Elections législatives 2024 : comment faire campagne à gauche sans candidat à Matignon ?
La gauche s’est-elle tendu un piège ? À tout le moins, elle ne s’est pas facilité la tâche pour mener une guerre éclair dans un V.e République hyperpersonnalisée. Le Nouveau Front populaire (NFP) a fait un choix, dans la précipitation et faute de candidat naturel. Ou plutôt un non-choix : reporter la nomination du futur premier ministre au-delà du 7 juillet en cas de victoire. C’est la majorité potentielle qui décidera.
Fin du débat ? Au contraire. Cette épineuse question obsède les médias, qui ne manquent jamais une occasion de creuser la zizanie. Pour mener la bataille des législatives anticipées, le Rassemblement national (RN) compte sur Jordan Bardella, la Macronie sur Gabriel Attal et la gauche leur oppose… « collectif », nous répétons dans les différents états-majors. Comme pour lever l’interdiction.
Mais « la nature a horreur du vide », dit l’antienne. Un vide que certains cherchent à combler avec plus ou moins d’insistance. Quitte à risquer parfois de fragiliser le collectif. Ce week-end aura été le dernier – mais probablement pas le dernier – épisode en date d’une série qui dure déjà depuis dix jours.
Hormis la France insoumise, personne ne veut rejouer la musique de 2022 sur l’air de « Mélenchon premier ministre »
Sur France 5, samedi 22 juin, Jean-Luc Mélenchon a réaffirmé qu’il était » Bien sûr « prêt à entrer à Matignon : « Je ne m’élimine pas et je ne m’impose pas. » Avant d’ajouter avoir « l’intention de gouverner le pays ». Il n’en fallait pas plus pour que la polémique s’installe. François Hollande, ancien président de la République et candidat PS en Corrèze, lui demande alors de » se taire « et de « se mettre à l’écart » parce que, « Quand il y a tant de rejets, il faut avoir le sens de l’intérêt général. »
« L’idée de nommer Jean-Luc Mélenchon comme Premier ministre, qu’il alimente lui-même, n’a jamais fait l’objet d’un accord entre les forces du Front populaire », a écrit Fabien Roussel, secrétaire national du PCF et candidat dans le Nord.
L’obstination du triple candidat insoumis à la présidentielle et de sa garde rapprochée à rester dans le match pour Matignon, c’est aussi l’affaire des macronistes et de l’extrême droite. Ravis que cette personnalité puisse faire repoussoir à une partie de l’électorat, Gabriel Attal comme Marine Le Pen répètent à l’envi que le Premier ministre de gauche « sera Jean-Luc Mélenchon ».
Et ce, même si le premier secrétaire du PS Olivier Faure assure que non et que son homologue écologiste Marine Tondelier affirme qu’elle « rappelez-vous qu’il ne s’imposera pas ». Car, à part la France insoumise, personne n’a envie de rejouer la musique de 2022 au rythme de « Mélenchon premier ministre », même si le politologue Vincent Martigny affirme que cela avait « très utile à la dynamique » des Nupés. Mais 2024 n’est pas 2022. « Les électeurs ont besoin de clarté et d’être rassurés sur le fait que ce ne sera pas lui » glisse un socialiste dans la campagne.
Le PFN fait « le choix d’une incarnation diversifiée, multiple, avec un accord sur le programme »
Jean-Luc Mélenchon est cependant loin d’être le seul à s’être ainsi manifesté pour Matignon. La liste est longue. Dès le 10 juin, au tout début des négociations du PFN, Raphaël Glucksmann (Place publique) avait suscité des tensions en lançant le nom de l’ancien numéro 1 de la CFDT Laurent Berger, sans exclure le sien.
Plus tard dans la semaine, François Ruffin (Picardie Debout) et Fabien Roussel ont également déclaré « capable » pour remplir la fonction. Tout comme l’insoumise Clémentine Autain. Circulent également les profils des socialistes Boris Vallaud, Valérie Rabault, Carole Delga, de l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot ou encore des membres de la direction de FI comme Mathilde Panot, Manuel Bompard et Clémence Guetté.
«La discussion sur l’identité du Premier ministre est prématurée. Son profil dépendra de la majorité dont nous disposons. Nous choisissons une incarnation diversifiée, multiple, avec un accord sur le programme », » coupe court Ian Brossat, porte-parole du PCF.
Pour affronter les autres premiers ministres putatifs Jordan Bardella et Gabriel Attal ou leurs envoyés, les dirigeants des quatre principaux partis du PFN se sont répartis les différents débats : Manuel Bompard (TF1), Olivier Faure (France 2), Marine Tondelier (BFMTV) et Fabien. Roussel (CNews).
Sur le terrain, plusieurs candidats assurent que l’incertitude sur l’identité du futur locataire de Matignon n’est pas forcément un obstacle. « Les gens savent qu’ils votent d’abord pour un député et surtout pour un programme. Le collectif est un avantage », affirme Noé Gauchard, un insoumis qui affronte l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne dans le Calvados. « Les Français en ont marre de l’hyper-présidentialisation, renchérit l’écologiste Sandra Regol, en campagne à Strasbourg. Nous faisons pression pour un VIe République parlementaire. C’est donc cohérent. »
Face à l’extrême droite, ne lâchez rien !
C’est étape par étape, argument contre argument, qu’il faut combattre l’extrême droite. C’est ce que nous essayons de faire chaque jour dans l’Humanité.
Face aux attaques incessantes des racistes et des fauteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, apportons une autre voix à ce débat public de plus en plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.