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Edouard Louis se met en quatre pour sa mère

Edouard Louis se met en quatre pour sa mère
L'écrivain Edouard Louis.

« Monique s’échappe », d’Edouard Louis, Seuil, 180 p., 18 €, numérique 14 €.

Edouard Louis venait de renvoyer à son éditeur les épreuves de Combats et métamorphoses d’une femme (Seuil, 2021) lorsqu’il reçoit un appel de sa mère, Monique. Cette dernière, dont le manuscrit récemment achevé retrace son émancipation, confie à son fils que l’homme avec qui elle vivait l’humiliait et l’insultait, comme l’avaient fait ses précédents compagnons.

Aussitôt, Edouard Louis, qui était en résidence d’écriture à Athènes, exhorte sa mère à partir au plus vite. Le lendemain, il l’aide à organiser sa fuite, met à sa disposition son appartement parisien, lui commande des taxis et des repas et consulte sa sœur pour préparer la suite. On n’avait plus le temps de modifier le texte sur le point d’être publié. Ainsi est paru en avril 2021 un livre dont les dernières pages laissent Monique à l’aube d’un avenir radieux, alors même que son protagoniste s’affaire à mener un nouveau combat, traversant une métamorphose supplémentaire.

C’est maintenant le sujet d’un autre livre. Monique s’échappe s’ouvre sur l’appel téléphonique nocturne de l’héroïne à son fils. Qui, retraçant la fuite de sa mère, n’écrit rien de la dissonance entre ce qui se passait dans la vie et ce que racontait alors son livre. Interrogé à ce sujet par « Le Monde des livres », Edouard Louis explique qu’il avait commencé par l’évoquer, puis abandonné, car il « couper l’élan » du texte qu’il espérait« un souffle »et parce que cela semblait le placer lui et ses préoccupations d’auteur au centre, alors qu’il voulait y placer sa mère unique,  » servir «  de lui et de son histoire.

Phrases conjonctives

C’est d’ailleurs elle qui lui a proposé de donner suite à Combats et métamorphoses d’une femme : « J’ai encore beaucoup changé. Il faudra l’écrire un jour ! » Monique s’échappe se revendique ainsi comme un texte que l’on pourrait qualifier de commandé. Mais il n’y a aucun doute : en matière d’écriture, celui qui tient les commandes est bien Edouard Louis. Il reconnaît la singularité de la personnalité et de l’histoire de Monique tout en continuant, inlassablement, de mettre en lumière le système de domination de classe et de genre dans lequel cette dernière s’inscrit.

Ennemi déclaré de l’implicite qui pourrait servir à jeter un modeste voile sur la logique de la violence au travail, il recourt volontiers à des expressions conjonctives : le texte regorge de « parce que », « depuis », « donc », manière d’aplatir l’enchaînement d’événements et de circonstances qui mènent ou renouvellent l’oppression – comme lorsque la vie en concubinage prive Monique de l’aide sociale et la rend dépendante de l’homme avec qui elle vit.

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