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Deux ans de prison avec sursis requis contre l’ancien PDG d’EDF Henri Proglio

C’était « l’acte du prince »: le parquet a requis mardi deux ans de prison avec sursis et 200 000 euros d’amende contre Henri Proglio, PDG d’EDF de 2009 à 2014, jugé à Paris pour « favoritisme »pour avoir recruté des consultants en dehors des règles de la concurrence.

« C’est à son initiative que cette procédure dérogatoire et illégale a été mise en œuvre »a insisté le représentant du Parquet national financier (PNF) Sébastien de la Touanne.

Le magistrat a également requis un million d’euros d’amende à l’encontre d’EDF, poursuivie comme personne morale. Un montant raisonnable, qui ne risque pas  » couler «  le géant public, a souligné le procureur.

En défense, Me Jean Reinhart, avocat de l’entreprise, a plaidé la relaxe, soulignant qu’une condamnation, même si elle n’était pas inscrite au casier judiciaire, empêcherait le groupe industriel de postuler à certains marchés internationaux.

Ce procès concerne 44 contrats litigieux conclus pour environ 36 millions d’euros au total, avec des communicants, d’anciens chefs d’entreprise, des magistrats, des avocats ou des journalistes. Les consultants, rémunérés chacun entre 40 000 et quatre millions d’euros sur plusieurs années, avaient été recrutés pour des missions de « pression », « information », « conseil stratégique »dans  » communication «  Ou  » gestion des risques « . Seuls sont poursuivis – pour « dissimuler le favoritisme » – ceux ayant reçu plus de 400 000 euros.

Soupçons de favoritisme : deux ans de prison avec sursis requis contre l'ancien PDG d'EDF Henri Proglio

À l’audience, M. Proglio a plaidé « efficacité » et a réfuté toute volonté de contourner les règles. De leur côté, la plupart des 11 consultants poursuivis – neuf particuliers et deux entreprises, jugés pour recel de favoritisme – se sont défendus en expliquant qu’ils n’avaient pas « jamais imaginé » que nous pouvons les demander en dehors des règles.

Dans ce dossier, « aucune procédure d’appel d’offres, même la plus simplifiée, n’a été mise en œuvre », a souligné le procureur. Et bon nombre de consultants n’ont été embauchés que parce qu’ils connaissaient personnellement M. Proglio. « C’est l’œuvre du prince »il ajouta.

« Vu à la télé »

Soupçons de favoritisme : deux ans de prison avec sursis requis contre l'ancien PDG d'EDF Henri Proglio

Le magistrat a ainsi ironisé, entre autres exemples, sur le recrutement du physicien et ancien ministre Claude Allègre, payé 336 000 euros (hors taxes) pour mener un lobbying pro-nucléaire. « Il avait une réputation, une crédibilité et je n’en connaissais pas d’autres »M. Proglio s’est expliqué à son sujet lors de l’audience du mois de mai.

Une justification qui suscite les railleries du procureur : « c’est le fameux ‘vu à la télé’ qui permet de s’exonérer des règles de la commande publique »il a observé.

Le procureur a rejeté la « fausses excuses » de certains prévenus, comme le fait que les procédures de gré à gré auraient été justifiées par un « urgence impérative » recruter. Selon lui, la jurisprudence est restrictive sur ce point et il aurait fallu que cette urgence soit liée à un « événement imprévisible », ce qui n’était clairement pas le cas.

Soupçons de favoritisme : deux ans de prison avec sursis requis contre l'ancien PDG d'EDF Henri Proglio

Quant aux 11 consultants poursuivis – parmi lesquels les anciens journalistes Jean de Belot et Laïd Sammari, le criminologue Alain Bauer, ou encore le cabinet de conseil de l’ancien PDG de Vivendi Jean-Marie Messier – ils « ne pouvait pas ignorer » qu’aucun concours n’a été organisé, a souligné l’autre représentante du PNF, Bénérice Dinh.

Les sanctions requises à leur encontre – pour chacune, une amende, une peine de prison et une interdiction de postuler aux marchés publics – étaient modulées en fonction du montant des marchés litigieux.

Elles vont de six mois à 18 mois de prison et une amende de 121 000 à un million d’euros. Seul l’ancien directeur de Gaz de France et de la SNCF, Loïk Le Floch-Prigent, a vu le parquet requérir contre lui une peine de prison (un an), en raison de son casier judiciaire – il a été condamné en 2003 dans l’affaire Elf.

Lors de l’audition, chacun a expliqué en substance avoir été choisi d’un commun accord pour ses compétences avancées dans le domaine de son choix : « On n’a jamais vu autant de spécialistes autoproclamés dans leur domaine »a plaisanté le procureur. « C’est l’avantage de l’auto-proclamation : pas besoin de compétition, on prend un café, on signe un contrat au bout de la table, c’est entre nous ».

Le procès doit se terminer vendredi avec les arguments finaux de la défense, dont ceux de M. Proglio. Après quoi, le tribunal réservera sa décision. La décision devrait être prise dans plusieurs mois.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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