Baskets aux pieds, cigarette électronique à la main, Olivier Véran sillonne la campagne dans le centre de Grenoble.et Dans la circonscription de l’Isère, l’ancien ministre de la Santé et ancien porte-parole du gouvernement se retrouve face à un second tour périlleux. A l’issue du premier tour, il affiche certes un score plus qu’honorable – 33,6% – mais à plus de 6 points du candidat du Nouveau Front populaire (NFP). Le candidat du Rassemblement national (RN), qui a obtenu 18,3%, a maintenu sa candidature.
Une course à trois qui place le député sortant en position de challenger. « Le second tour est plein de dangers pour Véran », titrait le quotidien régional « Le Dauphiné Libéré » en Une au lendemain du premier tour. L’ancien ministre a fait ses calculs : il lui faudra un bon report de voix de la droite (le candidat LR a obtenu 7 %, NDLR) et, plus hypothétiquement, un blocage d’une partie des électeurs RN qui ne veulent pas d’un député LFI.
« Ce n’est pas une campagne traditionnelle. Les électeurs hésitent entre un vote rationnel et un choix irrationnel qui les pousse vers le RN ou LFI », assure Olivier Véran aux « Echos ». La théorie se confirme sur le terrain : un homme, qui explique que sa femme vote Renaissance et son fils LFI, explique être tiraillé. « Je ne sais pas si j’ai envie d’être rationnel », dit-il, visiblement tenté par un vote LFI.
Olivier Véran n’a pas apprécié cette dissolution surprise. Il l’a dit à Emmanuel Macron, dont il a pris ses distances depuis son limogeage du gouvernement en janvier dernier. « L’idée que le RN puisse diriger le pays me rend malade », écrit-il au locataire de l’Elysée au lendemain du 9 juin. Résultat, le candidat Véran fait campagne en son nom propre. Sur son tract, la mention « Ensemble » de la majorité sortante n’y figure pas, pas plus que les noms d’Emmanuel Macron ou de Gabriel Attal. « Je ne renie rien, mais j’ai la totale liberté politique que j’avais retrouvée en janvier », plaide-t-il.
L’effet « vu à la télé » de l’homme qui fut ministre de la Santé pendant le Covid bat son plein. Dans la rue, les gens le reconnaissent. Côté positif, certains l’apprécient et annoncent qu’ils le soutiendront, sans cacher leur inquiétude ni expliquer que ce sera un choix « raisonnable » face au RN et LFI. En revanche, certains gardent encore une dent contre l’ancien ministre. Une femme refuse vigoureusement le tract. « Je ne peux pas après tout ce qu’il nous a fait pendant le Covid », lance-t-elle avant de s’éclipser.
Les « antivax » se rappellent régulièrement à l’ordre du jour de l’ancien ministre. Chacune de ses publications sur X fait l’objet d’un torrent de commentaires insultants, le plus souvent pour dénoncer la politique du gouvernement pendant la crise sanitaire. Olivier Véran joue aussi la carte locale, ne cachant pas, devant plusieurs personnes, qu’il réfléchira à la question des élections municipales de mars 2026 à Grenoble dès la rentrée.
Mais il lui faut d’abord franchir le cap – difficile – de ce scrutin législatif. Par certains côtés, Olivier Véran va à contre-courant de nombre de ses collègues de la majorité sortante qui briguent leur réélection. Nombreuses sont les circonscriptions où le camp Macron compte sur le retrait de la gauche pour faire barrage au RN. Et puis il y a celles où c’est contre la gauche que la bataille doit être menée en vue du second tour.et La circonscription de l’Isère fait partie de la deuxième catégorie et Olivier Véran, du Parti socialiste, mène une campagne à droite.
Pour rallier les électeurs LR, il évoque spontanément les questions de sécurité et agite un épouvantail en évoquant son concurrent LFI, Hugo Prévost. Il est présenté comme un « mini-Louis Boyard », du nom du député LFI qui multiplie les polémiques, un candidat parachuté comptant davantage sur la photo de Jean-Luc Mélenchon que sur le sien pour se faire élire. L’intéressé n’est pas en reste. Sur le terrain, il a reçu la visite de Manuel Bompard, le coordinateur LFI, et ne manque pas de publier des vidéos de soutien sur les réseaux sociaux, comme celle de l’ancienne ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem.
Elu ou défait, Olivier Véran semble avoir tourné une page politique, celle du macronisme. « Il va falloir tous édulcorer notre vin. La situation est très grave aujourd’hui donc une coalition peut fonctionner », estime-t-il, se déclarant « prêt » à travailler avec ses anciens camarades socialistes. Mais pas avec LFI.
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