Dortmund, temple du football et du football populaire
La ville de la Ruhr, qui accueille mardi la rencontre entre la France et la Pologne, vit au rythme du football toute l’année grâce au dynamisme du Borussia Dortmund, le club attirant le plus de spectateurs par match dans le monde.
Publié
Temps de lecture : 5 min
Toutes les deux semaines, 81 000 personnes se rassemblent dans les tribunes du Signal Iduna Park, domicile du Borussia Dortmund. Aucun autre club de football au monde ne peut en dire autant. L’engouement autour des Jaune et Noir est tel que l’équipe est plus connue à l’étranger que la ville elle-même, qui compte près de 600 000 habitants, ce qui en fait la neuvième plus peuplée d’Allemagne.
Ici, le football est à chaque coin de rue, chez le boucher et le boulanger du coin, à l’entrée de la ville aussi. «Wir sind guter Fußball» – « Nous jouons du bon football ici » en français – est inscrit sur un pont à l’entrée est de la ville, comme pour annoncer la couleur aux automobilistes qui n’y ont jamais mis les pieds. Avec l’Euro, le jaune et le noir ont été remplacés par d’autres nuances puisque Dortmund a accueilli les deux premiers matches de la Turquie, contre la Géorgie et le Portugal, trois adversaires jouant tous en rouge.
La ferveur et l’agitation entourant ces réunions n’ont produit aucune désorientation. Le passage de supporters français et polonais n’impressionnera pas non plus les pensionnaires de Dortmund, habitués à animer les matches. le fameux « mur jaune » à chaque match à domicile. Cette tribune de 100 mètres de long et 40 mètres de haut, dans laquelle se rassemblent 20 000 supporters par match, est devenue une attraction touristique pour les supporters. sauterellesces supporters de football qui parcourent les stades d’Europe.
Mais comment cette ville est-elle devenue une telle terre de football ? Comme Lens ou Saint-Etienne en France, Dortmund est une ancienne ville minière. « Les gens travaillaient très dur pendant la semaine et allaient voir les matchs du Borussia le week-end. Puis, lorsque les entreprises ont fermé, beaucoup se sont retrouvées au chômage.» mais a continué à vibrer pour leur équipe, explique Benjamin McFadyean, supporter du club depuis les années 1980, après avoir quitté le Royaume-Uni pour l’Allemagne.
« Ce n’est pas la plus belle ville, mais c’est une ville très fière de son football et de son patrimoine industriel. »
Benjamin McFadyeanjournaliste et supporter de longue date du Borussia Dortmund
Les autres villes de la Ruhr – de loin la région la plus dense en clubs professionnels, dont le Bayer Leverkusen, Schalke 04 et Bochum – ont subi un sort similaire dans les années 1960. Dortmund n’était pas alors le club le plus glorieux d’Allemagne. « De 1966 à 1989, le club connaît une période de disette, allant même jusqu’à être relégué en deuxième division en 1972. Cette saison-là, il n’y avait que 1 500 spectateurs au stade pour la finale. »dit Benjamin McFadyean.
Mais le club a connu un petit coup de pouce en 1974 avec la construction du Westfalenstadion (qui s’appelle aujourd’hui Signal Iduna Park et qui a fêté son 50e anniversaire) en préparation de la Coupe du monde en Allemagne de l’Ouest. Il a fallu le retrait de la candidature de Cologne, qui devait avoir droit à son nouveau stade, pour que ce club évoluant alors en deuxième division se retrouve avec une enceinte de 54 000 places à sa disposition. « Au début, de nombreux supporters venaient découvrir ce nouveau stade moderne »détaille celui qui anime également un podcast sur l’actualité et l’histoire du Borussia Dortmund.
Malgré la victoire de la Coupe des vainqueurs de coupe en 1966, la réputation internationale des Jaune et Noir est finalement assez récente, s’étant construite en grande partie au cours des 30 dernières années. Une victoire surprise en Coupe d’Allemagne 1989 ouvre la voie à une décennie exceptionnelle, culminant en 1997 lorsque Matthias Sammer – Ballon d’Or 1996 – et ses coéquipiers remportent la Ligue des champions. « Le club a connu une augmentation constante de son nombre de supporters suite à son succès. Elle compte désormais 500 000 supporters dans le monde et 900 clubs de supporters. »rapporte Benjamin McFadyean, relégué à la 20 000e place sur la liste d’attente pour un season pass.
Depuis 2005 et l’extension de la capacité du stade à 81 000 places (hors matches internationaux), tout le monde a envie de voir les matches du BVB, une équipe attractive par son authenticité mais aussi par son jeu. Jürgen Klopp y a développé son « heavy metal football » (avec pressing et beaucoup d’intensité) de 2008 à 2015. Surtout, pléthore de grandes stars du football y ont joué quand elles n’étaient encore que des pépites comme Jude Bellingham, Erling Haaland ou encore Jadon Sancho.
Malgré la multiplication des joueurs étrangers et des sommes transférées, le club n’a pas perdu son identité. « Si vous sortez de chez vous, la foule ne se rassemblera pas autour de vous. Les gens vous voient comme une personne normale. Ils ne veulent pas vous déranger. Ils comprennent quand vous êtes avec votre famille et vous laissent de l’espace »se souvient avec nostalgie l’ancien international ghanéen Matthew Amoah, qui a porté les couleurs du club pendant deux saisons (2005-2007).
Les liens entre la famille et le football sont très forts à Dortmund. Les jours de match, des familles entières sont assises dans les tribunes. « Mon beau-père allemand, c’est son père qui l’a emmené au stade. C’est lui qui m’a emmené et j’ai transmis ça à mon neveu, ma nièce et mon petit frère », donne Benjamin McFadyean en exemple. Ainsi, la passion du football n’est pas réservée à une minorité de spécialistes mais à l’ensemble de la population. Ce n’est pas sans raison que le Musée de l’histoire du football allemand a ouvert ses portes à Dortmund en 2015.