Ébranlé, le Hezbollah étudie les différentes options de réponse
Au Liban, et dans les rangs du Hezbollah, le choc est immense après les attaques simultanées survenues mardi 17 septembre, puis le lendemain avec de nouvelles explosions de talkies-walkies survenues lors des funérailles de victimes. Le bilan est sombre, les blessures des victimes, pour beaucoup défigurées, sont graves, allant des mains déchiquetées – nécessitant une amputation – à de graves blessures aux yeux, parfois à des lésions cérébrales. Pour le puissant mouvement, cette attaque inédite, sans qu’une seule balle n’ait été tirée, sonne comme une énorme gifle.
En touchant près de 3 000 personnes, qui ne sont pas toutes des combattants mais aussi des employés administratifs et des dirigeants du mouvement, l’opération a frappé la structure du parti en son cœur.
« C’est un coup dur pour le Hezbollah, sur le plan humain, militaire, organisationnel et technique, mais surtout sur le plan moral et de prestige, alors que la machine de guerre israélienne se déchaîne. »souligne Joseph Bahout, directeur de l’Institut Issam Fares de l’Université américaine de Beyrouth. « Cette opération extrêmement bien planifiée et exécutée constitue une énorme pénétration de la sécurité du Hezbollah, elle l’affaiblit sur le plan organisationnel, comme une sorte de mini-décapitation générale. »
Une attaque « catastrophique », affirme l’analyste de Tripoli, Khaldoun Charif, qui estime que le Hezbollah « il faudra du temps, une semaine ou plus, pour se réorganiser »Avec une question cruciale : comment communiquer désormais entre eux ? Peu après l’ouverture de son « front de soutien » dans la bande de Gaza le 8 octobre 2023, et face à la multiplication des assassinats ciblés de hauts responsables par Israël, le Hezbollah avait ordonné à ses militants de ne plus utiliser leurs téléphones, trop facilement traçables, au profit de bipeurs.
Une réponse pour ne pas perdre en crédibilité
Le mouvement devra « se réorganiser au niveau technique, logistique et militaire d’abord, et il faut voir comment ils vont encaisser le coup politiquement, d’autant que l’Iran est impliqué depuis que son ambassadeur au Liban a été blessé et l’affaire Haniyeh (le chef du Hamas assassiné le 31 juillet, NDLR) n’a pas été réglé »souligne Joseph Bahout, qui ne croit pas que cette attaque change la stratégie du Hezbollah.
« Ce sont des spéculations, mais ce qui pourrait être inquiétant pour l’avenir, politiquement, c’est que le parti risque de devenir beaucoup plus paranoïaque, méfiant et agressif, il verra des ennemis partout, se sentira comme des animaux traqués. Cela risque d’accentuer les tensions internes. »il a peur.
La classe politique, très divisée sur le front du soutien engagé par le Hezbollah, a mis ses critiques en veilleuse, la plupart des dirigeants du parti prônant l’unité du pays face à l’ennemi israélien. Une façade de solidarité qui pourrait disparaître en fonction de la réponse, vue comme inévitable au vu de l’ampleur de l’affront.
Reste à savoir quelle sera sa nature. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui doit s’exprimer jeudi, doit résoudre une équation complexe : restaurer sa capacité de dissuasion, endommagée, sans engager le Liban dans une guerre dévastatrice. « Nous n’avons pas l’intention de déclencher une guerre, mais notre réponse augmentera en intensité si Israël étend son agression. »a prévenu le numéro deux du parti, Naïm Qassem, le 14 septembre.
« Le Hezbollah doit réagir s’il ne veut pas perdre sa crédibilité auprès de sa communauté. Mais si la réponse est minime, elle ne servira à rien car Israël continuera d’attaquer. Et si elle est importante, le Liban sera rasé. »Khaldoun Charif pèse le pour et le contre. Le mouvement, qui a jusqu’ici privilégié les objectifs militaires israéliens, pourra-t-il, après ce coup de tonnerre, maintenir cette stratégie face à la colère de sa base populaire ? « Frapper des sites militaires ou bombarder Haïfa ne rétablira pas l’équilibre de la dissuasion », observe Joseph Bahout, qui estime que le mouvement chiite est « plus ou moins contraint de répondre par une attaque similaire, par exemple en pénétrant les réseaux cybernétiques israéliens. »
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