deux ONG dénoncent un « scandale sanitaire »
29 octobre 2024 à 9h17
Mis à jour le 29 octobre 2024 à 10h35
Temps de lecture : 4 minutes
C’est l’un des poissons préférés des Français. Pourtant, le thon contient du poison, révèleONG Bloom, au terme d’une enquête d’un an et demi publiée le 29 octobre. L’association de défense des océans a sélectionné 148 boîtes de thon provenant de cinq pays européens, dont la France, et les a fait tester par un laboratoire indépendant. Le résultat est édifiant : toutes les conserves sont contaminées au mercure.
Ce métal est considéré comme l’une des dix substances les plus préoccupantes au monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), juste après l’arsenic et le plomb. Son dérivé présent dans les aliments, le méthylmercure, est classé comme cancérigène possible par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Une fois ingéré, le méthylmercure passe dans le sang puis dans les organes. Même à faibles doses, l’ingestion régulière de cette substance peut entraîner des problèmes neuronaux, cardiovasculaires, immunitaires, rénaux et reproductifs.
Des tarifs 9 fois plus élevés
Comment un tel poison s’est-il retrouvé dans nos assiettes ? ? Émis par la combustion du charbon et les activités minières, le mercure retombe dans l’océan et est ensuite ingéré par les poissons sous sa forme la plus toxique, le méthylmercure. En tant que prédateur suprême, le thon accumule les métaux lourds contenus dans ses proies.
Si pour la plupart des poissons, comme le cabillaud ou les sardines, un seuil maximum de 0,3 milligramme (mg) de mercure par kilo de chair a été fixé, ce n’est pas le cas pour le thon, explique Bloom. Pour ce poisson comme pour l’espadon et le requin, le seuil de mercure à ne pas dépasser est de 1 mg/kg à l’état frais. « Ces espèces peuvent donc contenir trois fois plus de poison que d’autres et être autorisées à la vente.résume Bloom dans son rapport. Cependant, le mercure contenu dans le thon n’est pas moins toxique que celui contenu dans une sardine ou une morue. C’est incompréhensible. »
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Ces niveaux de mercure maximaux autorisés s’appliquent au thon frais et non au thon en conserve. L’ONG a demandé la Direction générale de l’alimentation (DGAL) quel taux était appliqué au thon en conserve. « Là DGAL nous a dit qu’elle n’avait pas cette information »déplore leONG. Or « le thon en conserve perd beaucoup d’eau, le mercure est donc deux à trois fois plus concentré que dans le thon frais »précise Bloom dans son rapport. Donc, « là DGAL ne peut pas déterminer si le thon en conserve est conforme ou non à la législation de l’UE sur le mercure »conclut Bloom. Selon ses calculs, une teneur en mercure de 1 mg/kg dans le thon frais initial conduit à une teneur théorique d’environ 2,7 mg/kg dans le thon en conserve. Le seuil de mercure applicable au thon en conserve peut donc être jusqu’à neuf fois supérieur à celui d’une sardine fraîche.
Des tarifs qui dépassent largement les recommandations fixées par les autorités sanitaires européennes. Pour éviter une trop grande contamination au mercure, ils ont défini une dose hebdomadaire tolérable (DHT) mercure : 1,3 microgrammes (µg) de méthylmercure par kilogramme de poids corporel. Si un enfant de trois ou quatre ans mange 100 grammes de thon en conserve contenant 2,7 mg/kg de mercure, comme la plupart des aliments en conserve analysés, il dépassera de 12,5 fois la dose hebdomadaire tolérable de mercure. Pour un adulte de 67 kilos, il le dépassera de 2,9 fois.
Et ce n’est pas le pire. Parmi les boîtes de thon testées par Bloom, celle de la marque Petit Navire présentait une teneur record de 3,9 mg/kg. « En mangeant cette boîte, un enfant de 40 kg n’a besoin que de 15 grammes pour dépasser la dose hebdomadaire tolérable, et un adulte n’a besoin que de 30 grammes. »indique l’association.
« Protéger les intérêts de l’industrie du thon »
« Le seuil dangereux fixé par les pouvoirs publics n’a pas été conçu pour protéger la santé de millions de consommateurs, mais pour protéger les intérêts de la filière thonière. »dénonce Bloom, qui alerte sur une contamination généralisée des populations.
Face à ce scandale sanitaire, Bloom, associé auONG de protection des consommateurs, Foodwatch, demande l’interdiction de la commercialisation des produits à base de thon dépassant 0,3 mg/kg de mercure, ainsi que de tous les produits contenant du thon dans les espaces les plus sensibles, comme les cantines scolaires et les restaurants. crèches. Enfin, les deux ONG demandent à la Commission européenne d’aligner le seuil de mercure pour le thon sur celui d’autres poissons, comme le cabillaud ou les sardines.
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