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Du plateau de TF1 à l’exclusion d’Éric Ciotti, comment LR est devenu le nouveau parti du désordre

La folle journée vécue par « Les Républicains », ce mercredi, pourrait faire rire si elle ne profitait pas autant au RN. Ce mercredi, le président de LR, Éric Ciotti, est allé jusqu’à s’enfermer au siège national de son parti, certains cadres promettant même de « le déloger physiquement ». La veille, il avait annoncé, sans consulter les instances de son parti, un accord avec l’extrême droite pour les élections législatives – dernière étape d’une lente dérive vers le lépénisme, amorcée sous les années Sarkozy.

Ce coup de poker a conduit la secrétaire générale de LR, Annie Genevard, à convoquer dans la matinée un bureau politique. Réponse de l’intéressé, barricadé chez lui : « La convocation ne répond pas aux exigences légales de nos statuts. » Le bureau politique s’est donc bien réuni dans l’après-midi… mais au Musée social, non loin du siège. Sans surprise, il a exclu du parti Éric Ciotti, même si ce dernier prétend suite à cette décision « rester président ». En flirtant avec l’extrême droite, « Les Républicains » sont devenus le parti du désordre.

« On sait désormais qu’en juin 1940 Éric Ciotti n’aurait jamais traversé la Manche »

Le président du RN Jordan Bardella avait fait savoir, la veille, que  » Plusieurs dizaines «  des députés LR sortants seraient « soutenu par le RN » lors des élections législatives. Eric Ciotti affirme n’avoir pas d’autre choix, jugeant son parti  » trop faible «  après les élections européennes, où la liste de François-Xavier Bellamy n’a obtenu que 7,25% des voix. « Il nous faut une alliance, tout en restant nous-mêmes, (…) avec le Rassemblement national et ses candidats », a-t-il déclaré sur TF1.

Mais Éric Ciotti semble aussi animé par la peur de l’arrivée de la gauche au pouvoir. Attisant la peur du rouge, l’ancien leader de la droite exhorte « l’union des républicains et des patriotes face au danger de l’extrême gauche », parce que « La menace du « front populaire » s’accroît désormais avec l’élargissement au Nouveau Parti Anticapitaliste ».

Assiste-t-on pour autant à un réveil antifasciste au sein du parti gaulliste ? Certains, comme Julien Dive, député LR, lundi, ont bien pris la métaphore des années noires du siècle dernier : « On sait désormais qu’en juin 1940 Éric Ciotti n’aurait jamais traversé la Manche. »

Pour d’autres, la critique est d’un tout autre registre. Il n’y a qu’à écouter l’argumentaire déployé par les adversaires d’Eric Ciotti, qui attaquent le RN essentiellement sur sa politique économique, et non sur son caractère antidémocratique. « Je ne méprise pas les électeurs RN. Je considère qu’il a fait un score qui l’établit dans le pays. Il est absurde de le nier, a reconnu Annie Genevard sur BFM. Mais je ne partage pas les options du Rassemblement national en matière économique et sociale. »

Même ton de la part de Jean-François Copé sur France Info : « Nous n’avons rien de commun avec l’extrême droite (…). Le programme économique du Rassemblement National est un programme de gauche. Ils ne veulent faire aucune des réformes que nous préconisons, que ce soit sur la baisse des impôts, la modernisation de l’Etat, les retraites… Nous ne sommes d’accord sur rien ! « , s’en prend au maire de Meaux, favorable à un rapprochement avec la Macronie.

Interrogé sur les valeurs, il dénonce non pas la politique xénophobe du RN mais son caractère « populiste ». « Mélenchon-Le Pen même combat, ce sont des partis dont le seul but est de déstabiliser les institutions à leur profit », il résume. Macron dans le texte.

Une longue dérive vers l’extrême droite

En vérité, sur les questions d’immigration, d’écologie, de morale, ce qui reste de la famille gaulliste s’est longtemps retrouvé derrière les idées et les voix de l’ancien Front National. Dès 1983, la liste RPR-UDF comptait quatre représentants de ce parti lors d’une élection municipale partielle à Dreux. Simone Veil est l’une des rares dirigeants de droite à critiquer ce tournant. D’autres, comme Jacques Chirac, soutiennent qu’il y a effectivement quatre ministres communistes au sein du gouvernement.

Dans les années qui suivent, dans le sud de la France, le Front national soutient dès le premier tour les listes de droite. En 1988, des accords locaux de retrait existent dans le Var et les Bouches-du-Rhône. Loin de ralentir la montée du Front, cela a, après trois décennies, marginalisé la droite dans ces domaines. Mais la même année, un jeu de mots antisémite de Jean-Marie Le Pen, « Crématorium Durafour »rend le FN inaccessible pour un temps, même si, au niveau local, des accords peuvent être conclus de temps en temps.

Cela n’empêche pas la droite de dériver de plus en plus. En 1991, Jacques Chirac dérape, évoquant « le bruit et l’odeur » des immigrés, avant de changer d’avis et de condamner en 1998 l’élection des présidents de région RPR et UDF avec les voix du FN, puis d’incarner en 2002 le « non » à Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle . Mais dans l’appareil, les conceptions conservatrices demeurent.

En 2005, le député Christian Vanneste votait un amendement défendant le « rôle positif de la colonisation ». Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy joue à fond la carte de la sécurité. Elu président en 2007, il crée un ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration, murmuré par son conseiller Maurras Patrick Buisson, ancien rédacteur en chef de Minute.

Opposante sous le mandat de François Hollande, la droite a battu le pavé contre le mariage entre personnes de même sexe lors des Manifs pour tous. Cette orientation radicalise la base d’un parti qui renonce, dans le même temps, à la pratique du retrait républicain : c’est le fameux « ni ni », ni gauche ni RN, de 2016.

Cette évolution à droite s’est achevée en décembre 2022 par l’élection d’Éric Ciotti à la présidence des « Républicains » et la campagne de François-Xavier Bellamy aux élections européennes, à l’occasion de laquelle le parti a publié un tweet demandant à l’Algérie de « récupérer (ses) clandestins, criminels et délinquants ».

Reste que Bellamy désapprouve malgré tout l’accord avec le RN. Représentant d’une droite niçoise tiraillée entre des macronistes opportunistes comme le maire Christian Estrosi et le RN, Ciotti a tenté, pour sauver quelques circonscriptions, d’imposer à son parti une stratégie de compromis qui, ironiquement, s’est néanmoins affaiblie dans le sud de la France.


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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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