Les proches d’un groupe de 43 étudiants disparus défileront jeudi à Mexico, commémorant le dixième anniversaire de la tragédie devenue symbole des 100 000 cas de disparitions forcées au Mexique, moins d’une semaine avant un changement de présidence.
« Ils nous les ont pris vivants, nous les voulons vivants » : crieront-ils une dernière fois sous les fenêtres du président sortant Andrés Manuel Lopez Obrador, qui quitte le pouvoir le 1er octobre.
Ce slogan, répété comme un mantra, malgré le peu d’espoir de retrouver les étudiants vivants, s’adresse aussi à la présidente élue Claudia Sheinbaum, qui prêtera serment cinq jours plus tard.
Les familles accusent la gauche au pouvoir de ne pas avoir localisé les corps des 43 étudiants disparus dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014 à Iguala (sud-ouest), à deux heures de route de leur école normale d’Ayotzinapa. Seuls trois d’entre eux ont été retrouvés et identifiés.
« Dix ans après les faits, nous sommes loin de connaître la vérité. Nous sommes loin de savoir où se trouvent les 43 étudiants d’Ayotzinapa », a déclaré l’avocat des familles, Vidulfo Rosales, lors d’un rassemblement à Mexico cette semaine.
« Nous croyons que ce président nous a menti, que ce président nous a trompés », a ajouté la mère d’un étudiant disparu, Maria Elena Guerrero.
La plupart des parents réclament la publication d’un document de plus de 800 pages sur l’affaire, affirmant que l’armée s’y oppose.
Mercredi, le président sortant a défendu son bilan sur cette affaire dans une lettre aux parents : 120 personnes incarcérées, 151 personnes interrogées, dont 134 civils et 16 militaires, 858 sites perquisitionnés…
L’affaire n’est pas close, a assuré le président qui transmettra le dossier au prochain président « une femme de principes, de convictions et en faveur de la justice ».
– Un traumatisme –
La mobilisation pour le 10e anniversaire de la disparition des étudiants a débuté le 18 septembre dans la cour de l’école normale d’Ayotzinapa (sud).
Mardi, des manifestants ont manifesté devant le Sénat à Mexico et ont lancé des pétards sur le bâtiment pour exprimer leur colère.
Les 43 étudiants disparus à Iguala avaient tenté de réquisitionner des bus pour se rendre à une manifestation à Mexico afin de commémorer le massacre de plusieurs centaines d’étudiants le 2 octobre 1968.
L’ampleur de leur enlèvement a traumatisé la société mexicaine. Contrairement à d’autres cas de disparition, celui-ci a été largement médiatisé, y compris à l’étranger.
Sous la pression, l’administration du président Enrique Pena Nieto (droite, 2012-2018) avait promu une version aujourd’hui contestée : les étudiants disparus ont été brûlés dans une décharge par un groupe criminel, aidé par la police locale d’Iguala.
À son arrivée au pouvoir en 2018, Andrés Manuel Lopez Obrador a mis en place une « commission vérité ».
La commission a qualifié l’affaire d’Ayotzinapa de « crime d’État » et a estimé que l’armée était en partie responsable, soit directement, soit par négligence.
L’armée dispose d’informations en temps réel sur les enlèvements et les disparitions, a indiqué la commission.
« Bien qu’il n’y ait aucune preuve que l’armée ait participé à la disparition des jeunes, nous avons pris des mesures contre les militaires qui pourraient avoir commis des crimes liés au crime organisé, ou en n’agissant pas pour prévenir des actes de violence contre les jeunes », a écrit le président aux parents mercredi.
Les disparitions ont augmenté de manière exponentielle au Mexique à partir de 2006, lorsque l’ancien président Felipe Calderon a lancé une opération militaire contre la demi-douzaine de cartels de l’époque.
publié le 26 septembre à 04:36, AFP