LLa petite troupe junior partage la loge avec une troupe adulte qui prépare une pièce qui sera jouée le matin dans la grande salle. Le chaos règne et brise sur son passage toute forme d’harmonie ; des gens agités par le trac, la répétition de mots articulés sans son et de gestes chorégraphiés à la chaîne pour ne rien oublier, du bruit partout, produit par des paquets de chips, des sacs plastiques remplis d’amandes, de la musique qui s’échappe de quelques écouteurs. Au sol, des vêtements éparpillés, des sacs la bouche ouverte et des corps parfois allongés pour quelques exercices de cohérence cardiaque.
Elle regarde autour d’elle et en rien la loge du théâtre du nord de la ville où se déroule son spectacle de danse de fin d’année ne ressemble à celles qu’elle connaît, petites, confinées, tamisées, confortables, chaleureuses, remplies de mots d’amour et de fleurs, les loges dans lesquelles elle retrouve son père à la fin de ses spectacles depuis qu’elle sait marcher, passant devant tout le monde, la file de spectateurs avides, fiers et exaltés, C’est mon père, bravo papa.
Aujourd’hui, c’est à son tour de monter sur scène, devant un public qui n’est pas exclusivement composé de sa famille. Elle est prête depuis longtemps, depuis la nuit des temps. Elle s’est coiffée, maquillée, habillée seule, à l’aube et en silence, pour ne réveiller personne. Au milieu de la colline aux mille bras, elle est la seule immobile. Elle se tient debout face au grand miroir au fond à gauche de la loge, côté maquillage. Droite comme un mur, les épaules grandes ouvertes, en legging noir et chemise blanche en coton boutonnée jusqu’au cou, ses cheveux bruns rassemblés en chignon bas sur la nuque, elle cherche dans le mystère de son reflet le visage de son père.
Depuis qu’elle est en âge de comprendre ce que disent les adultes, elle entend à quel point ils se ressemblent tous les deux, et pourtant, elle a beau les regarder, elle ne voit rien de lui. Rien que les cheveux, les mêmes cheveux qui envahissent leur corps dans leur intégralité, les joues, le torse, les bras, le dos. Mais il est si beau, avec ses cheveux, sa barbe, sa masse de cheveux noirs qui contraste avec ses grands yeux verts.
C’est le plus beau, son père. Elle veut lui ressembler : artiste, drôle, libre. Elle aussi veut passer sa vie à faire des spectacles, elle aussi veut qu’on hurle de rire à son passage, elle aussi veut apprendre à attirer l’attention de tous, à transformer une soirée où tout le monde s’ennuie en carnaval de Rio, juste avec des mots bien campés et de l’humour.
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