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des peines de 4 à 20 ans de prison requises contre les 51 accusés

S’exprimant lundi matin, dans une salle d’audience bondée, l’avocat général Jean-François Mayet a constaté un « chance du calendrier »tandis que le début des réquisitions a coïncidé avec la journée mondiale contre les violences faites aux femmes. Des rassemblements féministes à l’entrée du tribunal judiciaire d’Avignon étaient là pour le lui rappeler. « Vingt ans pour chacun! »réclame une immense banderole apparue ces derniers jours sur les murs de la ville.

Il s’agit de la peine maximale encourue en cas de viol aggravé. Et celle exigée contre Dominique Pelicot, « la clé de voûte de tout le dossier », a souligné la vice-procureuse Laure Chabaud, qui est longuement revenue sur la personnalité « structuré de manière perverse » de l’homme de 71 ans, accusé d’avoir drogué, violé et fait violer sa désormais ex-femme, entre juillet 2011 et octobre 2020.

Dans une longue déclaration introductive lundi, la magistrate a rappelé les deux circonstances aggravant les faits de viol ou de tentative de viol, reprochés à ses coaccusés : la rencontre et la soumission chimique. Seul Joseph C., 69 ans, est poursuivi pour agression sexuelle en réunion, car aucun acte de pénétration n’a été observé dans les vidéos le concernant. Le parquet réclame contre lui quatre ans de prison avec mandat de dépôt.

Laure Chabaud a encore pris la parole ce mercredi matin, pour appeler solennellement le tribunal correctionnel du Vaucluse à servir « que le viol ordinaire n’existe pas, que le viol accidentel ou involontaire n’existe pas », reprenant les arguments de certains accusés. « Par votre verdict, vous délivrerez un message d’espoir à toutes les victimes de violences sexuelles et vous restituerez la part d’humanité volée à Gisèle Pelicot »continua-t-elle. Et d’ajouter : « Par ton verdict, tu nous guideras dans l’éducation de nos fils. Car au-delà de la sanction, c’est par l’éducation que le changement s’opérera. »

Dès le début de ce long réquisitoire lundi, les prévenus ont compris que les peines demandées allaient augmenter crescendo. Pour Didier S., premier cas abordé après Joseph C., le couperet est tombé en début d’après-midi de lundi : « Je demanderai de le condamner à dix ans de réclusion criminelle »dit Laure Chabaud, derrière son bureau. Le retraité de 68 ans s’est présenté un jour au domicile du couple Pelicot et n’avait aucun casier judiciaire. Un brouhaha monte sur les bancs des accusés : on se rend compte à cet instant que les peines requises ne descendront pas en dessous de ce seuil.

Dix ans sont également réclamés contre Patrick A., 60 ans, qui se déclare homosexuel et affirme avoir eu une relation sexuelle avec Dominique Pelicot. Encore, « une conversation Skype parfaitement explicite » a montré que le septuagénaire lui avait confié avant son arrivée qu’il aimait « baiser » sa femme endormie. Il lui avait également donné pour instruction de ne pas la réveiller. Mêmes réquisitions pour Jacques C., Hugues M., Jean-Marc L., Ghabi S., Simone M., Philippe L., Paul G., Ludovick B. et Mathieu D.

Onze ans de prison sont requis contre Andy R., âgé de 31 ans lorsqu’il s’est rendu à Mazan le 31 décembre 2018. Cet ouvrier agricole, qui a déclaré à l’audience qu’il n’avait pas « rien d’autre à faire » le soir du Nouvel An, fait partie de la minorité d’accusés qui admettent un viol aggravé. Mais il a été reconnu coupable de violences conjugales, ce qui a clairement motivé le ministère public à se montrer plus sévère à son égard. La même peine est requise pour Quentin H., 34 ans, ancien policier et gardien de prison au moment des faits, qui a manqué à son devoir d’exemplarité.

Les peines se sont alourdies au fil des réquisitions effectuées à un rythme rapide, à raison d’un quart d’heure par accusé, parfois neuf ou huit minutes, selon les cas. Les dénégations contribuent clairement à accentuer la sévérité du parquet. Ainsi, Patrice N., électricien de 55 ans, inaugure le seuil des douze ans requis. L’homme, très volubile à l’audience, a affirmé ne se souvenir que des pénétrations numériques sur la victime, alors qu’il avait néanmoins procédé sur elle à plusieurs pénétrations péniennes, sans préservatif.

Husametin D., qui se trouve dans le même quantum de peine requise, a expliqué qu’il ne voulait pas toucher Gisèle Pelicot à son arrivée dans la chambre « parce qu’il pensait qu’elle était morte »» rapporte le procureur adjoint, indigné. Elle déplore « des explications confuses et contradictoires » de ce quadragénaire, qui a persisté à affirmer à l’audience « que, selon lui, la victime faisait semblant de dormir ».

Douze ans sont également réclamés contre Cyrille D., Redouan E., Boris M., Cyril B., Thierry P., Omar D., Mahdi D., Ahmed T., Redouane A., Lionel R et Jean T. Le ce dernier a affirmé tout au long de la procédure, et lors de l’audience, « je ne me souviens plus de rien »se souvient Jean-François Mayet. L’accusé de 52 ans croit avoir été drogué par un verre de coca que lui aurait offert Dominique Pélicot, ce que nie le septuagénaire. Pourtant, sur les vidéos, Jean T. agit « de manière consciente et non mécanique, et démontre ce qui ressemble à un geste de satisfaction en levant le pouce vers la caméra »relate le procureur général.

« Quelle substance a la capacité de pousser quelqu’un à commettre des actes contre sa volonté tout en lui permettant d’avoir des rapports sexuels ? »» s’interroge ironiquement Laure Chabaud, alors que plusieurs autres accusés affirment être convaincus, comme lui, d’avoir été soumis chimiquement par Dominique Pelicot. De manière générale, elle déplore que beaucoup d’entre eux aient soutenu «le costume mal ajusté de la victime accusée»lorsqu’ils affirmaient avoir été manipulés, voire « tétanisé »par Dominique Pélicot.

Treize ans de prison ont été requis contre six prévenus, apparemment au vu de leur casier judiciaire. C’est le cas de Nizar H., condamné pour violences conjugales sur la mère de son fils en 2015, et de son ex-compagne en 2018. Il en va de même pour Adrien L., déjà condamné pour faits de violences et viols. contre d’anciennes copines.

Parmi eux, on peut également citer Florian R., chauffeur-livreur, et Cyprien C., au chômage au moment des faits, qui comptent tous deux neuf inscriptions à leur dossier respectif. Pour le premier, âgé de 32 ans, il s’agit de conduite sans permis, de vols en réunion et de détention de drogue. Pour le second, qui a 44 ans, il s’agit principalement d’infractions routières mais aussi de dégâts matériels.

Mardi midi, un cap a été franchi dans une salle d’audience de plus en plus fébrile : quatorze ans de prison ont été requis contre six hommes, dont quatre étaient poursuivis pour détention de contenus pédopornographiques. Le cas le plus marquant est sans doute celui de Thierry P., chez qui les enquêteurs ont retrouvé pas moins de 656 photos et 419 vidéos de ce type. L’accusé de 61 ans avait également interagi avec un homme qui avait proposé à sa propre fille, à qui « il a répondu favorablement, dans des termes particulièrement grossiers et abjects »souligne l’avocat général.

Mardi après-midi, les peines s’accumulent, la tension aussi. Quinze ans de prison sont requis contre trois hommes, dont Hassan O. (en fuite), et Joan K., 27 ans, la plus jeune des accusés, poursuivie pour s’être rendue à deux reprises à Mazan, en 2019 et 2020. Cet ancien militaire a déclaré lors ses premières auditions. « qu’il avait été accueilli par Gisèle Pelicot, éveillée ». « Son positionnement fluctuant », est pointé du doigt par l’avocat général. Tout comme celui de Vincent C., également poursuivi pour deux séries de faits.

Sans surprise, les quatre accusés venus six fois au domicile des époux Pélicot ne sont pas épargnés : le ministère public réclame à leur encontre 16 à 18 ans de réclusion criminelle. Parmi eux, Charly A., parti pour la première fois à Mazan en janvier 2016, alors qu’il n’avait que 21 ans. Détenu depuis février 2021 dans le cadre de cette affaire, cet accusé « contexte éducatif très instable » est apparu particulièrement renfermé lors de son interrogatoire, répondant parfois par seulement un ou deux mots.

De même, Romain V., 63 ans, est revenu en larmes à la barre sur son enfance atroce, teintée de violences physiques et d’humiliations de la part de ses parents, ainsi que de violences sexuelles répétées de la part d’un prêtre. Mais, notamment à cause de « son discours banalisant, sans chercher les raisons de son comportement »le procureur général requiert à son encontre 18 ans de prison.

Enfin, pour Cédric G. et Jean-Pierre M. qui pouvaient être perçus comme des disciples de Dominique Pelicot, le procureur de la République a requis respectivement seize et dix-sept ans d’emprisonnement. Le premier a longuement envisagé d’asservir chimiquement l’un de ses ex-compagnes, avant de se rétracter. Le second, affaire à part dans ce procès, n’est pas poursuivi pour viol de Gisèle Pelicot mais de sa propre épouse endormie, à plusieurs reprises, avec la participation de Dominique Pelicot.

Si ces réquisitions sont suivies par les cinq magistrats professionnels du tribunal correctionnel du Vaucluse, tous les prévenus devraient aller en prison le jour même du verdict, attendu vers le 20 décembre, puisque les procureurs généraux ont systématiquement demandé un mandat de dépôt. . « Je considère que ce sont des réquisitions totalement disproportionnées »a déclaré à la presse Louis-Alain Lemaire, qui représente quatre accusés. Il fait partie des rares avocats à avoir accepté de réagir.

De même, son collègue Patrick Gontard, qui défend Jean-Pierre M., affirme «halluciner » avant cet acte d’accusation. « Procès extraordinaires, réquisitions extraordinaires !dit-il à la presse. Plus mesuré, Emile-Henri Biscarrat rappelle que deux semaines et demie de plaidoiries débutent ce mercredi qui seront « l’occasion de rappeler l’exigence ardente que doit avoir le tribunal d’individualiser les peines ».

Les avocats de la défense déplorent également un « Portant atteinte à la présomption d’innocence » de leur client, tandis que les noms de plusieurs accusés s’affichent dans les rues d’Avignon, via des collages féministes. Selon Guillaume de Palma, certains messages s’apparentent à « des appels à la haine ». C’est dans ce climat très tendu que Béatrice Zavarro plaidera dès 14 heures pour Dominique Pelicot. Ironie du calendrier, encore une fois : l’homme fête aujourd’hui ses 72 ans.

Cammile Bussière

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