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Deux femmes témoignent contre Jacques Doillon

Après la sortie de garde à vue de Jacques Doillon en début de semaine, deux femmes ont évoqué samedi 6 juillet sur BFMTV les viols et tentatives de viol qu’elles disent avoir subis de la part du cinéaste lorsqu’elles étaient adolescentes.

« J’ai cette histoire dans le cœur et dans l’âme depuis 25 ans. » Sur le plateau de BFMTV, Aurélie Le Ro’ch, auteure et comédienne, revient sur les faits qui l’ont conduite à porter plainte contre le cinéaste Jacques Doillon en février dernier pour tentative de viol. Hélène, qui a porté plainte contre le même homme pour viol en mars, raconte également son histoire. Des faits que Jacques Doillon conteste.

Aurélie Le Ro’ch avait presque 21 ans et venait de terminer sa licence de philosophie lorsqu’elle a été embauchée comme stagiaire sur le tournage du film Petits frères du célèbre réalisateur.

« Il m’a flairée, il s’est approché de moi, il m’a proposé de faire quelques scènes en tant que figurante et ensuite il a recueilli des informations sur moi », raconte-t-elle, assurant qu’elle voulait devenir actrice.

« À partir de là, il m’a proposé de m’aider, il m’a donné lui-même son téléphone portable et il m’a proposé de nous rencontrer dans un café », ajoute l’auteur.

« Il m’a conduit à l’abattoir »

Changeant d’adresse à la dernière minute, Jacques Doillon lui a finalement proposé de la rejoindre chez lui où il était seul selon son récit. « Pendant deux heures », explique-t-elle, le cinéaste « l’a endormie avec ses mots » et lui a promis qu’il « lui donnerait un coup de pouce ».

« Il m’a servi bière sur bière, j’avais l’impression de commencer à m’endormir un peu, je ne me sentais pas bien », se souvient Aurélie Le Ro’ch. Puis, il aurait proposé de poursuivre la visite, « à un moment donné entre la pizza et la glace Häagen-Dazs ».

« Il a ouvert une petite porte, il m’a conduite comme à l’abattoir dans un grenier, une impasse. Il m’a coincée pour me violer », raconte-t-elle.

Avant d’entrer dans les détails : « Je transpirais, je tremblais, j’avais la bouche sèche, je ne me sentais pas bien du tout. (…) Entre mon corps et mon esprit, ça ne fonctionnait pas du tout. J’ai failli m’effondrer, m’évanouir. »

Aurélie Le Ro’ch raconte ensuite qu’il l’a « attrapée par le bras » et « tirée vers le lit ». « On a eu une bagarre très, très forte, j’ai réussi à m’échapper (…) Je suis ressortie de là complètement traumatisée et humiliée », se souvient-elle, pointant son ostracisme le lendemain par l’équipe du tournage.

« Il avait certainement parlé aux gens. Les gens ne me regardaient plus, ils m’abusaient, il y avait de très gros problèmes derrière ça (…) C’était un tel crève-cœur de voir l’omerta sur les plateaux de tournage », conclut l’actrice expliquant avoir fait « une tentative de suicide dans l’année qui a suivi », étant « seule » à surmonter cette épreuve.

« Il m’a fallu 25 ans pour comprendre que ce n’était pas normal »

Un témoignage qu’Hélène, 44 ans, accueille avec « consternation » et « soulagement ».

« C’est un choc de se rendre compte qu’on est plusieurs, et en même temps c’est un grand soulagement parce qu’on est forts ensemble », confie l’analyste politique et auteure de contes pour enfants qui dit avoir appris les autres accusations grâce à Judith Godrèche. L’actrice avait été la première à accuser les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon de viol sur mineure, en février dernier.

Hélène explique depuis le Canada, où elle vit aujourd’hui, qu’en 1995, à l’âge de 15 ans, elle écrivait fréquemment à Jacques Doillon pour lui « raconter sa vie et ses tourments d’adolescente », pensant, au vu de sa filmographie, qu’il « était la personne idéale pour comprendre le monde adolescent ». Ils se sont rencontrés en personne à plusieurs reprises au cours de l’été 1995. À cette époque, elle affirme n’avoir « aucune crainte » car « tout allait bien ».

En décembre, le cinéaste l’a appelée chez lui et lui a demandé de le rejoindre.

« N’ayant aucune raison de refuser, j’y suis allée. Et ce qui s’est passé, c’est que j’ai été très vite violée par un acte de sodomie », raconte Hélène, hésitant à utiliser des mots « crus ».

Elle explique ensuite avoir continué à le fréquenter pendant une période d’un an et demi parce qu’elle ne « comprenait pas ce qui se passait » et n’était pas « en mesure de le remettre en question ». D’abord en raison de son « jeune âge » et de son « expérience sexuelle très minime à l’époque » et ensuite en raison de « l’autorité » de cet homme, à la fois artistique et de par son âge.

« J’ai subi à plusieurs reprises ce type d’agression et d’autres actes que je ne nommerai pas, mais que je trouvais dégoûtants à l’époque. Il m’a fallu 25 ans pour me rendre compte que ce n’était pas normal », ajoute-t-elle.

« Cela va se reproduire »

Les deux femmes dénoncent le délai de prescription en vigueur en France. Hélène dit trouver révoltant « d’être dans une société où l’on peut avoir un auteur présumé de crimes sexuels qui, au bout d’un certain délai, ne sera plus poursuivi par la justice ».

« Tant que l’on ne voudra pas se salir les mains au sujet de cette imprescriptibilité, la racine du mal restera, cela se reproduira », ajoute Aurélie Le Ro’ch :

Essuyant les larmes qui coulent discrètement du coin de ses yeux, l’actrice assure que Jacques Doillon « a profité de leur fragilité de jeunes filles ».

« S’il y a abus de pouvoir, il y a abus de confiance dans l’innocence, les espoirs et le corps des jeunes filles », estime-t-elle.

Visé par quatre plaintes, Jacques Doillon a été placé en garde à vue lundi 1er juillet. Une garde à vue levée pour raisons médicales. Le parquet de Paris a été saisi de la procédure pour évaluer la portée et les modalités des suites à donner. Le parquet de Paris avait ouvert une enquête contre lui et le réalisateur Benoît Jacquot pour « viols sur mineur de moins de 15 ans par personne ayant autorité », « viols », « violences par concubin et agressions sexuelles sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité ».

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Cammile Bussière

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