Education : les 10 points clés du rapport qui met sous pression l’école privée
Les députés Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance) défendent des propositions communes sur le financement public des établissements privés, mais divergent parfois sur les solutions. Tour d’horizon, en 10 points, des 55 mesures de leur rapport.
1. Un contrôle financier plus systématique
Les deux députés cherchent à mieux contrôler les établissements privés sous contrat. Ils souhaitent aller plus loin que l’obligation actuelle de transmission des comptes de résultats, et l’étendre à d’autres documents, pour assurer la traçabilité des recettes et des dépenses. Au rythme actuel (5 contrôles par an pour 7.500 établissements), la fréquence de contrôle d’un établissement privé est d’une fois tous les 1.500 ans, déplorent les deux députés, contre dix fois plus dans le public.
2. Bercy à la rescousse
Pour mieux contrôler, davantage de ressources sont nécessaires. Les députés font appel aux directions départementales des finances publiques et réclament une augmentation du nombre de commissaires aux comptes. Un contrôle renforcé doit également être effectué avec l’appui des recteurs, qui seraient obligés de transmettre chaque année à ces directions départementales une liste des établissements privés sous contrat à auditer en priorité. Les recteurs devraient suspendre les paiements en cas de manquements graves – ce qui nécessite de modifier la loi.
Les parlementaires réfléchissent également à imposer aux établissements privés sous contrat de tenir une comptabilité analytique. Parmi les financements privés, 8,2 milliards d’euros correspondent aux dépenses de l’État et 1,8 milliard à celles des collectivités. Mais les collectivités « financent parfois sans savoir si l’objet de leur financement atteint effectivement les missions qu’elles souhaitent financer », selon Christopher Weissberg.
3. Un contrôle pédagogique à refaire
Les députés déplorent les pratiques de certains établissements qui dispensent des cours de 50 minutes (au lieu de 55 minutes) et peuvent ainsi libérer du temps pour faire autre chose. Si ce temps est utilisé pour proposer une option attractive pour l’établissement, ou s’il est utilisé pour des cours de catéchisme, il s’agit d’un détournement de fonds, préviennent les députés, tout en soulignant que l’ampleur de ces dérives est difficile à mesurer.
D’où la proposition consistant à demander aux établissements concernés d’adresser au rectorat un dossier détaillé pour vérifier que chaque étudiant dispose du nombre d’heures auquel il a droit.
4. Mieux contrôler la formation des enseignants
L’absence de contrôle pédagogique de la part des inspecteurs de l’Education nationale pèse également sur le contenu de la formation des enseignants privés, financée sur fonds publics, selon les co-rapporteurs. Dans le collimateur des députés, l’organisme privé de formation Formiris est considérée comme une « boîte noire », voire une « pompe à argent ».
5. Mieux informer les familles
L’ancien ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye a conclu un protocole en mai dernier avec le secrétaire général de l’Éducation catholique, Philippe Delorme. Cela fournit une plate-forme de données pour les familles. Le rapport suggère de l’enrichir en y incluant des informations sur les modalités de sélection des étudiants et le taux de poursuite des études au sein de l’établissement.
6. Pour une autre répartition des ressources
Pap Ndiaye avait prévu que 30% des ressources allouées par l’Etat seraient destinées aux établissements privés les plus mixés socialement, et qui présentaient les indices de positionnement social les plus faibles. Le protocole est facultatif et limité, note Christopher Weissberg, qui propose que cette mesure devienne obligatoire et soit inscrite dans les textes réglementaires.
Paul Vannier réclame un « malus » qui réduirait la mise à disposition de ressources pédagogiques aux établissements privés sous contrat ayant les indices de positionnement social les plus élevés.
7. Une revue des contrats
Les établissements et rectorats n’ont parfois plus aucune trace du contrat signé il y a cinquante ans. Les rapporteurs proposent d’établir de nouveaux documents qui seraient des contrats d’objectifs, de moyens et de performance complémentaire, signés tous les trois à quatre ans, et qui comporteraient par exemple des engagements en matière de diversité sociale et éducative.
8. Un index pour encadrer le recrutement des étudiants
Pour recruter des étudiants dans des établissements où la demande est supérieure à l’offre, Christopher Weissberg suggère, comme en Belgique, d’établir un index basé sur des critères géographiques, pédagogiques et sociaux pour classer les demandes.
Les députés regrettent que certains établissements exigent des informations sur la religion des étudiants, voire un acte de baptême.
9. Rendre plus compliquée l’expulsion des étudiants
Les parlementaires pointent du doigt les établissements qui excluent les étudiants en difficulté afin d’obtenir de meilleurs résultats. Paul Vannier préconise une sanction financière de 10 000 euros par étudiant évincé, que l’établissement devrait rembourser à l’Etat.
Christopher Weissberg entend soumettre tout refus de réinscription d’un élève en cours de cycle à l’autorisation du recteur.
10. Revoir les échanges entre l’enseignement privé et l’État
Pour Paul Vannier, la loi Debré de 1959 ne reconnaît que les établissements qui doivent passer des contrats avec l’État, et non le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC) désigné par la Conférence des évêques de France. La contractualisation doit se faire au niveau de chaque établissement, fait valoir le député LFI. Le SGEC sert à simplifier le dialogue, estime au contraire Christopher Weissberg qui entend donner une base légale aux réseaux d’enseignement privé (catholique, juif, musulman, etc.).