.
Au moins, cela montre que les enfants des salariés de Matignon sont au même niveau que les autres. Mais il est difficile de voir le peu de considération que nous avons pour les enfants.
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