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Des soldats de la paix peuvent-ils être déployés dans les territoires palestiniens, comme le propose la Ligue arabe ?

Les pays arabes ont suggéré jeudi l’envoi de « forces internationales de maintien de la paix et de protection de l’ONU » dans le cadre d’un vaste plan visant à résoudre le conflit. Mais ce projet a, à ce stade, peu de chances d’aboutir.

Des soldats de la paix à Gaza et en Cisjordanie ? La Ligue arabe, réunie jeudi 16 mai à Bahreïn, le propose, dans le cadre d’un plan visant à mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas. Alors que Tel-Aviv a intensifié ses opérations à Rafah, où sont massés plus d’un million de déplacés, la Ligue appelle à « une conférence internationale sous les auspices de l’ONU » pour résoudre le conflit « basé sur la solution bidirectionnelle États ». Dans le communiqué final du sommet, les dirigeants arabes ont également évoqué la déploiement de « Forces internationales de protection et de maintien de la paix de l’ONU dans les territoires palestiniens occupés »pendant que cette solution à deux États est mise en œuvre.

En novembre, le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani avait déjà évoqué cette idée. « Je pense que l’ONU peut jouer un rôle comme elle le fait, avec la FINUL, entre le Hezbollah et Israël », il a dit. Forte de 10 000 hommes, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) est chargée, depuis 1978, de contribuer au maintien de la paix à la frontière entre Israël et son voisin. Une présence qui n’a pas empêché les affrontements armés quasi quotidiens entre le Hezbollah et Tsahal ces derniers mois.

La proposition d’une mission similaire de l’ONU dans les territoires palestiniens a, à ce stade, peu de chances d’aboutir. « Il devrait déjà y avoir une paix à maintenir. Nous n’intervenons pas dans les combats”rappelle le porte-parole de l’ONU, Farhan Haq, au New York Times. Les gardiens de la paix « n’imposez pas la paix », expliquait déjà leur chef à l’AFP en novembre. Ils interviennent pour protéger les civils, si un accord de cessez-le-feu a été conclu, afin de « créer les conditions permettant à un processus politique d’avancer et de conduire à une paix durable »a expliqué Jean-Pierre Lacroix.

La fin des combats est aussi la première étape du plan mis sur la table par la Ligue arabe, note Romuald Sciora, essayiste et directeur de l’observatoire politique et géostratégique des Etats-Unis à l’Iris. « Il appelle d’abord à un cessez-le-feu immédiat, puis au retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza, à la fin du siège imposé au territoire palestinien, à l’organisation d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, de la la reconnaissance d’un État palestinien et enfin, si toutes ces conditions sont remplies, le déploiement de soldats de maintien de la paix jusqu’à ce que la solution à deux États soit effective.énumère le chercheur.

Cependant, la perspective d’un cessez-le-feu à Gaza s’est à nouveau éloignée après le rejet d’un projet d’accord par Israël début mai. L’offensive israélienne sur Rafah, lancée au même moment, « Retour » discussions avec le Hamas, a noté le Qatar, l’un des trois médiateurs avec l’Egypte et les Etats-Unis. « Pour le moment, nous sommes presque dans une impasse »a déploré le Premier ministre qatari, mardi 14 mai.

« A ce stade, le plan de la Ligue arabe n’a aucune chance d’être mis en œuvre. Il est très peu probable qu’Israël accepte un cessez-le-feu immédiat et, même s’il le faisait, il refuserait à court terme de retirer ses troupes et de mettre fin au siège. de Gaza. »

Romuald Sciora, chercheur associé à l’Iris

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Une opération Casques bleus nécessiterait également l’approbation du Conseil de sécurité de l’ONU, où les États-Unis ont déjà opposé leur veto à plusieurs reprises à des projets de résolution condamnant l’offensive menée par Tel-Aviv. Selon New York Timesun porte-parole du Département d’État a déjà laissé entendre que la Maison Blanche ne soutiendrait pas le déploiement des forces de l’ONU, déclarant à la presse que « envoyer des forces de sécurité supplémentaires » pourrait compromettre l’objectif d’Israël de démanteler le Hamas.

Quoi qu’il en soit, une intervention des Nations Unies ne peut être organisée qu’avec l’accord d’Israël. « Lles parties prenantes (entrer en conflit) devons accepter la présence de forces de maintien de la paix », souligne le porte-parole de l’ONU, Farhan Haq, à New York Times. « Nous n’intervenons pas en tant qu’ennemi ou force d’occupation. » On imagine mal le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, fervent opposant à la création d’un État palestinien, accepter une mission censée maintenir la paix jusqu’à la mise en œuvre de la solution à deux États.

« Israël a actuellement une attitude très négative envers l’ONU », note également Richard Gowan, spécialiste des Nations Unies à l’ONG Crisis Group. Ces derniers mois, Tel Aviv a accusé des employés de l’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, d’avoir collaboré avec le Hamas, sans fournir de preuves pour étayer ses affirmations. « Les Israéliens ont également été très critiques à l’égard (FINUL)qui, selon eux, ne fait pas assez pour contrôler le Hezbollah dans le sud du Liban.rapporte-t-il.

« Il n’est pas certain que les Israéliens feraient confiance à l’ONU pour maintenir la paix dans la bande de Gaza. »

Richard Gowan, spécialiste de l’ONU

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Même si la communauté internationale donnait son feu vert, le déploiement de casques bleus soulèverait des questions logistiques. « Une fois que le Conseil de sécurité a voté en faveur d’une opération de maintien de la paix, le secrétaire général de l’ONU est chargé de consulter les différents États membres pour rassembler un contingent de militaire », détaille Romuald Sciora. Le mode de financement et la mission de cette force doivent également être définis avec l’accord du Conseil. Un processus qui prend habituellement « beaucoup de temps ».

« Si toutes les conditions étaient réunies, le déploiement d’une force de maintien de la paix pourrait aller très vite, car ce serait une priorité de l’ONU », croit au contraire connaître Richard Gowan. Cependant, « l’exemple du Mali a montré que les forces de l’ONU sont mal équipées pour faire face aux groupes terroristesil prévient. Si le Hamas était vaincu militairement mais que ses combattants restaient capables de mener des attaques, (les soldats de la paix) pourrait être très vulnérable. »

A ce stade, les conditions préalables à une opération Casques bleus dans les territoires palestiniens sont loin d’être réunies. Alors pourquoi les pays arabes ont-ils mis ce plan sur la table ? Il « leur permet de signaler qu’ils seraient parmi les principaux contributeurs de troupes » en cas de déploiement, analyse Richard Gowan.

Cette proposition marque également un « compromis important » de la part de la Ligue arabe, argumente Romuald Sciora. « C’est la première fois qu’elle ne fait pas de la reconnaissance d’un Etat palestinien le préalable à toute discussion.note le chercheur. Ce plan est crédible, mais dans plusieurs années, avec un autre gouvernement à la tête d’Israël. »

« Il y a un peu d’hypocrisie dans ce plan. Ce n’est pas immédiatement réalisable, mais c’est un geste des dirigeants arabes envers leurs populations, très en colère contre la guerre à Gaza, pour montrer qu’ils peuvent être unis. »

Romuald Sciora, chercheur associé à l’Iris

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Pour Richard Gowan, cette proposition permet également aux pays arabes de « contester le plan israélien pour l’avenir de Gaza ». Benjamin Netanyahu a déclaré qu’il souhaitait qu’Israël conserve une certaine forme de contrôle militaire (sur l’enclave)avec la possibilité d’y effectuer des opérations quand il le souhaitedécrypte l’expert. Avec ce plan, la Ligue arabe propose une alternative. »

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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