D’où vient le mythe selon lequel l’argent est roi ?
Au lendemain de l’échec du Cartel des gauches, gouvernement radical-socialiste au pouvoir de 1924 à 1926, son chef, Édouard Herriot, déclarait, en guise de justification : « Je me suis heurté non pas au mur de bronze, mais au mur de l’argent. » La phrase n’est pas dénuée de force, l’accusation non plus. La fuite des capitaux et les manipulations des dirigeants de la Banque de France ont joué contre les réformes. Mais Herriot a aussi accumulé les bévues, tant sur le fond que sur la forme, sans parvenir à se défaire de ses œillères idéologiques.
Les « grands », les « riches », les « grands patrons » s’opposent au « peuple »
« Mur d’argent »… L’expression est destinée à une belle postérité. D’autres dirigeants lui trouveront même des synonymes, comme le radical Édouard Daladier qui, en 1934, affirmera que « 200 familles sont maîtresses de l’économie française et, de fait, de la politique française ». L’expression sera reprise, à gauche comme à l’extrême droite, pour affirmer que l’économie, et donc un pays tout entier, serait aux mains d’une cabale de « riches ».
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Opposer « le peuple » aux « gros », détenteurs du pouvoir économique et politique au détriment du peuple, n’est pas nouveau, comme le démontre Pierre Birnbaum dans Le peuple et les grosHistoire d’un mythe (éd. Pluriel, rééd. 1995). Depuis la Révolution, on assiste à une attaque sans cesse renouvelée contre les « riches », les « grands patrons », l’oligarchie toute-puissante qui tient les leviers de la finance.
Un anticapitalisme parfois teinté d’antisémitisme, notamment lors de l’élection du président Emmanuel Macron en 2017, qui travaillait pour la banque Rothschild, établissement fondé à Paris au début du XIXe siècle par une famille juive d’origine allemande.
Le mythe de l’argent roi, une propagande qui à la fois noircit et idéalise
Les historiens et les sociologues ont établi qu’un tel discours est un mythe : il attribue aux « grands » une influence qui, si étendue soit-elle, n’est pas aussi disproportionnée qu’il le prétend, et il simplifie à outrance ce qu’est « le peuple », ses classes, ses aspirations, ses préjugés. En bref, une propagande qui à la fois noircit et idéalise, au mépris de la réalité.
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La France n’a pas le monopole de ces fantasmes. En Allemagne, le « grand capital » a été accusé par les marxistes d’avoir porté Hitler au pouvoir, ce que démentent les historiens.
Aujourd’hui, Vladimir Poutine instrumentalise la théorie du « milliard d’or » : inventée en URSS dans les années 1970, elle désigne la population des pays développés du Nord (« un milliard d’habitants ») qui chercherait à s’approprier les ressources de la planète avant épuisement total, au détriment du reste de l’humanité. Poutine oppose ainsi les Russes à « l’Occident », un peuple d’exploiteurs qui camouflent ses desseins agressifs derrière une façade démocratique et humanitaire. Le Kremlin n’a plus qu’à déguiser son invasion de l’Ukraine en « opération militaire spéciale » défensive, anticipant les prédations pseudo-occidentales…
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D’une théorie du complot à l’autre, on ne prête qu’aux riches.
Cet article est tiré de GEO Histoire n°76, Comment sont nées les grandes théories du complot de juillet-août 2024.
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