Des projets d’usines de batteries de plusieurs milliards d’euros sont en suspens. Jean-Michel Apeuprès devait être responsable des estimations des besoins. Lisez l’éditorial de la newsletter Watt Else du 8 août.
Dans une volonté de ne plus dépendre autant de la Chine, de nombreuses usines de batteries ont été annoncées en Europe pour alimenter un marché en plein boom. Alors que de nombreux projets continuent de se développer normalement, notamment dans le nord de la France avec la vallée de la batteriece n’est pas le cas pour d’autres installations. Une quinzaine d’usines de batteries sont ainsi retardées, suspendues ou complètement annulées rien qu’en Europe.
Toutes ces décisions ne sont pas sans conséquences à long terme pour l’ensemble de l’industrie automobile. Les changements brutaux de tendances du marché nécessitent une certaine agilité. Néanmoins, certaines décisions, parfois plus politiques qu’économiques, semblent également avoir été prises dans la précipitation.
Les batteries européennes face au reste du monde
Sans batterie haute tension, pas de voiture électrique, c’est évident. Pourtant, les constructeurs automobiles ont développé une expérience dans de nombreux composants, mais les batteries ont toujours été déléguées à des partenaires, dont c’est le métier. C’est quelque part un choix parfaitement rationnel, mais il crée aussi une certaine dépendance. Les plus gros producteurs de ces batteries sont des entreprises chinoises, coréennes ou japonaises.
Les producteurs européens ne sont pas aussi forts, mais ne sont pas non plus totalement hors jeu. Dans ses ambitions de promotion de la voiture électrique, l’Europe va aussi pousser les acteurs de la batterie et de l’automobile à s’unir pour développer la production locale de batteries – même si les matières premières des cellules proviennent toujours d’Asie. Une opportunité à saisir pour Northvolt, ACC ou Verkor et plusieurs autres entreprises, ayant Volt ou Power dans leur nom. Ensemble, ils doivent créer une alternative à des leaders comme CATL, LG, Panasonic ou BYD. Enfin… en théorie.
Arrêter ou continuer ?
Depuis deux ans, les annonces de gigafactories de batteries se multiplient, avec des investissements de plusieurs dizaines de millions d’euros et des milliers d’emplois à la clé. Ces usines promettent des capacités de production toujours plus importantes. Pour accueillir ces futurs leaders de la batterie, les gouvernements et les acteurs locaux n’hésitent pas à imprimer de la monnaie pour des incitations fiscales.
Dans l’euphorie du moment, personne ne semble avoir vérifié que les projets correspondaient à un besoin réel et non à une vision idéalisée de la demande de voitures électriques en Europe. Désormais, c’est la douche froide. Le marché automobile n’est pas aussi dynamique qu’espéré. Sur les 50 projets d’usines prévus pour 2030, près d’un tiers sont ralentis voire gelés. Rien qu’en Allemagne, 5 projets sont plus ou moins voués à l’échec. Northvolt en particulier subit un gros revers, mais ACC (Stellantis/Mercedes) a également mis en stand-by 2 des 3 usines prévues. Plusieurs investissements constructeurs ont aussi été détournés vers des usines aux Etats-Unis à cause de la politique locale.
Les évolutions rapides dans le choix des technologies de batteries pénalisent aussi certains acteurs qui ne sont pas assez flexibles. Une usine se prépare au moins 4 ans à l’avance, puis continue la production pendant plusieurs années, mais les technologies évoluent beaucoup plus vite. Beaucoup des projets initiés en Europe ont été lancés autour des batteries NMC, mais la demande est désormais forte pour les batteries LFP. Cela ne va pas sans poser de problèmes.
Et si la demande de voitures électriques explosait ?
Le principal problème de cette industrie est qu’elle souffre d’une grande inertie, notamment en Europe où les projets sont confrontés à une bureaucratie et à des normes environnementales drastiques. Les usines qui ne sont pas construites aujourd’hui risquent de manquer si le marché décide enfin de faire le virage attendu vers les voitures électriques. Avant, ce n’est pas le moment, après, ce n’est plus le moment.
En attendant, le marché ne manquera jamais de batteries, peut-être seulement de batteries fabriquées ou assemblées en Europe.
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