Nous l’appelons Eurovision, et c’est un bon nom : c’est la vision de l’Europe. Une allégorie musicale de ce que nous sommes devenus.
Ce sont ses contours toujours plus larges qui le transforment en Mondiovision : en 1956, lors de la première édition, il y avait sept pays, exclusivement du continent européen. Depuis, elle n’a cessé de s’étendre : Israël, le Maroc, l’Azerbaïdjan, la Turquie ou encore l’Australie.
Là est son héritage méprisé : cet indicatif légendaire, prélude à Te Deum de Charpentier, l’alpha de son esthétique musicale. Le contraste est frappant avec le contenu médiocre de l’émission télévisée elle-même. On espère avoir atteint les oméga, mais il n’est pas sûr que la descente ne se poursuive pas un peu plus loin.
Il y a ses mantras sous forme de vœux pieux auxquels tout le monde fait semblant de croire : « Unis par la musique » sonne aussi creux que « vivre ensemble ». Tellement unie que la candidate israélienne a été huée sans que les organisateurs puissent l’aider. Nous sommes bombardés par l’Europe de la paix, mais ses dirigeants n’ont fait que créer les conditions d’une guerre. Et l’antisémitisme, contre lequel ils se targuent de lutter depuis des décennies, prospère sous leurs yeux écarquillés comme des lapins paralysés par les phares. Evidemment, ils ont vu le danger arriver dans la mauvaise direction, ils sont surpris.
Tout est réglé, n’en parlons plus : le vainqueur est neutre. Nemo est suisse, et non binaire en plus : qui pourrait dire mieux ? Il ne veut choisir aucun camp, pas même celui annoncé par la sage-femme à sa mère à sa naissance. Lui d’ailleurs est arrivé sur scène avec un drapeau aux couleurs jaune, blanc, violet et noir, celui des personnes non binaires, comme s’il s’agissait de sa nouvelle patrie. Sortie la croix blanche sur fond rouge. Les personnes « non-cis » sont décidément populaires : en 2014, la drag queen Conchita Wurst – ne l’appelez pas par son « morinom » Thomas Neuwirth, ce serait se tromper sur son genre – a remporté l’Eurovision au nom de l’Autriche, 16 ans après la trans israélienne Dana. International. Selon une note de la Haute autorité de santé datant de septembre 2022, l’estimation de la population transgenre dépend de la « méthode » et de la « définition ». En fait, ceux-ci sont fluctuants et élastiques : n’oublions pas que Jeanne d’Arc, célébrée ces jours-ci, s’est enrôlée à contrecœur. Parce qu’elle portait une armure, avait les cheveux courts et menait une armée victorieuse au combat, ne pouvait-elle pas être une femme ? Une analyse très misogyne et truffée de stéréotypes sexistes… Mais cette étude officielle estime néanmoins : « la prévalence moyenne des transgenres à 355 pour 100 000 personnes ». Un bref calcul permet de conclure que, toutes choses égales par ailleurs, ils ne devraient statistiquement remporter l’Eurovision que tous les trois siècles environ. Pourtant, trois d’entre eux sont arrivés sur le podium depuis 1998. Comme dirait Jean-Michel Aphatie, surprenant non ? Sans compter le nombre de candidats « trans » en sélection. De deux choses l’une : soit les personnes trans sont intrinsèquement dotées d’une voix mélodieuse et d’un talent artistique particulièrement développé, soit le jury a un « léger » parti pris LGBTQI+. Israël a commis une erreur stratégique : il aurait dû ramener Dana International, provoquant ainsi un court-circuit immédiat dans les cerveaux islamo-wokistes. Rappelons qu’à partir du 11 octobre 2023 (quatre jours après le massacre du 7), au Club Mediapart, un communiqué du collectif les inverti·e·s intitulé « Les trans, les pédés et les gouines soutiennent la Palestine ! » expliqué « que la libération des LGBT+ passe par la libération du peuple palestinien » (sic). Les trans palestiniens seraient, pour ainsi dire, à les lire, un oxymore. Reste à savoir quelle est l’opinion du Hamas sur ce sujet.
Les candidats rivalisent de marques de vertu extérieures pour ce concours de roseraie Wokist. Ainsi Bambie Thug, la candidate irlandaise, également non binaire, se qualifie de « la sorcière » dans les médias mais se décrit plutôt comme une « popstar queer et goth ». La très catholique Maureen, mariée à Sean Kelly dans l’église Granite Lakes du Connemara, doit se retourner dans sa tombe.
Pourquoi personne n’ose-t-il dire que l’Eurovision est une supercherie artistique vulgaire, idéologique et grotesque ? Car seuls les enfants voient que le roi est nu, et l’Europe n’en a plus. La dernière fois que la France a remporté l’Eurovision, c’était en 1977, avec L’oiseau et l’enfant, de Marie Myriam. L’enfant, comme nous l’avons dit, a disparu. Quant à « l’oiseau », si le prétexte de sa protection permet d’agacer les agriculteurs aux racines suspectes, il sera aussi bientôt relâché : il se nourrit de vers de terre et de moucherons, ce qui n’est pas très antispéciste.
Reste encore un pigeon : le téléspectateur français qui finance cette absurdité. Rappelons que la France est fière de faire partie des « Big Five » de l’Eurovision, c’est-à-dire les cinq plus grands contributeurs financiers de l’Union européenne de radiodiffusion.