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divers/Justice – Assises des Bouches-du-Rhône : chaos judiciaire au procès du double assassinat à Bastia-Poretta

Des magistrats imperturbables, des détenus qui refusent de regagner le box de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône et des avocats absents. Le procès du double assassinat de Bastia-Poretta commis le 5 décembre 2017 tourne au fiasco, ce jeudi 23 mai 2024 à Aix-en-Provence.

En début d’après-midi, un témoin s’est présenté à la barre. Le box des détenus sonne creux. Seuls cinq accusés qui comparaissent libres, Chloé Castellana, Gaëlle Sker, François Marchioni, Dominique Sénéchal et José Menconi sont présents. Les bancs des avocats de la défense sont également vides. Seules Chloé Castellana, Gaëlle Sker et Dominique Sénéchal ont gardé leurs conseils. D’un ton robotique et complètement froid, Jean-Yves Martorano, le président, poursuit ses questions, le regard plongé dans ses notes derrière ses petites lunettes. Scène surréaliste de ce qui semble être un procès simulé.

Contre toute logique, les magistrats ignorent tous les événements survenus dans la matinée. Un début de journée mouvementé, avec de nombreux rebondissements.

« Il est inacceptable que ce procès ait lieu »

Dans un premier temps, les onze avocats désignés mardi, par Me Monika Mahy-Ma-Somga, bâtonnière du barreau d’Aix-en-Provence, demandent à leur tour le report du procès, devant des détenus présents à ce moment-là. Pour rappel, onze des quatorze accusés, dont neuf sont incarcérés, avaient récusé mardi leurs avocats. L’interruption des débats pendant plusieurs jours en raison du drame d’Incarville et le calendrier transmis par le président aux différents partis, ont justifié cette décision. Les enquêteurs, et à travers eux l’examen du déroulement des faits, ne doivent témoigner à la barre que début juin. Une organisation problématique pour la défense alors que les débats débutaient sur la personnalité des différents accusés.

Alors qu’une première demande de renvoi formulée par la défense est rejetée par le président, les avocats commis d’office, venus en remplacement, en ont déposé une seconde ce jeudi. Cette fois, la raison est plus directe : « Il est inacceptable que ce procès ait lieu, disent les avocats pénalistes, dont certains n’ont jamais mis les pieds devant un tribunal correctionnel. Il est impossible d’avoir connaissance de ce dossier dans les 24 heures pour les prévenus qui encourent des peines extrêmement lourdes. »

Difficile de leur donner tort quand le dossier comprend une trentaine de volumes qui résument quatre années d’enquête… Certains d’entre eux assurent, impuissants, qu’ils ne connaissent pas leur client, ni même les charges retenues contre eux. « Nous sommes proches du chaos, même si ce n’est la faute de personne » tranche Me Adrien Milani, conseil de Gaëlle Sker.

« Dans une folie qui avance, dans un train sans chauffeur, quelqu’un doit dire stop. »

Me Caroline Kazanchi, conseil de Chloé Castellana, s’interroge également : « Cela restera un procès moribond et il n’est satisfaisant pour personne. Ni pour moi, ni pour nous. Dans une folie qui avance, dans un train sans conducteur, quelqu’un doit dire stop. »

Yvon Calvet, l’un des deux avocats généraux, écarte tous ces arguments : « Nous nous opposerons très fermement à cette demande de report. Les dates de ce procès ont été fixées de manière contradictoire. Il ne s’agit pas d’entraver le cours de la justice, ce serait un déni de justice. C’est la responsabilité de ceux-ci. qui a choisi de déserter la salle Il ne peut y avoir aucune obstruction et aucun coup d’État permanent Il n’y a pas de chaos, pas de naufrage*. »

Certains prévenus ont alors pris la parole pour soutenir la demande de renvoi : « Il n’y a pas d’impasse. Il n’y a pas de stratégie, lance directement au président, un Ange-Marie Michelosi toujours aussi doué dans le maniement des mots. Les grands perdants d’un licenciement, c’est nous. Cela faisait sept ans que nous ne nous étions pas dit un mot et tout le monde était là. C’est un processus consistant à remettre beaucoup de choses à leur place. Un président a le choix de donner une bonne image de la justice. Nos avocats nous ont dit qu’ils ne pouvaient plus nous défendre pour diverses raisons. Sommes-nous à Aix-en-Provence, en France, ou au Gabon, dans un tribunal de Libreville ?

Là encore, Jean-Yves Martorano n’entend pas ces arguments et rejette cette nouvelle demande de renvoi. Il explique lentement ses motivations : « Le tribunal n’a pas été informé par les avocats de leur départ inopiné de la salle d’audience. Les accusés se sont volontairement mis dans la situation de ne plus bénéficier des services des greffiers. Cette situation n’est pas le fait du tribunal. Les exigences légales des droits des la défense sont donc respectées. »

Après une longue suspension, Me Monika Mahy-Ma-Somga, bâtonnière du barreau d’Aix-en-Provence, réintègre le barreau. Nouvelle tournure. Cette fois, les prévenus détenus ne sont plus là. Ils refusent de comparaître : « J’ai délivré une citation à comparaître au tribunal pour l’accusé, explique le président. Je choisis de l’ignorer, les débats se poursuivront en l’absence des accusés et je n’utiliserai pas la force publique. »

« S’il n’y a plus de défense et que l’accusé garde le silence, il n’y a plus de procès. »

Les avocats commis d’office ne sont plus là non plus. Ils viennent d’être limogés par le Président. Ce dernier comparaît seul devant le tribunal dans l’intérêt de l’accusé sans avocat : « Il doit y avoir une justice équitable dans un État de droit, dont les avocats sont le rempart. Des circonstances indépendantes de la volonté de tous (ndlr, l’attaque d’Incarville) signifie qu’aujourd’hui nous ne pouvons pas continuer. Raison pour laquelle je ne resterai pas. Je sais que vous n’écarterez pas cette affaire. Il n’y aura pas d’avocats pour la défense. »

Dans ce scénario, elle encourt des sanctions disciplinaires, qu’elle « supposer » face à la cour. Avant de conclure son propos, Me Monika Mahy-Ma-Somga, tend une dernière perche au tribunal : « Il faut comprendre la difficulté de programmer les enquêteurs, même si le tribunal peut émettre des mandats d’arrêt dans d’autres circonstances… Je ne veux pas en arriver là, mais les enquêteurs pourraient venir plus tôt pour que la défense puisse faire son travail ». travailler et poser des questions. »

Là aussi, le président n’en prend pas note et se contente d’une phase laconique : « Il n’est pas nécessaire de procéder à de nouvelles nominations d’avocats selon la Cour de cassation. »

Avant de poursuivre les débats, comme si de rien n’était. Face à cette configuration grotesque, les proches de l’accusé ont également quitté la salle. Fait rarissime, dans un communiqué envoyé à la presse en fin de soirée, les avocats récusés ont exprimé leur « indignation » et parle d’un « épreuve de la honte ».

Me Émeline Giordano, conseil de Dominique Sénéchal, est celle qui a le mieux résumé cette situation, lors de sa plaidoirie devant le tribunal : « S’il n’y a plus de défense et que l’accusé garde le silence, il n’y a plus de procès. » Pendant ce temps, les témoins montent à la barre, conformément au planning du président…

* Il est battu par les vagues mais ne coule pas.

Cammile Bussière

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