Comptage à Durban le 29 mai 2024 (AFP / Rajesh JANTILAL)
L’ANC, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, se dirige vers un revers historique lors des élections législatives, dont les résultats partiels aux deux tiers du décompte de vendredi laissent clairement présager que le parti perdra sa majorité absolue au Parlement après trente ans de règne incontesté.
En début d’après-midi, l’African National Congress (ANC) recueillait moins de 42% des voix, selon la commission électorale (CEI), restant sous la barre cruciale des 50% avec 66% des votes dépouillés. Le parti a obtenu 57 % des suffrages exprimés lors des dernières élections législatives, en 2019.
Le premier parti d’opposition (Alliance démocratique, DA, centre libéral) dispose actuellement de 22,6% des voix. Le tout récent parti populiste Umkhonto We Sizwe (MK) du sulfureux ex-président Jacob Zuma, a fait une percée à 12%, tandis que la gauche radicale des Combattants de la liberté économique (EFF) stagnait à 9,5%.
La participation s’élève actuellement à 58,5%, en baisse par rapport aux 66% enregistrés lors des élections précédentes. Les résultats définitifs ne sont pas attendus avant samedi au plus tôt.
A l’issue du scrutin le plus contesté de l’histoire de la démocratie née dans le pays avec l’élection de Nelson Mandela en 1994, 400 députés seront élus. Ils choisiront le prochain président.
Depuis le début du dépouillement mercredi soir, à la fermeture des bureaux de vote, les résultats partiels reflètent les prévisions des experts et des sondages d’opinion de ces dernières semaines, qui donnaient entre 40 % et 47 % d’intentions de vote à l’ANC.
Journaux sud-africains au lendemain du vote, le 30 mai 2024 (AFP / Michele Spatari)
La désillusion des 62 millions d’habitants de l’Afrique du Sud, alimentée par un chômage endémique, une pauvreté croissante et une criminalité record, semble avoir vaincu leur loyauté obstinée envers le parti qui a libéré le pays de la ségrégation raciale.
Pour de nombreux électeurs, le parti qui a longtemps incarné le rêve d’une nation ayant accès à l’éducation, au logement et aux services de base, n’a pas tenu ses promesses.
Le quotidien est empoisonné par les coupures récurrentes d’eau et d’électricité. Et les scandales de corruption répétés impliquant de hauts dignitaires du parti ont entamé la confiance.
– Le pays zoulou aux mains de Zuma –
Le parti historique, qui détient actuellement 230 sièges de députés (57,5%), devrait cependant rester la formation politique la plus importante à l’Assemblée nationale. Affaibli, il devra se résoudre à nouer des alliances et à négocier la composition d’un gouvernement de coalition.
Experts et observateurs ont encore du mal à prédire quelle pourrait être la formule.
Composition du Parlement sortant d’Afrique du Sud, avant les élections du 29 mai (AFP / Guillermo RIVAS PACHECO)
L’ANC devra choisir entre faire des concessions avec les revendications libérales du DA, qui a promis de « sauver l’Afrique du Sud » par la privatisation et la déréglementation. Ou s’il risque un rapprochement avec l’EFF et ses revendications incendiaires comme la redistribution des terres aux noirs et la nationalisation de secteurs économiques clés.
Le parti devra également déterminer s’il est prêt à conclure un pacte avec MK, dirigé par l’ancien pilier de l’ANC Jacob Zuma. Mais le fossé entre le président Cyril Ramaphosa et Jacob Zuma, ennemis politiques de longue date, sera difficile à combler, anticipent les experts.
Le MK, qui tire son nom de l’ancienne branche armée de l’ANC lors de la lutte contre le régime blanc, est sur le point de mettre la main sur la province zouloue (Est), fief traditionnel du parti au pouvoir et province incontournable regroupant plus de 20% de l’électorat. Il est en tête avec plus de 44% des voix contre moins de 19% pour l’ANC.
Le parti semble avoir bénéficié du fervent soutien populaire dont bénéficie toujours Jacob Zuma, 82 ans, ancien président (2009-2018) lui-même originaire du pays zoulou, malgré son exclusion du scrutin pour inéligibilité.
Une nette victoire du petit parti de la région porterait en tout cas un nouveau coup à Ramaphosa, 71 ans, qui table sur un second mandat, mais dont la continuité pourrait être compromise en cas de résultats désastreux de son parti.