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du rêve du Grand Soir au cauchemar de la canaille

du rêve du Grand Soir au cauchemar de la canaille

N’oublie rien

de Jean-Pierre Martin

Éditions de l’Olivier – 192 p. – 18,50€

En 1970, après deux années passées en garde à vue à Saint-Nazaire, Jean-Pierre Martin est incarcéré. Répertorié comme militant de la Gauche prolétarienne, clandestin irrégulier en cavale, il est pourchassé par la RG et la DST. Etudiant en philosophie, « installé » dans une usine pour partager les conditions de travail et préparer la révolution, il vagabonde d’une planque à l’autre. Et la nuit, bombe sur les murs : « Patrons, c’est la guerre. » Il rêve de soulèvements populaires et se retrouve au gnouf, à 22 ans.

Menacé du bain et du gégène par un commissaire, ancien algérien, il finit au mitard, régime carcéral réservé aux esprits forts. Enfermé « en isolement » dans une cellule sans lumière – à peine celle du jour –, cohabitant avec des rats et des cafards, il a pour ainsi dire tout le temps de faire le point, ne serait-ce que pour briser son carcan de solitude. De l’extérieur, des échos de la vie lui parviennent : les cloches des églises, les sirènes des usines, les cornes de brume des bateaux, les cris des enfants de l’école voisine.

« Nous ne dormons pas vraiment. Nous tuons le temps. Nous faisons le mort. Nous sommes prisonniers d’une durée recluse et divisée. On rêve, on pense, on rêve, on rumine malgré soi, on s’abrutit de fantasmes. note Jean-Pierre Martin. La seule issue sera le transport au tribunal. Mais le spectacle de la rue aperçu depuis le panier de salades est désastreux pour le moral.

Chronique d’un emprisonnement

Une fatalité, son procès est précipité, sous les yeux accablés de ses parents modestes, modèle de droiture, accrochés à l’ascenseur social, et la sanction aggravée par sa diatribe politique, face à des juges peu sensibles à son un lyrisme exalté. . Petit à petit, Jean-Pierre Martin développe une compassion pour les gardiens, « des vies étranges, des vies de clés et de serrures ». Il accepte d’obtenir son diplôme universitaire qui lui assurera une réduction de peine. « Le Grand Dehors vous prend dans ses bras », » a-t-il écrit lorsqu’il a été libéré après 61 jours de prison.

Cette chronique d’un temps en prison, réflexion sur l’isolement et carnet de bord d’une dure traversée solitaire sans horizon, acide sur la révolte, empathique pour les autres prisonniers, se démarque par une forme d’élégance dans le style. Un demi-siècle plus tard, auteur d’une vingtaine de romans et d’essais, Jean-Pierre Martin n’abandonne pas le fond du sujet : sa rage contre l’injustice sociale et la persistance des inégalités, entretenues par un capitalisme agressif.

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