La chanteuse du yé-yé, Françoise Hardy, est décédée à l’âge de 80 ans, a annoncé son fils Thomas Dutronc sur Facebook. Elle avait un cancer et disait avoir beaucoup souffert ces dernières années.
En 2021 déjà, elle confiait « se sentir proche du bout » : « Depuis le diagnostic, les radiothérapies et immunothérapies ont eu des effets secondaires cauchemardesques qui me gâchent la vie et m’affaiblissent de plus en plus. » Et en 2023, elle milite pour la légalisation de l’aide à mourir, affirmant sa volonté de « partir le plus vite possible ».
«Je suis un faiseur de miracles. » Dans une interview accordée en juin 2016, Françoise Hardy n’a pas tourné autour du pot. Sans détour, elle a raconté sa rémission d’un cancer du système lymphatique. Elle a savouré ses 17 kilos repris après l’enfer à 39 kilos. « Je suis un gros dondon! » », a-t-elle ri, comme pour convaincre son public.
Cependant, après 28 albums (son dernier, Personne d’autre, remonte à 2018) et plus de 60 ans de carrière, on a eu du mal à la trouver vraiment changée. Toujours cette brindille androgyne avec une frange qui lui mange les yeux. Voix mélancolique. Regard triste.
Un soir du référendum
La mal-aimée Françoise a grandi convaincue d’être insignifiante, souffrant de l’absence d’un père bisexuel marié à une autre femme que sa mère.
L’écriture est sa catharsis. Aussi, lorsque son visage apparaît à la télévision, un soir de référendum, à l’automne 1962, ce sont ses propres mots qu’elle fredonne : « Tous les garçons et toutes les filles de mon âge… »
Le grand public découvre Miss Hardy. Paris-Match l’a choisie deux mois plus tard pour faire sa Une.
Idole de la mode
Consacrée nouvelle idole de la chanson, elle rejoint la vague yé-yé et sa génération salut les copains et tombe amoureux du photographe du groupe, Jean-Marie Périer.
Mini-jupe, bottes, son look inspire Courrèges, Paco Rabanne, Saint-Laurent… Elle porte pour eux la mini-robe la plus chère du monde ou l’intemporel smoking. Mick Jagger lui fait les yeux doux. Elle incarne sa femme idéale.
UN Message personnel à Jacques
Sa beauté élancée rencontre la caméra de Claude Lelouch, alors inconnu, qui lui fait tourner l’un des premiers scopitones, l’ancêtre des clips. Roger Vadim la remarque et fait ses débuts au cinéma.
En 1967, sa vie bascule en Corse. La sentimentale Françoise tombe sous le charme de l’infidèle Dutronc. «Je ne tombe pas souvent amoureux. Mais à chaque fois, je l’aime dans un sens. Je rencontre toujours des garçons qui ne pensent qu’à eux. Très égocentrique. » Elle chante alors il n’y a pas d’amour heureuxtiré d’un poème d’Aragon.
Deux ans plus tard, Serge Gainsbourg compose Comment vous dire au revoir et Michel Berger écrit pour elle en 1973 un Message personnel : « Si jamais tu crois que tu m’aimes… »
Une relation masochiste
«Cela m’a fait beaucoup de bien de mettre des mots sur les frustrations et les douleurs de ma vie personnelle, mais c’était aussi un message le plus beau et émouvant possible que j’adressais à l’objet de mes tourments», analysait en 2021 Françoise Hardy à AFP.
Avec Jacques, son double inséparable, elle entretient une relation étroite et masochiste qui aboutit au mariage et à un fils, Thomas. Entre eux, c’est la vie et la mort.
Dans leur grand appartement parisien, ils disposent d’un étage séparé. En Corse, Jacques vit avec une autre femme depuis 20 ans. Mais ces deux-là restent indissociables. Ils ne divorceront jamais. « Si l’un des deux meurt, l’autre ne tardera pas à suivre », confiait-elle à Marc-Olivier Fogiel sur son canapé en février 2016.
Tout le monde affirme dans la presse entretenir des relations « longues » avec les autres. Toutefois, le lien qui les unit reste plus fort.
Au fil des années, Françoise Hardy a développé une autre spécialité que la musique : l’astrologie. Elle a publié plusieurs livres sur le sujet.
Deux résurrections
Lorsqu’on lui diagnostique un cancer en 2004, Françoise Hardy le prend avec philosophie. L’artiste se retrouve en plein retour gagnant après avoir quelque temps tourné le dos à la musique, persuadée qu’elle « ne pouvait pas faire mieux ».
Elle supporte bien sa première chimiothérapie. La glace ! Son état de santé général se dégrade progressivement. Au printemps 2015, après une chute sous sa douche, elle tombe dans le coma. Thomas presse Jacques de venir à son chevet.
«C’est la fin», disent les médecins. Ils ont tort. Elle se réveille, trois semaines plus tard : « Je suis revenue à la vie, mais c’est très étrange, car je trouve qu’il y aurait eu une certaine cohérence dans ma mort à ce moment-là. »
« La maladie détruit l’esprit »
En janvier 2024, son ami Etienne Daho se confie, dans l’émission En aparté, que « c’est très dur de ne rien pouvoir faire pour soulager ses souffrances. C’est très difficile. Je pense qu’elle ne mérite vraiment pas une fin comme ça, enfin, personne ne mérite une fin comme ça… Elle souffre vraiment, ça me fait beaucoup de peine. »
«La maladie détruit l’esprit», assurait-elle dans Paris-Match fin 2023. « L’âge aide, après des rayons qui frappent la tête, ce qui était le cas de mes 55 radiothérapies, on perd la mémoire de trop de choses et le manque d’équilibre réduit la possibilité de bouger au maximum. »
Comme elle l’écrivait en 1988, dans Pars quand même, co-écrit avec Jacques Dutronc : « Pars quand même, pars d’abord, quitte la scène dans un ultime effort avant de dire « je t’aime », que le piège se referme, pars quand même. »
L’icône a tiré sa révérence en cette nuit de juin. Françoise, comment vous dire au revoir ?