Doubs. Après avoir subi une opération des hémorroïdes, ils vivent depuis un cauchemar : une enquête ouverte
Ils vivent « un cauchemar » : douze patients témoignent d’échecs d’opérations des hémorroïdes, réalisées par un chirurgien proctologue de Besançon (Doubs) ces dernières années.
La colère, voire la « haine »
Depuis ces opérations réalisées par le Docteur Luc Clemens, ils subissent des séquelles irréversibles, une atteinte permanente à leur intégrité physique, voire la perte de leur emploi, ou encore le départ de leur conjoint et la disparition de leur vie sociale. Tout le monde nourrit de la « colère » contre lui, certains avouent de la « haine », selon nos confrères de L’Est République qui ont révélé l’affaire ce samedi.
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Ces patients, dont nous préservons l’anonymat, souffraient tous d’une pathologie hémorroïdaire, ce qui les a amenés à consulter le docteur Clemens. Cet urologue formé en proctologie en 2015 s’était associé à un spécialiste de Besançon, aujourd’hui à la retraite, le cabinet jouissait d’une bonne réputation. Le médecin a commencé à opérer en 2016. Il a enlevé ou réduit les hémorroïdes selon la technique dite « Longo ».
« Bon sang, sept ans plus tard »
Peu de temps après, les patients qui ont témoigné ont dénoncé des séquelles souvent irréversibles. Comme Roland, 62 ans, qui dit avoir « manqué » lors de son opération : « Mon sphincter a été endommagé de manière irréversible. Alors que j’aurais dû guérir en quatre semaines, je vis toujours l’enfer, sept ans plus tard. J’ai de terribles brûlures, des ampoules, je dois porter des protections tout le temps. Je ne peux pas sortir donc je n’ai pas besoin d’aller aux toilettes en toute hâte. J’ai perdu mon boulot. Mon partenaire m’a quitté en 2019. Je dois prendre des pilules pour dormir.
Agés entre 26 et 52 ans, une dizaine d’autres hommes et femmes opérés racontent des faits similaires, pour des opérations subies entre 2016 et 2023.
Une enquête ouverte
Le procureur de la République Etienne Manteaux a ouvert une information judiciaire contre le médecin Clemens pour « blessures involontaires résultant d’une maladresse ou d’une imprudence lors d’une interruption temporaire du travail de plus de trois mois ».
« J’ai rassemblé plusieurs dossiers liés à ce chirurgien, explique le magistrat, qui sont en cours d’instruction dans différentes autorités. » Cinq demandes d’indemnisation déposées devant le tribunal judiciaire, par des patients opérés entre octobre 2016 et mars 2018, ainsi qu’une plainte pénale déposée en novembre 2022, sont désormais entre les mains d’un juge d’instruction, qui aura notamment la possibilité de saisir des dossiers médicaux pour étayer ses enquêtes.
« Insuffisance technique »
Le procureur de la République indique que d’autres patients s’estimant lésés par ce chirurgien peuvent lui adresser des plaintes. Se référant aux expertises réalisées dans le cadre de demandes d’indemnisation, il estime qu’il se pose « notamment une question de l’insuffisance de l’information fournie au patient avant l’opération, et d’une insuffisance technique manifeste dans le geste chirurgical ».
Avocat à Valdahon, Olivier Lévy conseille six patients, dont quatre depuis de nombreux mois : « Dans la vie de mes clients, cela se traduit par un véritable désastre, sur le plan physiologique bien sûr, car ils vont devoir porter toute leur vie , des protections, par exemple. Mais aussi sur le plan professionnel, car ils ne peuvent plus travailler. Et bien sûr dans leur vie de famille », ajoute-t-il.
L’avocat constate également, dans les conclusions des experts, « la répétition des erreurs » et un « manque d’information du patient avant l’opération ».