C’était le 15 mai, il y a une éternité. La campagne pour les élections européennes du 9 juin prenait peu à peu de l’ampleur. La dissolution était encore un secret bien gardé par quelques conseillers de l’Élysée. Bien parti pour devenir député européen trois semaines plus tard, Gilles Pennelle confiait ce jour-là qu’il quitterait probablement son poste de directeur général du Rassemblement national après son élection. Impossible pour quelqu’un qui reste conseiller régional de cumuler les trois fonctions. « Je ne peux pas tout faire. Il y aura probablement une nouvelle répartition des rôles au sein de notre parti après les élections européennes. C’est encore à l’étude. »
Deux mois et des législatives surprises plus tard, le voilà qui démissionne, comme prévu. Mais son départ prend dans ce contexte une signification particulière que personne n’avait prévue. Car Gilles Pennelle, le bras droit de Jordan Bardella, était la cheville ouvrière du « plan Matignon » qui devait porter le jeune champion du RN à la tête du gouvernement, en cas de dissolution. Inévitablement, le Breton porte une part de responsabilité dans les ratés qui ont plombé le parti pendant la campagne des législatives, que certains, y compris ses ennemis internes, s’empressent désormais de pointer après un score en deçà des attentes. Au lendemain d’une défaite, les partis ont une certaine tendance à vouloir brandir des scalps aux militants déçus.
Erreurs de casting
Le plan en question : trouver à l’avance les imprimeurs capables de fournir les bulletins de vote et la propagande électorale en un temps record. Préparer ladite propagande. « Prémâcher » le lourd travail administratif pour les futurs candidats. Et, surtout, présélectionner ces candidats, dans chacune des 577 circonscriptions, avec leur suppléant. Tout était prêt, assurait l’élu de Fougères (35), en mars 2023. « Il suffira d’appuyer sur un bouton. » Une confiance qu’il affichait encore au soir de la dissolution : « Nous allons réactiver ce plan ce soir. Nous sommes prêts et nous sommes probablement les seuls à l’être. »
Crash : lors de cette campagne express, des erreurs de casting ont été révélées au grand jour. Plusieurs candidats, y compris en Bretagne, ont été pointés du doigt pour des propos racistes ou antisémites, notamment sur les réseaux sociaux. Dévastateur pour un parti qui tente depuis des années de faire oublier ses racines d’extrême droite. Lundi, le leader Bardella a reconnu « une part de responsabilité » dans ces « erreurs », notamment dans « l’investiture de certains candidats recalés qui ne correspondaient pas à la ligne politique que je portais ». Gilles Pennelle, de son côté, n’a pas souhaité s’exprimer.
« Pas d’échec »
Comment ces profils douteux ont-ils pu passer entre les mailles du filet ? Les délégués départementaux, supervisés par le Breton depuis 2018, étaient chargés de proposer des candidats. Le DG et son équipe effectuaient les vérifications avant de soumettre les noms aux quinze membres de la commission nationale d’investiture, où siégeait Marine Le Pen. « C’était un travail énorme », explique l’un des cadres du RN impliqué dans le « plan Matignon ». « Il a pu y avoir des erreurs, oui, tous les partis en font. Dans certains cas, on ne pouvait tout simplement pas le savoir. » Auraient-ils dû au moins vérifier les réseaux sociaux des personnes concernées ? « Peut-être. »
La même source refuse toutefois de faire porter la responsabilité d’un échec à Gilles Pennelle. « Parce qu’il n’y a pas eu d’échec, tente-t-elle. Les résultats sont décevants car ils sont en deçà de ce qui nous était annoncé, mais nous avons gagné plus de trente députés. » Malgré sa démission, le Breton pensait conserver un rôle au sein des instances nationales. Le jeune loup Bardella, qui a dirigé le parti pendant deux ans avec le « vieux briscard » Pennelle, lui fera-t-il porter le chapeau de ces échecs ? Il faudra garder un œil sur le nouvel organigramme du parti, qui devrait être profondément remanié.