Des récoltes… et des morts
Les vendanges 2024 débutent en Champagne. Hétérogénéité marquée du vignoble et de la maturation ; propagation des maladies, baisse estimée du rendement à 18 %, les vignerons s’inquiètent. Mais l’inquiétude est ici sélective et les conditions de travail des plus de 100 000 saisonniers qui viendront vendanger encore cette année ne font pas l’objet de telles considérations.
Posons la question sans détour : que vaut la vie d’un saisonnier face à une grappe de raisin devenue or ? Au final, pas grand-chose pour un secteur qui, avec ses 16 200 vignerons, 390 maisons de champagne et 125 coopératives, a franchi la barre des 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022.
Pourtant, derrière ces belles statistiques, il y a la triste réalité des morts au travail en Champagne. Leurs visages vous sont inconnus, mais ils sont là, ceux qui, partis un matin couper les raisins entre deux rangs de vigne pour une bouchée de pain, ne sont pas revenus le soir.
L’an dernier dans la Marne, pendant les vendanges, en quelques jours – alors que les températures combinées à l’humidité faisaient des blessés dans les vignes – 4 saisonniers sont décédés. Le plus jeune d’entre eux avait 19 ans, il s’appelait Réda.
Suite à ces accidents mortels, la ministre du Travail de Reims, Catherine Vautrin, a déclaré : « À l’heure où le changement climatique est une réalité que personne ne conteste, la chaleur constitue un facteur de risque de plus en plus important dont nous devons tenir compte. »
Mais quelles mesures concrètes a-t-elle prises pour prévenir ces accidents ? A-t-elle poussé à la fin définitive de la vendange à la tâche, comme le réclame la CGT Champagne ? Evidemment pas, même si cette vendange à la tâche – liant le salaire de l’ouvrier non pas aux heures travaillées mais à la quantité de raisin récolté – renforce l’exploitation et l’épuisement des travailleurs sous-payés.
A-t-elle donné suite aux revendications des syndicats de son ministère demandant qu’un arrêt de travail soit enfin créé pour permettre aux inspecteurs du travail, lorsque des salariés sont exposés à des chaleurs extrêmes – ou à des froids extrêmes -, de protéger les travailleurs si l’employeur est en faute ? Évidemment pas. Alors que plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens, dont une émanant du groupe parlementaire de la France Insoumise à l’Assemblée nationale.
A l’inverse, le ministre est devenu un relais de l’action des lobbies patronaux qui, en France comme en Europe, s’activent pour empêcher ou supprimer toute réglementation protégeant les droits des travailleurs considérée comme un ensemble de « normes contraignantes ». Ainsi, le 9 juillet, deux jours après la débâcle des législatives, le ministre du Travail a fait publier au Journal officiel un décret qui, loin de protéger les saisonniers, les expose encore davantage aux risques sanitaires.
Ce décret permet aux employeurs de suspendre, de leur propre initiative, le repos hebdomadaire des salariés pour certains métiers, dont les vendanges ! Une mesure extrême relevant jusqu’ici de la compétence des services du ministère du Travail, qui pouvaient refuser les dérogations demandées.
Il s’agit là d’une nouvelle atteinte au Code du Travail, au droit au repos chèrement conquis par le mouvement ouvrier grâce à la loi du 13 juillet 1906 (alors en discussion à la Chambre depuis 4 ans).
Cette violation d’un droit vieux de plus d’un siècle a de graves conséquences pour les travailleurs d’un secteur extrêmement difficile et précaire. Tâches extrêmement pénibles à réaliser, multiples exceptions à la durée maximale hebdomadaire de travail pouvant aller jusqu’à 60 heures voire 72 heures pour certains métiers, conditions d’hébergement souvent déplorables (hébergement sous tente, pas d’accès à l’eau courante), etc.
Il est cependant peu probable que le soi-disant « gaulliste social » Michel Barnier, devenu Premier ministre, abroge ce décret qui révèle une fois de plus tristement le vrai visage du macro-lepénisme : tout pour les riches et les patrons et au diable les travailleurs et l’ordre public social. Il est temps, grand temps d’y mettre un terme.
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