Nadal et le tennis appartiennent définitivement au passé après la défaite de l’Espagne mardi en quarts de finale de la Coupe Davis. A cette occasion, 20 Minutes publie une série d’articles sur la légende du tennis aux 22 titres du Grand Chelem. Aujourd’hui, retour sur la cérémonie d’avant-match de l’Espagnol dans les vestiaires, entre échauffement et intimidation de l’adversaire.
Début juin 2022, Casper Ruud passe à côté de la chance de sa vie lors de la finale de Roland-Garros. Face à lui, un Rafael Nadal à l’agonie, pas amputé d’un pied mais presque. « Je lui ai fait face alors qu’il ne pouvait plus marcher parce qu’il avait mal au pied », a souligné le Norvégien, encore sous le choc un an plus tard. Ce jour-là, Ruud a fait plus que perdre ce match : Rafa l’a écrasé, 6-3, 6-3, 6-0. Rien de honteux en soi, même au plus haut stade de la compétition. Federer et Djokovic ont pu goûter bien avant lui le bagel aromatisé à l’argile en édition limitée de Roland-Garros. Mais ces deux-là avaient l’excuse d’un adversaire au sommet de son art.
Comment perdre alors contre une bête blessée au crépuscule de sa vie sportive ? La réponse réside autant dans l’expérience – Nadal disputait sa 14e finale à Roland, Ruud était un rookie – que dans l’esprit. Après la rencontre, les images de l’Espagnol bondissant et sprintant dans tous les sens sous les yeux émerveillés de sa future victime dans les couloirs du Chatrier ont fait le tour des réseaux et ont été désignées par les observateurs comme le point de bascule d’un match qui n’avait même pas commencé. .
Nadal a même intimidé Djokovic
Une sensation que Nicolás Almagro connaît bien pour l’avoir vécue au même endroit, même si plus tôt dans le tournoi. « A Paris, il avait l’avantage de repartir presque toujours avec un set à zéro », a confié l’Espagnol à 20 minutes avant la quinzaine parisienne. Si l’on ajoute à cela l’intensité avec laquelle il s’échauffait dans le couloir en attendant d’entrer sur le terrain, combien les supporters attendaient qu’il sorte, cette pression n’a fait qu’augmenter un peu plus. » « On se dit : « wow, s’il est comme ça à l’échauffement, comment va-t-il être sur le terrain ? », a déclaré Paul-Henri Mathieu à Eurosport. Sachant qu’il démarre le match le pied au sol et qu’il ne relâche la pédale d’accélérateur que lorsqu’il a serré la main de l’adversaire. Il vous met dans une machine à laver et il ne s’arrête pas. » Le même Polo avait tenté un jour de retourner l’arme contre son instigateur avant un huitième de finale à l’Open d’Australie. Bonne idée en théorie, moins en pratique : le Français s’est blessé dès le premier point du match.
Plus largement, l’ensemble du circuit a un jour ou l’autre subi l’aura de Nadal. Même Novak Djokovic. « La façon dont il saute avant le match dans les vestiaires, il sprinte à côté de toi, j’entendais même la musique qu’il écoutait dans ses écouteurs », a confié le Serbe à CBS. Au début de ma carrière, cela m’intimidait. » « Rafa a eu raison de le faire car il lui fallait gagner quelques matches comme ça, avant de revenir sur le terrain », affirme Jo-Wilfried Tsonga, aujourd’hui consultant Prime Video. Cette façon de s’échauffer, d’entrer sur le terrain, son saut au moment du lancer, le sprint, ça fait partie du caractère. Les premières fois, j’étais là en mode « mec, tu sais pas à qui tu parles » (rires). J’ai vraiment aimé ça. Le langage corporel était important pour moi, et quand il sautait en Australie en 2008, j’étais assis sur mon siège et je le tapotais comme pour lui dire « vous verrez » (rires). » Spoiler : il a vu.
Très soucieux de la morale, l’Ibère réfute néanmoins toute manœuvre volontaire dans un entretien avec El País. « Je n’ai jamais eu l’intention de le faire (intimidateur). Je m’échauffe comme ça, en essayant de me préparer et de jouer. Je m’entraîne, rien de plus. »
Marc Maury, l’autre énigme psychologique
Avant d’être un fardeau pour Rafa, le poids des années a fini par être un allié dans la guerre psychologique avec ses adversaires, principalement à Roland-Garros, où Marc Maury a eu un jour la bonne idée de faire de son CV parisien un gimmick pour chauffer le bureau central (au point d’essayer de le proposer aux autres de manière assez caricaturale). « 2005, 2006, 2007, 2008, 2010… » jusqu’à ce que la foule éclate en extase. Il fallait voir comme le public attendait ça, fin mai dernier, lors du premier tour perdu contre Alexander Zverev. « Quand on arrive à ‘2008’, je me noie déjà, c’est électrique, le chatouillement derrière l’oreille », confiait Maury l’an dernier au site du tournoi parisien. Je me souviens qu’en 2020, Sebastian Korda jouait contre lui au quatrième tour et il m’avait dit : »Je ne connais pas le français, mais j’ai compris très vite que tu parlais d’années. J’étais tellement nerveux, j’ai tout de suite su que j’étais sous pression. »
Grand admirateur de l’ancien numéro 1 mondial, Corentin Moutet a vécu le moment avec plus de détachement lors du 3e tour de Roland-Garros 2022. « Je n’ai pas été impressionné, mais c’est vrai que j’ai eu des frissons quand (Marc Maury) l’a annoncé. J’ai vu tellement de fois cette scène, sans que ce soit moi au sol, que j’avais l’impression que c’était de la VR où on vous mettait dans quelque chose où l’on a envie d’être. » Quitte à prendre du 6-3, 6-1, 6-4, autant profiter du moment.