divers/Justice – L’entreprise de construction Raffalli a-t-elle présenté de faux bilans à son concurrent Rocca au moment du rachat ?
Une longue journée d’audience – de 8h30 à 22h30 – de débats. Une longue journée de chiffres, de répétitions. Surtout une longue journée de désaccords.
Devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio, François Raffalli37 ans, dirigeant de l’entreprise éponyme, et son commissaire aux comptes, Fabrice Rabattu, 66 ans, nient avoir falsifié les bilans, pour sous-évaluer les pertes, de l’entreprise de travaux publics, rachetée par Patrick Rocca le 28 décembre 2017.
Le ministre public, représenté par Valérie Marchand, est convaincu de l’escroquerie – qui pourrait s’élever à 800 000 euros – et a requis des peines de prison avec sursis de 8 et 10 mois pour les deux prévenus. Des amendes de 20 000 et 60 000 euros ont également été demandées par le parquet.
« Plus de quatre millions injectés dans les six premiers mois »
Patrick Rocca, constitué partie civile, assure : « que la photographie » de l’entreprise qui lui a été présentée fin novembre 2017, ne correspondait pas à ce qu’il avait découvert, une fois à la barre. Si cette société fait des bénéfices aujourd’hui, ce qui fait dire à la défense que Patrick Rocca « Fait un marché »ce dernier a confié au tribunal qu’il devait s’injecter « plus de quatre millions d’euros dans les six premiers mois pour payer les dettes ». Son avocat, Me Philippe Gatti, souligne que la holding Rocca a également racheté les biens immobiliers de la société Raffalli, pour reconstituer ses économies.
Les débats auraient pu porter sur les éléments techniques du dossier, parfaitement maîtrisés par toutes les parties, parquet et tribunal compris.
Mais le contexte qui entoure le parcours de ces deux entrepreneurs a donné lieu à des échanges doux-amers entre eux, certainement dans une forme de respect.
Si le manque de sincérité des récits n’est pas formellement contesté, la question est de savoir si une manœuvre délibérée a été mise en place pour tromper l’acheteur, ou, plus prosaïquement, si les fautes évoquées proviennent d’un manque de compétence.
Mais un événement a cristallisé les débats : « Alerte 3 ». L’expression accentue l’indigestion d’une matière pour le moins technique. Cela s’avère pourtant fondamental.
« Une société fluctue, les chiffres ne sont pas exacts »
Le 4 décembre 2017, soit 24 jours avant la cession de la société, le commissaire aux comptes a adressé une lettre recommandée au tribunal de commerce d’Ajaccio qui, en substance, indiquait que la société Raffalli était en cessation de paiements.
Dans de telles circonstances, aucune vente n’est possible sans l’intermédiaire du tribunal de commerce. La procédure judiciaire retrace le courrier, sa réception par le tribunal et même son contenu. Cependant, depuis décembre 2017, rien ne s’oppose à la transaction.
Pour quoi ? L’audience n’a pas apporté de réponse à cette question. Mais cet élément suffit à innocenter Fabrice Rabattu, estime Me Pierre Bruno, avocat du commissaire aux comptes, au terme d’un plaidoyer express mais rigoureux, teinté de plaisanteries destinées à retenir l’attention du tribunal, compte tenu de l’heure tardive.
Me Julien Gasbaoui, conseil de M. Raffalli, soutient qu’un « la société fluctue et c’est pourquoi les chiffres ne sont jamais exacts ».
Les chiffres sont effectivement élevés. D’abord, trois millions d’euros, la somme retenue pour la vente. Une somme qui n’a toujours pas été versée au vu des procédures en cours. « Patrick Rocca paiera ce qu’il a à payer, que ce soit 3 millions ou moins. On peut l’accuser de tout, mais il n’a jamais enfoncé un clou »affirme son autre conseil, Me Jean Luisi.
En 2018, plusieurs chantiers de l’île, notamment celui de la route des Sanguinaires à Ajaccio, ont été retardés ou suspendus en raison de ce litige qui arrivera à son dénouement le 28 juin.