Des vols moins chers, une demande en berne : les compagnies aériennes ont-elles vu trop grand cet été ? – 30/07/2024 à 09:36
Le prix moyen des vols internationaux au départ de la France a baissé de 4,4% sur un an en juin.
(illustration) (AFP/EMMANUEL DUNAND)
Les compagnies aériennes ont-elles eu les yeux plus gros que le ventre ? Après deux années de reprise vigoureuse post-Covid, l’offre de sièges dépasse parfois la demande cet été, ce qui se traduit par des billets moins chers et des marges plus faibles.
Dès le printemps, des promotions inhabituelles sur des destinations estivales populaires au départ de l’Europe, comme la Grèce et le Canada, avaient montré que certaines compagnies aériennes avaient du mal à remplir leurs avions au rythme prévu.
Ces derniers jours, les principaux transporteurs ont prévenu qu’ils n’atteindraient pas leurs objectifs annuels :
Le 22 juillet, le groupe allemand Lufthansa a revu à la baisse ses prévisions de bénéfices,
sa société du même nom étant « particulièrement touchée par les défis posés par l’évolution négative du marché ».
Le même jour,
La compagnie aérienne low cost irlandaise Ryanair a annoncé un bénéfice net trimestriel presque divisé par deux
en raison d’un taux moyen en baisse de 15% sur un an.
« Les gens voyagent (…) mais nous sommes obligés de faire de plus en plus de coupes budgétaires pour remplir nos avions »,
a déclaré le PDG Michael O’Leary.
Air France-KLM, dont la marge opérationnelle trimestrielle a reculé de 3,1 points à 6,5%, a revu à la baisse jeudi sa croissance de capacités pour 2024, de 5% à 4% par rapport à 2023. Le groupe est également affecté par les Jeux olympiques de Paris qui devraient entraîner une perte de 200 millions d’euros.
Au sein de la compagnie franco-néerlandaise, le taux d’occupation des avions a reculé de 0,1 point sur un an au deuxième trimestre, et même de 1,7 point sur les lignes habituellement très rentables vers l’Amérique du Nord.
Conséquence : les prix des billets chutent. Selon la Direction générale de l’aviation civile, le prix moyen des vols internationaux au départ de la France a baissé de 4,4 % sur un an en juin, et même de 5,7 % pour les lignes nord-atlantiques.
Baisse de la demande
Selon les données de la Réserve fédérale de Saint-Louis, l’indice des tarifs aériens au départ des villes américaines est retombé en juin au niveau de mai 2022. Hors crise sanitaire, cet indice n’avait pas été aussi bas depuis juin 2009.
American Airlines, qui avait déjà émis un avertissement sur résultats fin mai, a évoqué jeudi un « déséquilibre entre l’offre et la demande intérieures » aux Etats-Unis, au-delà de l’échec de sa nouvelle stratégie commerciale, après une publication financière inférieure aux attentes.
Depuis Paris, il est possible de trouver des vols aller-retour directs vers New York pour 750 euros pour fin août sur les grandes compagnies aériennes. « Ce sont des prix qu’on n’avait jamais vus en période de pointe », relève un vétéran du transport aérien qui s’exprime sous couvert d’anonymat.
Les prix avaient fortement augmenté à la fin de la crise sanitaire, lorsque le retour brutal de la demande avait pris de court certaines compagnies, contraintes par des difficultés d’approvisionnement et des retards dans les livraisons d’avions, autant de facteurs qui avaient fait exploser leurs coûts.
Mais au moins en Europe et aux États-Unis, la situation semble avoir changé du côté des recettes.
Le 24 juillet, l’agence de notation financière Fitch Ratings avait identifié, parmi les « facteurs clés à surveiller » pour les compagnies aériennes européennes, moyen-orientales et africaines, leur « capacité à augmenter ou maintenir les tarifs aériens pour compenser l’augmentation des coûts unitaires, notamment pour la maintenance et les salaires ».
« A partir du moment où vous avez une baisse de la demande, il est évident que vous avez une situation de surcapacité sur le marché », explique Pascal de Izaguirre, actuel président de la Fédération nationale de l’aviation et de ses professions (Fnam), qui regroupe la filière aérienne française.
La loi éternelle de l’offre et de la demande signifie que cela « entraîne une érosion des prix », souligne-t-il.
Mauvaise nouvelle pour les entreprises qui ont à peine eu le temps de respirer après le Covid, réalisant un bénéfice cumulé de 27,4 milliards de dollars en 2023, selon leur principale organisation mondiale, l’IATA.
Début juin déjà, l’association leur promettait encore 30,5 milliards de recettes cette année, et un nombre record de passagers aériens, soit 4,96 milliards contre 4,54 en 2019, avant la crise sanitaire.