Elections législatives 2024 : pour torpiller la gauche, Macron embrasse le RN
Prétendre lutter contre l’extrême droite et avoir la bouche pleine de mots. Chez Emmanuel Macron, il ne s’agit pas d’une maladresse, mais d’une stratégie de triangulation maintes fois éprouvée.
Une tactique encore mise en œuvre, ce mardi, lors d’un déplacement dans l’île de Sein (Finistère) pour les commémorations de l’appel du 18 juin 1940. Dos au mur depuis qu’il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat s’en est pris au union de la gauche, dont il craint la dynamique face à l’inévitable débâcle de son camp.
Devant une poignée de spectateurs bretons et surtout une caméra de BFMTV, il a fustigé le Nouveau Front populaire (NFP), qualifié de« le plus à gauche »et son programme, jugé « immigrationniste ». De Marine Le Pen dans le texte.
L’art de jouer avec la flamme
Mais le président de la République ne s’est pas arrêté là dans sa reprise du mandat d’extrême droite pour commenter le projet de la gauche, dans lequel il dit trouver « des choses horribles comme aller changer de sexe à la mairie ».
Et ça, tandis que le document PFN propose d’« autoriser librement et gratuitement le changement d’état civil devant un officier de l’état civil ». Changement de genre et non de sexe donc.
Pour compléter le triste tableau, l’animateur de l’Élysée a ajouté que« à l’extrême gauche, il n’y a plus de laïcité ». Une manière très sarkozyste d’incarner le front républicain – qu’il a lui-même torpillé – en allant sur le terrain de l’ennemi que l’on est censé combattre.
Face à sa défaite annoncée, Emmanuel Macron ne renonce donc à aucun excès, y compris transphobe, pour tenter de rattraper son retard. De quoi provoquer, à gauche, de nombreuses réactions indignées.
Indignation de la gauche et des associations
« Diviser, diviser, stigmatiser, susciter la haine. Ce président, élu pour faire barrage au RN, en devient le pathétique perroquet. » a écrit Ian Brossat, porte-parole du PCF, sur X.
« Cette façon de flatter les réactionnaires est insupportable. » a réagi Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. Et son homologue socialiste, Olivier Faure, est d’accord : « Un barrage… toutes les vannes sont ouvertes. Les mots finissent par manquer devant tant d’incohérences et de cynisme. ».
Les propos du président à l’égard des personnes trans, cibles privilégiées de l’extrême droite, ont particulièrement retenu l’attention. « Emmanuel Macron invoque la transphobie pour s’en prendre aux programmes de ses opposants politiques. La stratégie est donc claire : utiliser les minorités dans la course au pouvoir »a dénoncé Julia Torlet, présidente de SOS Homophobie.
L’insoumis Jean-Luc Mélenchon estime que « le président ignore l’ampleur des souffrances que cela implique pour les personnes concernées » et rappelle que « cette possibilité existe déjà dans la loi ».
Macron corrigé par son ancien ministre Clément Beaune
« Il n’est pas nécessaire d’avoir suivi un traitement médical ni d’avoir été opéré. Vous devez démontrer que le sexe indiqué sur votre état civil ne correspond pas à celui de votre vie sociale (identité de genre) »précise ainsi le site service-public.fr où sont enregistrées les démarches qui doivent, pour l’instant, être effectuées « au tribunal ».
Emmanuel Macron a même été rappelé à l’ordre par son ancien ministre Clément Beaune, également candidat à sa réélection député sous l’étiquette Renaissance : « Pour les personnes trans, pour les personnes LGBT, pour tout le monde, nous devons rejeter toute stigmatisation dans le discours politique et faire progresser les droits. »
Les propos dangereux du président de la République, qui proposait autrefois de simplifier les procédures de changement de genre, reflètent aussi la panique qu’il ressent face à la déroute de son camp et à la dynamique du NFP.
Une opération de séduction qui tourne au naufrage
Son électorat âgé, généralement plus conservateur que le reste de la population, fuit progressivement vers le RN. Ce qui avait déjà conduit Emmanuel Macron à s’aventurer dans le pillage sémantique de l’extrême droite en utilisant notamment le terme « décivilisation ».
Interrogé sur cette fâcheuse tendance en février par des journalistes de Humanité, qualifié de « drôles de censeurs », le chef de l’État a répondu qu’il « il ne faut pas laisser (à l’infirmière) la capacité de nommer la réalité.
Il n’est cependant pas gêné par la réalité, lorsqu’il s’agit de diaboliser la gauche qui le menace aujourd’hui. Avec ce genre d’affirmation attrape-réaction, Emmanuel Macron fait le pari risqué que le confusionnisme peut lui être favorable, quitte à brouiller parfois les frontières avec l’extrême droite. Au risque d’être non seulement celui qui reprend la parole du RN, mais aussi celui qui le porte au pouvoir.
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