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Elections législatives 2024 : dans l’espoir d’incarner l’ordre, Emmanuel Macron sème le chaos

Il arrive parfois, dans le magma des éléments du langage et de la communication précise, qu’un mot trahisse une parole. Ce 12 juin à Paris, Emmanuel Macron, qui n’a que le mandat «  clarification » dans sa bouche, laisse échapper le dernier mot de sa stratégie : «  Si les gens ont peur des extrêmes, il y aura une poussée. » Voici la stratégie du Président de la République pour remporter les élections législatives qu’il a convoquées les 30 juin et 7 juillet.  » peur «  avec une possible victoire de l’extrême droite et faire peur une nouvelle fois à une gauche qu’il n’a cessé de qualifier « extrême gauche » dans son discours.

Le bel écrin du Pavillon Cambon Capucines, où le chef de l’Etat a invité la presse, peine à étouffer l’atmosphère de fin de règne qui imprègne la majorité, désormais lancée dans une situation de « réussite ou d’échec » aussi périlleuse qu’irresponsable. Devant les journalistes, le président nie être en campagne électorale : il ne débattra pas avec Marine Le Pen, comme prévu autrefois, et ne mettra pas sa démission dans la balance en cas d’échec.

Mais force est de constater que l’événement est organisé par les équipes de Renaissance, et non par le service de presse de l’Élysée. Tout le monde a également constaté qu’Édouard Philippe ne voyageait pas. L’ancien Premier ministre avait déclaré la veille qu’il aurait été  » en bonne santé  » que le chef de l’Etat a reculé.

Le pari d’un vote de démission

Alors sur quoi compte Emmanuel Macron pour échapper au piège des législatives anticipées qu’il a lui-même tendu en dissolvant l’Assemblée nationale ? Sur un vote par défaut, convaincu que les électeurs pris en tête ne voudront ni d’un gouvernement RN ni de gauche. Le chef de l’Etat espère s’imposer comme le ticket gagnant du retour à l’ordre, alors que le chaos de ces derniers jours est la seule faute du prince.

Renvoyés dos à dos, le RN et le Front populaire de gauche «  ne pourra appliquer aucun programme »insiste-t-il, alors que sa majorité aurait montré son  » sérieux  » au cours des sept dernières années. Il paraît évident que le président ne vise pas un vote d’adhésion, mais un vote de démission autour du bloc macroniste, qui revendique le monopole de la crédibilité – ce qui revient à nier l’idée même d’alternance possible, et donc de démocratie. .

Et comme il faut effrayer l’électeur, le chef de l’Etat s’emploie à démanteler ses deux adversaires, jetés dans le même sac à la porte de la République. Le nouveau Front populaire est avant tout présenté comme un « alliance baroque et indécente » OMS « fait tourner Léon Blum dans sa tombe » : un accord « contre nature » de la gauche républicaine avec « une extrême gauche coupable d’antisémitisme, de communautarisme et d’antiparlementarisme ».

Tant qu’on y est, Emmanuel Macron attribue en partie le choix de la dissolution à  » comportement «  des députés FI qui auraient « a rendu l’action publique moins lisible ». Tout en concédant que le rapport de force à l’Assemblée issu des élections législatives de 2022 « ne nous a pas empêché d’agir utilement pour le pays ». Qui peut comprendre – mais qui écoute encore ? Dans le même temps, la gauche annonce un accord sur le partage des circonscriptions, comme pour répondre à distance à cette nouvelle tentative de fracture du camp progressiste.

Pas de soutien à la gauche en cas de duel contre le RN

Vient ensuite le RN, revenu sur ses ambiguïtés avec la Russie, ses « volonté de répondre à l’insécurité en sortant de l’Etat de droit et en faisant le tri parmi les bons Français les mauvais « . Un grand danger, insiste le président, mais pas plus que la gauche, à ses yeux.

Emmanuel Macron refuse ainsi de dire s’il appellera à voter pour la gauche au second tour en cas de duel contre l’extrême droite. Il n’a pas encore officialisé le fameux  » ni ni « , mais son discours laisse peu de suspense. Interrogé sur la ligne d’égalité qu’il trace effectivement entre FI et RN, le locataire de l’Élysée répond : « Un signe égal ne veut rien dire, mais ce ne sont pas des républicains. Il y a une indignité des deux côtés. »

Côté presse, les questions fusent sur l’hypothèse d’une cohabitation, avec Jordan Bardella comme successeur de Gabriel Attal. Emmanuel Macron tempête alors contre les journalistes qui ne savent que « contempler le désastre » alors qu’il « l’optimiste inébranlable »ne donne rien à « l’esprit de défaite ». Soit les mêmes éléments de langage qu’en 2022, mais aussi qu’en 2024, il y a à peine quelques semaines, avant que les Européens ne soient giflés – preuve que la méthode Coué a ses limites.

Le bilan macroniste tourne en boucle sans se soucier de l’évolution des rapports de force et des 6 millions de voix perdues en à peine deux ans. Emmanuel Macron ressort même sa vieille carte du dépassement des divisions. Qu’importe si les alliances nouées à gauche réduire son champ des possibles, le président de la République réclame encore « une fédération de projets » qui rassemblerait « des gens de bonne volonté ».

Savoir ? «  Sociaux-démocrates, radicaux, écologistes, chrétiens-démocrates, gaullistes et nombre de nos compatriotes et dirigeants politiques qui ne se reconnaissent pas dans la fièvre extrémiste.. »

Un discours plus à droite que jamais

L’initiative est censée cacher un «  nouvelle méthode »auquel il s’oppose «  à l’électroménager DIY » dans le «  respect » diversité politique : « Ce n’est pas ‘celui qui m’aime me suit’, assure Emmanuel Macron. Mais tissez des compromis pour faire avancer le pays. » Derrière cette promesse d’une majorité élargie aux opportunités floues, il y a avant tout une offre de service.

Le président propose implicitement de ne pas présenter de candidats macronistes face à d’éventuels dissidents de gauche et de droite, tout en leur garantissant que cela « ne les obligera pas à rejoindre la majorité ». Avant de tenter de jeter un coup d’œil sur l’électorat de centre-gauche, en mentant au passage sur l’hypothétique futur locataire de Matignon : «Comment les électeurs de Raphaël Glucksmann peuvent-ils soutenir une alliance qui conduirait de fait Jean-Luc Mélenchon au poste de Premier ministre ? »

La question en appelle une autre : comment les électeurs de gauche pourraient-ils voter pour la Macronie avec un programme qui ne bouge pas d’un pouce, sauf à droite ? Car les repères dévoilés par le chef de l’Etat ne font que confirmer son inflexion conservatrice. Jugons : le président utilise l’expression d’extrême droite de «  France Orange mécanique ».

Dès le début de son discours, il promet de « Réduire l’immigration clandestine » et se vante « la prise en main par l’État et un meilleur contrôle de la question des mineurs non accompagnés ». Il souhaite s’opposer « plus de fermeté » au « une montée des violences chez les mineurs qui porte atteinte à la cohésion nationale ». Et prône catégoriquement l’interdiction des téléphones portables avant 11 ans et des réseaux sociaux avant 15 ans. «  Le fascisme est à nos portes et il nous parle d’écrans. Cet homme est un faux permanent »a réagi l’écologiste Sandrine Rousseau, sur X.

Ce n’est pas la seule annonce qui semble déplacée dans le contexte actuel de crise profonde. Le chef de l’Etat a ainsi tracé les contours d’une nouvelle réforme territoriale – suppression d’un palier et éventuel retour, au cas par cas, aux anciennes régions –, dont on se demande quels électeurs elle est susceptible de titiller. dans une campagne aussi rapide.

Pour le reste, les cases du bingo macroniste ont été cochées, entre promesses recyclées et autosatisfaction : « Le travail doit mieux payer » «  les impôts n’ont jamais autant baissé », «  nous n’avons jamais autant investi dans les services publics », «  nous devons continuer à économiser de l’argent ». Le seul regret est de ne pas avoir encore réussi à convaincre sur la question de l’insécurité : « Il faut du temps quand on veut mieux protéger nos compatriotes », juge-t-il. Il faut moins de temps pour augmenter le salaire minimum, mais le président n’en parlera pas.

Ce même Emmanuel Macron qui plaide le long terme a donc trois semaines pour convaincre, avec une feuille de route qui satisfait de moins en moins de monde depuis sept ans. Cela paraît insensé, puisque son coup de poker place le RN aux portes du pouvoir. «  Emmanuel Macron peut parler autant qu’il veut, il est disqualifié pour incarner un quelconque rempart contre l’extrême droite. Une seule alternative : le Front populaire »résume le porte-parole du PCF, Ian Brossat.


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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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