Après Standard & Poor’s fin février et Fitch en mars, la France ne verra pas officiellement sa note maintenue par Moody’s, l’agence de notation américaine. Mais c’est tout comme. Cette dernière a en effet décidé de s’abstenir de noter la France. Le pays était au niveau « Aa3 », soit une dette de « qualité élevée », selon les critères de notation. Cette note détermine les taux auxquels un pays peut emprunter auprès des marchés.
En clair, une nouvelle dégradation, après celle infligée en décembre par Moody’s, aurait fait flamber les taux d’intérêt auxquels la France emprunte, et encore alourdi la charge de la dette. Le coup aurait été rude, alors que les soubresauts sur les marchés, suite aux différentes annonces de Donald Trump sur les droits de douane, amènent déjà son lot d’instabilité. L’agence n’a pas dégradé la note, mais ne s’est pas mouillée. Ce qui équivaut de fait par extension à un maintien au niveau actuel, à savoir « Aa3″, (l’équivalent d’un 17/20).
Ce statu quo n’a rien d’une surprise. « En décembre, Moody’s avait pointé l’instabilité politique, comme le principal risque, souligne Julien Lecumberry, économiste au Crédit mutuel Arkéa. Sur ce point, avec le passage du budget et l’absence de censure du gouvernement de François Bayrou, nous avons réussi. De fait, nous avons évité le scénario cauchemardesque, où dans un environnement macroéconomique significativement dégradé, nous aurions rencontré d’immenses difficultés. »
La crainte d’une récession de l’autre côté de l’Atlantique
Ce premier passage d’obstacle n’apporte aucune garantie pour l’avenir. D’abord, l’intense guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, et peut-être un jour avec l’Europe, pourrait avoir des répercussions sur les finances publiques françaises. Si une récession survient de l’autre côté de l’Atlantique, ce que certains économistes commencent à redouter au cas où Donald Trump s’obstine, les conséquences sur l’économie mondiale seront importantes. « L’ensemble des échanges se dégraderont, y compris les nôtres. Nous aurions encore moins de croissance, alors que les prévisions du gouvernement, à 0,7 %, paraissent déjà optimistes. »
Surtout, les conditions de financement des États-Unis sur les marchés se tendent, avec une augmentation des taux d’intérêt. Avec le risque d’entraîner dans son sillage d’autres pays, notamment en Europe. L’OAT à dix ans de la France — le taux auquel les États empruntent sur cette période et qui sert de référence — a grimpé à 3,35 %. « Il était encore à 3,25 il y a quelques jours, rappelle Julien Lecumberry. Ce n’est encore pas problématique. Mais s’il y a une flambée sur celui des Américains, nous aurons des répercussions à court terme. »
À plus longue échéance, le gouvernement devra maintenir sa trajectoire pour une réduction des dépenses publiques s’il veut maintenir sa note. À ce stade, le Premier ministre François Bayrou et le ministère de l’Économie tiennent un discours de fermeté. « Le seul cas où ils pourraient en dévier, c’est si une guerre commerciale prolongée se déclenche avec les Américains, relève l’économiste du Crédit mutuel Arkéa. Maintenant, des gages seront attendus à la rentrée, quand le budget 2026 sera en train d’être élaboré. Il faudra poursuivre l’effort, sous peine de voir la dette déraper, et la note baisser. »