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Elections législatives : le groupe Renaissance menacé d’implosion

La poutre fonctionne toujours, pour reprendre la célèbre métaphore d’Édouard Philippe à propos de la restructuration politique entamée en 2017. Au point de fissurer les murs ? Un état des lieux approfondi ne sera pas nécessaire pour se rendre compte que les législatives ont fragilisé la maison présidentielle à l’Assemblée nationale. C’est dans une ambiance pesante que le groupe Renaissance a retrouvé le Palais Bourbon en début de semaine. Les ingrédients ont tout d’un cocktail explosif, entre le sentiment de rancœur provoqué par la décision d’Emmanuel Macron, le 9 juin au soir, de convoquer de nouvelles élections par surprise, et l’affaiblissement du groupe dans l’hémicycle où il peine à trouver un chemin pour faire adopter des textes législatifs.

Les rescapés de la dissolution sont aussi confrontés à des tensions internes sur la stratégie à adopter pour former une coalition. Plusieurs députés, ex-LR, défendent la nécessité d’un accord avec les Républicains. « Il faut gouverner depuis la droite », a proclamé dimanche soir le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui exclut tout dialogue avec les écologistes.

Sacha Houlié claque la porte et envisage de former un nouveau groupe de centre-gauche

Le groupe s’est finalement entendu, dans un communiqué publié le 10 juillet, en faveur d’une « coalition de projets allant des sociaux-démocrates à la droite de gouvernement ». Ce qui n’empêche pas Renaissance de vaciller sur son flanc gauche, au moment où le Nouveau Front populaire entend accéder à des responsabilités gouvernementales. Le bouleversement des législatives a aggravé un phénomène de chapelles et de divisions au sein de Renaissance qui s’était manifesté de manière plus éclatante au moment du vote de la loi sur l’immigration en décembre. L’une de ses figures, Sacha Houlié, l’ancien président de la commission des lois, a annoncé mercredi qu’il ne siégerait pas au sein du groupe, préférant travailler à la formation d’un autre groupe allant de « la droite sociale à la gauche socialiste ». Stella Dupont, députée depuis 2017, et proche de Barbara Pompili et Hugues Renson, a également appelé à la création d’un nouveau groupe « de centre-gauche », distinct de Renaissance. « Il faut construire des ponts, construire des passerelles », a-t-elle expliqué à nos confrères de LCP.

Après sept ans de majorité absolue, puis relative, Renaissance serait-elle directement menacée de dislocation ? « Les solutions pour surmonter cela, c’est le projet macronien initial. C’est une alliance qui s’élargit sur les deux ailes et pas sur une seule. Cela nous permettrait de sortir de cette crise », analyse Christophe Boutin, professeur de droit public à l’université de Caen. Le politologue précise que l’impact d’une telle scission à gauche de Renaissance pourrait avoir un sens différent selon le casting. « Ce ne sont pas vraiment des poids lourds qui ont parlé. Les choses seraient radicalement différentes si Élisabeth Borne, par exemple, rejoignait cet élément. »

« Retirer la goupille de la grenade a eu pour effet de remettre les choses en place. »

Face à cette possibilité de « fractures imminentes », « il y a des histoires de stratégies ou de tactiques qui dépassent largement les convictions qu’on pourrait leur prêter », considère Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche émérite CNRS au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po). La politologue estime que ces possibles départs et dissidences témoignent de la persistance d’un clivage gauche-droite, auquel elle a consacré un livre en 2020. « La coalition présidentielle qui tenait initialement par le charisme d’Emmanuel Macron, entre guillemets, et ce discours de ni gauche ni droite, ne résiste pas à l’épreuve du pouvoir. Finalement, le fait d’avoir dégoupillé la grenade, comme l’a dit Emmanuel Macron, a eu pour effet de remettre les choses en place, de montrer qu’il y avait encore une gauche, devenue un peu plus extrême, et une droite, un peu plus extrême. »

« Jamais depuis 1958 un parti n’avait été touché par autant de forces centrifuges », rappelle Jean de Saint Sernin, maître de conférences en droit public à l’université Paris Nanterre. « Cette dissolution, n’ayant pas réussi à unifier le camp présidentiel et à offrir une majorité absolue, entretient plus que jamais ces dissensions politiques dans un ensemble extrêmement hétérogène », observe le professeur, auteur d’une thèse sur le système majoritaire et le bicamérisme sous la Ve République.

Autre signe que la cohésion n’est pas totalement assurée : l’attentisme qui règne dans les couloirs. Sur les 99 députés Renaissance élus dimanche et investis par le parti, 70 avaient rejoint le groupe en fin d’après-midi, selon BFMTV. « Certains attendent de voir quelle sera la structure d’accueil la plus favorable pour eux », commente Janine Mossuz-Lavau.

Le contexte de la future élection présidentielle

Dans ce paysage complexe, le contexte de la succession d’Emmanuel Macron, à qui la Constitution interdit de briguer un troisième mandat en 2027, achève de donner à cette nouvelle législature une atmosphère particulière. « Dans la reconfiguration de ce centre, dans la perspective d’une alliance gouvernementale, il y a clairement la préparation de l’étape suivante », insiste Olivier Rouquan, professeur associé et chercheur au Centre d’études et de recherche en sciences administratives et politiques (Cersa) à Paris. Le politologue explique que dans ce nouvel hémicycle « s’opère la reconfiguration des groupes autour de personnalités qui pensent notamment à l’élection présidentielle ».

« Au fond, cela révèle que Renaissance n’est pas le parti du président, comme l’étaient autrefois le PS ou le RPR. C’est un groupe qui lui a permis d’avoir une majorité par le passé, mais il ne fonctionne pas sur une base partisane et le leadership est extrêmement théorique. J’ai toujours eu tendance à penser que Renaissance était un appareil parlementaire aux mains du président de la République, sans que lui-même ait une volonté particulière d’en faire un axe durable », explique Pierre Mathiot, professeur de science politique à Sciences Po Lille. Face à un groupe qui pourrait être dépourvu d’autorité réelle à son sommet, sans parler de la perspective de nouvelles élections législatives avant 2027, Pierre Mathiot imagine un autre scénario pour Renaissance avant une éventuelle implosion. « Renaissance peut exister en tant que groupe, mais incapable d’assurer un vote unitaire. »

Une « fragmentation » de l’Assemblée nationale qui rappelle la IVe République

Autre conséquence, la sortie de Renaissance de plusieurs députés de l’aile gauche, en vue de former un nouveau groupe, pourrait aussi marquer un nouveau record du nombre de groupes. Si le groupe LIOT (Groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) parvient à se maintenir, et si un groupe de centre-gauche émerge, il pourrait y avoir 12 formations dans l’hémicycle, battant le record de 10 groupes de la précédente législature. « On assiste à une fragmentation qui rappellerait davantage la IVe République que la Ve, avec des alliances changeantes, et des partis pivots qui jouent un rôle essentiel », anticipe le politologue Christophe Boutin. Rappelons au passage que le nombre minimum de députés pour former un groupe n’a cessé de diminuer sous la Ve République. De trente jusqu’en 1988, ce seuil est passé à 20, puis à 15 en 2009. Pierre Mathiot émet l’hypothèse que le futur Bureau de l’Assemblée pourrait accepter d’abaisser ce plafond, afin de permettre aux petits groupes de se maintenir.

« On retrouvera les règles du jeu qui prévalaient sous les IIIe et IVe Républiques, des régimes ouvertement parlementaires. Le président de la République devra adopter un comportement plus en retrait, comme on le connaît dans un régime parlementaire », imagine aussi Olivier Rouquan. Cette dispersion des forces propre aux Républiques précédentes ne serait pas forcément synonyme de chaos. « On a fait une image très répulsive de la IVe République pour faciliter l’arrivée de la Ve. C’était une caricature. Plein de projets ont été adoptés par des majorités alternatives, des coalitions temporaires. Elle a mis en place des projets essentiels », tient à souligner Christophe Boutin.

Cammile Bussière

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