Entretien croisé
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Le politologue spécialiste du sionisme et l’anthropologue du Collège de France publient tous deux un ouvrage sur le conflit israélo-palestinien. « Libération » les a réunis pour un échange exigeant et tendu.
L’un est un éminent professeur au Collège de France, où il dirige la chaire « Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines ». L’autre est un professeur clé de sciences politiques qui vit en Israël depuis cinquante ans et se définit comme un citoyen franco-israélien de gauche. Dans Une étrange défaite (La Découverte), Didier Fassin, dont les travaux portent sur la question de « l’inégalité des vies », revient sur le soutien « passif et actif » pays occidentaux à la destruction de Gaza et au massacre de sa population.
Sa vision de l’intensification du conflit au Moyen-Orient depuis le 7 octobre s’écarte parfois profondément de celle de son collègue Denis Charbit qui publiait Israël : l’impossible État normal (Calmann-Lévy). Pour ce dernier, professeur de sciences politiques à l’Université ouverte d’Israël, cette guerre, qui a commencé bien avant l’attaque sanglante du Hamas en Israël il y a un an, a annihilé toute notion d’universalité chez les Israéliens comme chez les Palestiniens. Guerre des récits, qualification du génocide, antisémitisme… Entre les deux chercheurs, les points d’accord sont rares, mais l’envie de dialogue est bien présente.
Quelles leçons avez-vous tirées de l’année écoulée ?
Denis Charbit : Ce fut une année terrible. Israéliens et Palestiniens sont sous la coupe des dirigeants les plus désastreux qu’ils aient connus depuis un siècle. On parle du « jour d’après », mais si