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Deux meurtres commis il y a 24 et 36 ans en Isère sur le point d’être élucidés ?

À première vue, les deux cas semblent très différents. En août 1988, le corps de Nathalie Boyer est retrouvé le long de la voie ferrée à Saint-Quentin-Fallavier. La jeune fille de 15 ans, portée disparue la veille, a été égorgée. Douze ans plus tard, en mai 2000, le cadavre de Laïla Afif, 40 ans, est découvert flottant dans la Bourbre, à La Verpillière. Cette mère de cinq enfants a été tuée d’une balle dans la nuque alors qu’elle allait inscrire un de ses fils au BEP. Jusqu’à présent, rien ne liait ces deux cold cases, si ce n’est qu’ils se sont produits dans deux communes voisines de l’Isère, au sud de Lyon.

Lundi cependant, un homme d’une soixantaine d’années a été interpellé près de Dijon, soupçonné d’être l’auteur des deux meurtres, a-t-on appris. 20 minutes de sources concordantes, confirmant une information de RTL. C’est l’ADN retrouvé sur l’un des sceaux du dossier Afif qui a permis de retrouver la trace de ce sexagénaire, originaire de la région grenobloise mais installé en Bourgogne. Si les scellés concernant le meurtre de l’adolescent ont été détruits – il n’y a pas d’ADN – les enquêteurs sont parvenus à combiner les deux dossiers, s’appuyant notamment sur une série d’éléments de preuve.

« C’est un immense soulagement pour la famille de Nathalie Boyer »

Dans les deux cas, toutes les voies ont conduit à des impasses. «C’est un immense soulagement pour la famille de Nathalie Boyer de dire qu’il y a enfin un espoir d’avoir des réponses», assure leur avocate, Me Corinne Hermann. Et de nuancer : « C’est en même temps un bouleversement dans leur vie. Il y a une forme de colère, ils se demandent pourquoi cela n’arrive que maintenant. » L’autopsie n’a révélé aucune trace d’agression sexuelle. Faute de pistes sérieuses, l’affaire a été classée sans suite au bout de trois ans. Il a été brièvement rouvert en 1994, lorsque les soupçons se sont portés sur un Anglais. Ce dernier a été rapidement disculpé. « Mes clients ont été malmenés par la justice et ont déjà vu leur dossier classé à deux reprises, donc évidemment ils sont sur leurs gardes », insiste Me Corinne Hermann.

Cette affaire sera finalement l’une des premières à être reprise par le centre « cold case » de Nanterre, lors de sa création en 2022. Comme celle de Leïla Afif, tuée à bout portant. Là encore, l’enquête a traîné longtemps. « Lors de la création du centre, nous avons transmis une dizaine de dossiers, notamment toute la série des personnes disparues de l’Isère », rappelle l’ancien procureur Jacques Dallest. Et de préciser : « Si ces dossiers ont avancé, c’est parce qu’ils ont été repris de A à Z. Tous les éléments ont été relus, réexaminés, replacés dans leur contexte. Les sceaux ont fait l’objet de nouvelles analyses. C’est l’essence même de ce pôle. »

ADN parental

Selon une source proche du dossier, les enquêteurs ont identifié le suspect grâce à l’ADN d’un membre de sa famille, selon la technique de l’ADN de parenté. Il s’agit d’une méthode qui permet d’établir des liens en élargissant les comparaisons avec votre entourage. Le suspect n’était pourtant pas un inconnu de la justice. Selon une source proche du dossier, confirmant une information de Dauphiné Libérécet homme de 62 ans aurait été condamné en 2002 pour avoir violé ses filles. Pourquoi cet homme n’a-t-il pas été inscrit à la Fnaeg, le fichier national des empreintes génétiques, entré en vigueur en 2001 ? « Les enquêtes le diront. Peut-être avait-il été arrêté juste avant sa candidature ? », hasarde l’ancien magistrat.

Notre dossier sur les cold cases

Mais comment expliquer des modes de fonctionnement et des profils aussi différents dans les deux dossiers ? « Il faut s’éloigner du schéma très américain du tueur en série qui reproduit ses crimes », poursuit Jacques Dallest. C’est très rare, sauf peut-être Guy Georges. » Et le magistrat a cité l’exemple de Michel Fourniret ou encore celui de Nordahl Lelandais, reconnu coupable du meurtre d’une petite fille et d’un militaire. La garde à vue du suspect devrait prendre fin ce jeudi.

Cammile Bussière

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