Les océans abritent certaines des créatures les plus étranges et les plus fascinantes du monde et parmi elles, les méduses peignes (ou cténophores) occupent une place particulière. Connues pour leur aspect translucide et leurs effets de lumière chatoyants, ces créatures marines parfois confondues avec les méduses classiques semblent tout droit sorties d’un film de science-fiction. Cependant, ce ne sont pas leurs caractéristiques lumineuses qui ont captivé les scientifiques, mais une découverte aussi surprenante qu’inattendue : les cténophores sont capables de fusionner entre eux lorsqu’ils sont blessés pour créer un nouvel être vivant. Cette adaptation unique, jamais observée auparavant, pourrait révolutionner notre compréhension du règne animal.
Une découverte par hasard
Cette capacité de fusion a été découverte par hasard par une équipe de chercheurs dirigée par Kei Jokura, biologiste évolutionniste à l’Université d’Exeter au Royaume-Uni. En menant des expériences de routine sur les méduses verruqueuses (ou noix de mer, Mnémiopsis leidyi), les chercheurs ont remarqué que l’un des cténophores avait disparu d’un aquarium de laboratoire. En y regardant de plus près, ils ont finalement réalisé qu’en réalité, deux spécimens avaient fusionné pour ne former qu’un seul individu, sans aucune séparation visible entre eux.
Si dans la nature de nombreux animaux peuvent se régénérer après une blessure, la fusion des méduses en peigne est quelque chose totalement nouveau pour les scientifiques. Jusqu’à cette étude, aucun exemple de ce type n’avait effectivement été documenté. Ce phénomène inédit a alors donné lieu à une série d’expérimentations pour comprendre comment et pourquoi cette fusion s’est produite.
Une adaptation mystérieuse
Pour comprendre ce mécanisme, les chercheurs ont légèrement blessé des méduses en peigne en laboratoire et les ont placées ensemble. Sur vingt essais, neuf paires ont réussi à fusionner en un seul organisme. En moins de vingt-quatre heures, les corps des deux méduses s’étaient entièrement réunis et en quelques heures encore, leurs systèmes nerveux les respectifs s’étaient synchronisés. Les chercheurs ont même observé que deux estomacs fusionnésce qui permet ainsi à la nourriture ingérée par l’une des bouches de circuler librement entre les deux organismes désormais réunis.
Mais pourquoi ce phénomène se produit-il ? Les scientifiques pensent que cette fusion pourrait être une forme d’adaptation aux blessures graves. Lorsque deux méduses blessées se trouvent à proximité, elles semblent préférer fusionner plutôt que se régénérer indépendamment. Ce processus leur permettrait de survivre ensemble en partageant des ressources, comme leur système nerveux et leur estomac.
Une seule entité temporaire
Malgré leur apparence d’organisme unique, les méduses fusionnées ne forment pas un véritable individu unique. Ils en fait chacun conserve son propre ADNce qui signifie que cette fusion ne peut pas être transmise à la génération suivante. Ainsi, les chercheurs parlent plutôt d’une seule entité temporaire formée par la fusion de deux individus distincts.
Notez que ceci le comportement des cténophores est probablement très rare dans leur habitat naturel, les profondeurs marines. La fusion n’a lieu que si deux individus blessés se trouvent à proximité l’un de l’autre, une situation rare dans l’immensité des océans. De plus, ces méduses possèdent déjà une capacité de régénération très efficace qui leur permet de se remettre de blessures sans avoir besoin de fusionner.
Un avenir à explorer
L’équipe de Kei Jokura ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Les chercheurs prévoient d’étudier d’autres espèces de cténophores pour voir si elles sont également capables de fusionner. Une espèce, appelée Bolinopsis mikadofera bientôt l’objet d’une nouvelle série d’expérimentations.
En fin de compte, cette découverte sur la fusion des méduses en peigne ouvre une nouvelle porte à la compréhension de la biodiversité marine et des capacités surprenantes qu’elle possède. Alors que l’océan continue de révéler ses secrets, il nous rappelle à quel point le monde sous-marin est encore largement inexploré et plein de mystères.