Chemise blanche immaculée, baskets assorties et lunettes de soleil à verres fumés. Les Hongrois ont appris à reconnaître instantanément le look raffiné de Peter Magyar, le nouvel adversaire du Premier ministre Viktor Orban. A Eger, cet après-midi de fin mai, ils sont venus en masse le voir. L’ancien avocat et haut fonctionnaire de 43 ans, devenu célèbre en un temps record, déambule parmi ses partisans dans les rues piétonnes de cette charmante ville de 50 000 habitants, à 150 km à l’est de Budapest.
Micro à la main, il prend la parole pour saluer la foule, s’arrête pour déguster un verre de vin rouge régional, accepte des dizaines de selfies avec des supporters de tous âges. Il semble toujours plein d’énergie même si Eger est sa quatrième étape de la journée. Le nouveau « beau mec » de la politique hongroise a déjà voyagé dans plus de 150 villes et villages depuis le début de la campagne électorale en avril, attirant à chaque fois des foules de curieux.
20% dans les sondages
Peter Magyar était encore totalement inconnu de ses compatriotes en ce début d’année. Il est entré en politique en février, lorsqu’une affaire de grâce accordée à un agresseur d’enfants proche des milieux gouvernementaux a éclaboussé l’entourage de Viktor Orban. Ce scandale a entraîné la démission du président de la République et celle de la ministre de la Justice, Judit Varga, qui est également l’ex-épouse de… Peter Magyar.
Depuis, Magyar use de son charisme pour dénoncer la corruption du Fidesz, le parti qui règne en maître sur la Hongrie depuis quatorze ans. Les derniers sondages donnent plus de 20% des voix, parfois plus de 25%, à Tisza, le parti politique qu’il a repris.
« Même ma grand-mère votera pour lui ! »
« Je suis déjà sûr que je voterai pour lui mais je voulais le voir en personne », explique Zsombor, 19 ans, qui votera pour la première fois dimanche aux élections européennes et municipales. Rasé de près, raie sur le côté, chemise impeccablement repassée, le jeune étudiant se définit comme « chrétien et conservateur ».
Sans l’émergence de Peter Magyar, il aurait voté pour le Fidesz de Viktor Orban, « jamais pour l’opposition de gauche ». « Beaucoup de gens autour de moi qui ont toujours voté pour le Fidesz voteront cette fois-ci pour le Magyar », assure son ami Adam, également âgé de 19 ans. Même ma grand-mère, ça veut dire quelque chose ! »
« Il faut lui donner une chance »
Contrairement à ces deux jeunes qui se disent « de droite », Maria a toujours voté à gauche jusqu’à présent. Ce cadre supérieur de 35 ans qui travaille dans une entreprise américaine soutient également Peter Magyar. « Il est clairement de droite, mais il faut lui laisser sa chance », explique-t-elle. L’opposition de gauche n’a jamais réussi à contester le pouvoir d’Orban. L’important est de mettre fin au règne du Fidesz. »
Les élections de dimanche ne changeront rien dans l’immédiat, mais les Hongrois se tournent déjà vers les élections législatives de 2026. « Peter Magyar a deux ans pour se préparer », note Zsombor. Dans l’immédiat, il faut « envoyer un message fort » en lui donnant le plus de voix possible, selon lui.
Ramener les fonds bloqués à Bruxelles
Bronzé par les voyages à travers le pays au soleil, Peter Magyar arrive sur la place principale où l’attendent plusieurs milliers de sympathisants venus écouter son discours au pied de l’église baroque d’Eger. Plusieurs dizaines d’entre eux brandissent des drapeaux hongrois, mais aucun drapeau européen n’est visible dans la foule. « Nous voulons changer notre relation avec l’Union européenne, elle doit être plus constructive », explique Peter Magyar aux « Echos ». Nous voulons ramener chez nous les fonds européens bloqués à Bruxelles, ils sont cruciaux pour les Hongrois. »
Le nouvel opposant veut tourner la page du conflit qui oppose Budapest à la Commission européenne en raison d’atteintes à l’Etat de droit en Hongrie, différend qui a abouti au gel de dizaines de milliards de fonds européens. Il reste toutefois prudent dans son discours, conscient que les électeurs qu’il souhaite conquérir au Fidesz sont loin d’être des europhiles. « Nous resterons critiques envers Bruxelles », promet-il, dénonçant la « bureaucratie » européenne. Pas question de défendre un « fédéralisme » qui orienterait les Vingt-Sept vers « les Etats-Unis d’Europe », selon lui.