Sous la casquette du reporter-commentateur-chroniqueur Didier Roustan, décédé subitement mercredi à l’âge de 66 ans, et derrière ses vêtements colorés, ses chemises à guirlandes et ses maillots de foot, palpitait près d’un demi-siècle d’histoire du football.
« Didier Roustan, figure emblématique de la chaîne L’Equipe depuis 1999, est décédé subitement dans la nuit de mardi à mercredi après plusieurs semaines de lutte contre la maladie. Il était absent des ondes depuis fin juin. »a annoncé mardi le quotidien L’Equipe sur son site internet.
« Passionnée, imprévisible et généreuse »selon Carine Galli qui a travaillé avec lui sur la chaîne L’Equipe, le journaliste revisité à sa manière décousue dans « Puzzle » (Marabout), titre de son autobiographie parue il y a presque un an jour pour jour, une carrière guidée par l’enthousiasme, qui est restée intacte jusqu’à son dernier souffle.
« +Didoune+ incarne une autre façon d’envisager le sport, en s’intéressant avant tout aux passions qu’il suscite », décrivait en décembre dernier à l’AFP Olivier Ménard, maître de cérémonie du talk-show. « L’équipe du soir ».
« Il a des préjugés, ce n’est pas la statue du commandant qui ne dit plus rien »continua celui qui a bombardé Roustan « Président à vie » de son spectacle. « J’ai un côté dictateur et anarchiste à la fois »a souri l’ancien présentateur de Stade 2 (1992-1995).
Du commentaire des matchs des Bleus, le Graal de son métier, aux audiences plus modestes de la TNT, sa carrière a connu des hauts et des bas, mais cela ne l’a jamais dérangé : « Je ne suis pas affecté par le vedettariat, j’ai vite compris que les gens ne vous connaissent pas mais vous voient à travers la télé, les éloges ne vous sont pas adressés en tant que tel ».
Didier Roustan s’est fait connaître très tôt. Le natif de Cannes a 18 ans lorsqu’il arrive comme stagiaire à la rédaction sportive de TF1 en 1976. « Téléfoot, c’était ma chance »il a déclaré à propos de l’émission culte lancée à la mi-septembre 1977, où son ton original se démarquait des plus anciennes.
A 21 ans, d’une précocité rare, il commente un match Suède-France (1-3) aux côtés de Pierre Cangioni en 1979.
Il a dit dans son « Puzzle » tous ces moments, et d’autres, comme cette rencontre organisée entre Diego Maradona et Eric Cantona. Roustan a également formé un duo de commentateurs puissant avec « Eric le Roi » pendant la Coupe du monde de 1994.
Il est également allé à Canal Plus, où « Il avait une touche très originale »Ménard se souvient. « C’est un très grand reporter, très poétique, avec un sens particulier de la narration, il fait des parenthèses, chante une chanson… »
Roustan a interviewé ses autres idoles Johan Cruyff et Pelé, ce dernier avec une panthère en studio, et a également mis sa santé à mal lors de la création d’un syndicat mondial de joueurs, l’AIFP de 1995 à 1999. Il a connu une dépression nerveuse en 2002 : « J’étais un légume ».
Mais rien n’a entamé sa passion. « Didier a une façon unique de raconter des histoires, il part dans tous les sens, ça peut durer deux heures et on a des fous rires »Galli a plaisanté.
« Je me considère comme une sorte de conteur africain, moi qui suis né à Brazzaville »a ajouté le journaliste.
Dans son livre, le griot Roustan passe d’une anecdote sur Michel Hidalgo siphonnant de l’essence au Mexique pendant la Coupe du monde 1986 à un aphorisme sur son regret pour le football d’autrefois, quand il y avait « Moins d’attaques mais plus d’opportunités ».
« Pour simplifier à l’extrême, nous sommes passés d’un jeu d’échecs à un jeu de dames, d’un film érotique à un film pornographique »écrit l’homme qui est resté à jour avec son podcast « Pied Roustan ».
Le YouTubeur Wiloo, qui compte plus d’un demi-million d’abonnés sur sa chaîne, était « en admiration devant sa passion intacte. Didier Roustan est un modèle d’inspiration, il reste très actif sur les réseaux sociaux, diffuse des podcasts… »
« C’est bien d’influencer les jeunes »a estimé le capitaine Fracasse du football, qui ne se sentait pas comme un dinosaure, même si, selon Galli, il a « J’ai vécu un football que nous ne connaîtrons plus jamais » de plus, où les joueurs étaient beaucoup plus accessibles.
« J’allais dans les vestiaires de la Juve de Platini, parfois on dormait chez les joueurs »il a rembobiné, tout en se défendant d’être nostalgique.
« J’ai plutôt un côté saudade »Roustan précise : « La saudade, c’est être séparé de l’être aimé, mais aussi avec un espoir, un côté rêveur et optimiste… »
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