Philippe Folgado // Crédit photo : PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP
La situation économique en France n’incite pas vraiment à l’optimisme. Le déficit public pourrait dépasser 6% du PIB alors que la dette de la France s’élève à 3 228 milliards d’euros – soit 112% du PIB – à la fin du deuxième trimestre de l’année. Une situation qui impose au gouvernement de Michel Barnier de prendre des mesures fortes pour redresser la situation.
Un pays d’Europe a déjà connu une telle situation économique. En 2008, le Portugal a subi de plein fouet la crise financière mondiale. Le pays a un déficit de 20 milliards d’euros et doit agir de toute urgence pour éviter la faillite. Aujourd’hui, le Portugal dispose d’un excédent budgétaire de 3 milliards d’euros. Mais comment le Portugal est-il parvenu à cette situation ?
Une politique d’austérité
Le Portugal a été durement touché par la crise de la dette souveraine au début des années 2010. Le pays était l’un des plus endettés de l’Union européenne, avec une dette équivalente à 130 % du PIB et son déficit atteignait 11,4 % en 2010. En 2011, pour éviter la faillite, le gouvernement de l’époque, dirigé par le socialiste José Sócrates , a décidé de demander l’aide du FMI et de l’UE. Le pays obtient un prêt de 78 milliards d’euros dans le cadre d’un programme d’aide financière sur trois ans avec pour objectif « une réduction plus progressive du déficit ».
Mais le Parlement rejette les mesures d’austérité proposées par le gouvernement socialiste, entraînant la démission de José Sócrates. C’est le Parti social-démocrate qui remporte les élections législatives et Pedro Passos Coelho arrive au pouvoir. Le nouveau Premier ministre engage son pays dans plusieurs plans d’austérité et de réduction du déficit. Les salaires sont réduits ainsi que les pensions de retraite. Les impôts augmentent, comme la TVA qui passe à 23%, les aides publiques sont réduites, les allocations chômage sont réduites et l’âge de la retraite est relevé à 66 ans et 4 mois. Les fonctionnaires sont également appelés à cotiser : leurs 13e et 14e mois sont supprimés, les salaires sont gelés, un retraité sur deux n’est pas remplacé.
Le gouvernement a également mis en place une politique pour attirer les investisseurs étrangers, notamment avec le « golden visa ». Depuis 2012, une carte de résident est accordée à ceux qui investissent au moins un million d’euros dans l’économie portugaise ou qui achètent un bien immobilier pour plus de 500 000 euros. Le Portugal attire également de nombreux retraités grâce à des exonérations fiscales pendant 10 ans, à condition qu’ils vivent au moins la moitié de l’année dans le pays.
Le « miracle » économique portugais
Des mesures fortes qui ont porté leurs fruits. Sous les mandats du Premier ministre socialiste Antonio Costa (2015-2024), le Portugal est passé d’un déficit de 11% à un excédent budgétaire de 1,2% en 2024. La dette du pays avoisine 100% du PIB, selon les chiffres de la Banque de Portugal. La croissance du pays devrait, comme en 2023, dépasser les 2 %. La politique du Golden Visa a permis d’attirer un grand nombre d’investisseurs. Depuis 2012, près de 12 000 visas dorés ont été accordés pour un investissement total de 6,7 milliards d’euros dans le pays, selon le Service des étrangers et des frontières (SEF).
Du point de vue de l’emploi, le taux de chômage est passé de 16,5% à 6,1% en 2024, soit 10 points de moins en 10 ans, selon l’Institut national portugais de la statistique. Le pays est devenu attractif pour les grandes entreprises à la recherche d’une main d’œuvre qualifiée et bon marché. Le tourisme joue également un rôle essentiel dans l’économie du pays. Plus de 30 millions de touristes sont venus découvrir les plages de l’Algarve ou les richesses du nord du pays. Le tourisme qui a rapporté 25 milliards d’euros de recettes en 2023, toujours selon l’Institut national de la statistique.
Mais d’un autre côté, de nombreux Portugais connaissent des difficultés financières. Un quart de la population bénéficie du salaire minimum de 820 euros sur 14 mois en 2024 et 2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. L’Institut national de la statistique estime que 251 000 Portugais occupent deux ou trois emplois pour joindre les deux bouts. Et il devient difficile pour eux de trouver un logement, notamment dans les grandes villes, comme Lisbonne, où le loyer moyen a augmenté de 50 % entre 2021 et 2022. Les investissements publics dans le pays restent faibles, seulement 6,7 milliards d’euros. , qui ne représente que 2,1 % du PIB en 2023, selon un rapport de l’OCDE.
Tout cela fait monter la colère de la population. Plusieurs grèves ont eu lieu dans la fonction publique ces derniers mois pour réclamer des augmentations de salaires, comme dans les hôpitaux, les tribunaux ou les écoles. Pour répondre à cette protestation, le gouvernement de Luís Monténégro a signé avec les employeurs et certains syndicats pour atteindre 870 euros par mois sur 14 mois, soit 1 015 euros sur 12 mois.